Georges dans les tranchées

Mille et un jours...

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La blessure - chapitre 10/11

Cette page reproduit la correspondance de notre arrière-grand-père, de la fin d'année 1918 jusqu'à l'armistice.

Les protagonistes

Léon Renaud dit Georges (1885 † 1919)
Mathilde Valentine Renaud dite Louise (1892 † 1971)
André Louis Renaud dit Dédé ou la grosse cocotte (1913 † 1981)

La cantine

[...] je m’aperçois que tu às resté ces deux jours la sans me donner de nouvelle moi qui croyais le contraire que sa ne m’étais pas parvenu et aujourd’hui tu ne me donnes pas grand detail, mais écoute mon chéri je t’en prie comme je te l’ai dejà dit souvent ne me laisse donc pas sans nouvelle car tu sais bien que je suis trop inquiete quand je ne reçois rien.
Tu me dis que tu m’as adressé un mandat la veille en effet je l’ai bien reçu hier j’en ai donc été touché le montant à 4 heures et je t’avouerai que je ne m’attendais pas du tout à touché 200 francs j’en ai été vraiment surprise et je t’en remercie beaucoup tu me donneras sans doute des explications c’est sans doute ton rappel.

Louise Renaud, Longchamp le 7 juin 1918

Je n’ai pas aujourd’hui fais mon petit journal n’ayant que peu de chose à te dire. Je suis toujours au milieu de ma forêt et ne pense guère en quitter que d’ici plusieurs jours.
Il fait depuis trois ou quatre jours une chaleur épouvantable on ne sait pas ou se mettre pour être un peu à son aise. Tu me repondras probablement que nous avons de l’ombre. Et bien non ma chérie. Ce bois est immense et les arbres gigantesques mais tous dépouillés de leurs branches donc pas d’ombre possible. C’est je t’assure un assez triste spectacle figures toi des poteaux de telegraph plantés pèle mêle dans un champ. Pas un seul n’est pas criblé d’éclats d’obus de toute grosseur de bas en haut. Le terrain n’est pas superbe lui non plus et c’est même assez pénible de marcher. Il est jonché de branches, d’arbres brissés, et les trous d’obus se touchent presque tous. Depuis longtemps je vis parmis ces choses horrible mais jamais je n’en ai ressenti autant de pitié.
Malgré tout je suis en fort bonne santé et je ne manque de rien car le ravitaillement arrive bien regulièrement.

Georges Renaud, Mardi 15 heures le 13 Aout 1918

N’ayant pas recu de lettre hier je n’ai pas moi-même grand-chose à te raconter. Comme je te le disais sur ma dernière lettre mon deplacement c’est effectué dans la nuit tout c’est passé pour le mieux et malgré que je n’avais que fort peu de chemin à faire je suis arrivé assez fatigué. Je pensais pouvoir me reposer à mon arrivée mais pas du tout les camarades avaient beaucoup moins travaillés que nous et je me trouve encore actuellement sans abris il me faudra donc à nouveau travailler. Il part environ deux permissionnaires par jour donc si rien ne change prenons patience.

Georges Renaud, Vendredi 12 heures Le 16 Aout 1918

Mon colis de linge seul m’est parvenu ce qui m’a fait bien plaisir car la Cie justement ramassait le sâle pour le faire blanchir. Je me suis donc empressé de changer et comme mes camarades je l’ai donné. Il n’est certainement pas très propre mais au moins je n’aurai pas à tout t’envoyé et à te déranger de ton travail pour laver mes vieilles guenilles.
C’est ma chérie le 25 ta fête et je n’ai sous la main aucune fleur pour te la souhaiter je dois donc avoir recours aux paroles et je suis bien mauvais parleur. Mais peu importe ce serait inutile de prendre un détour. Je te souhaite ma petite femme adorée une bonne et heureuse puisque je n’ai pas de fleurs je te prie de vouloir accepter en échange tous mes plus tendres baisers.
Un instant j’avais crû que je serais à la maison à cette époque ce n’était malheureusement qu’une grave erreur. En la circonstance j’avais décidé de te présenter mes souhaits sous une autre forme mais hélas mon château est écroulé depuis longtemps avec cette fois peu d’espoir de retour. Une année est bien longue ma chérie par ces maudits temps de guerre.
Non seulement les permissions marchent lentement mais encore il se trouve des embûches et toujours à mon désavantage. Ainsi la Cie ayant subit quelques pertes ces jours derniers un renfort est arrivé hier matin comme je suis veinard cinq hommes passent encore avant moi et cependant je ne suis déjà pas en avance. Tu me diras que c’est peu de chose mais que le même fait se produise quatre ou cinq fois dans un mois ce à quoi il faut s’attendre pendant ces périodes critiques il n’y aura plus du tout de raison pour que je ne sois pas privé de ma permission cette année. C’est à se demander si reellement nos chefs pensent aux combattants qui n’ont pas eux le bonheur d’être évacués. Je l’écris et le pense car c’est honteux que des gens qui viennent de passer six mois dans un dépôt comme justement le cas se présente dans ce renfort prennent notre tour à nous qui sommes ici depuis tant d’années parce qu’un éclat ne nous à pas touché ou bien que nous ne savons pas être malades.
Voila ma chérie notre récompense et l’autorité prétend nous encourager ce n’est pas il me semble le bon moyen.

Georges Renaud, Lundi 12 heures Le 19 Aout 1918
carte postale DIJON Poilus-Palace Cantine - Salle de repos - Consigne - Lavabos
DIJON Poilus-Palace Cantine
CPA - Collection privée

Il est onze heures et je suis à la Cantine de la gare depuis un instant et déjà j’ai trouvé un homme de mon Bon avec qui je compte bien faire ma route.
Comme tu le sais je suis arrivé chez Cudry quelques instants après être descendu du train. Je ne te cacherai pas l’avoir [vu] assez gravement malade malgré tout il m’a reconnu avec beaucoup de peines c’est vrai. Je suis resté dans sa chambre pendant près de deux heures et il parraîtrait que d’après le medecin il serait atteint d’une congestion pulmonaire mais je n’en sais pas davantage. Certes je l’ai pour mon compte trouvé très mal mais je ne pense pas quand même que sa vie soit en danger.
Je me demande un peu comment tu auras fais ton retour dans de tristes conditions certainement car pour moi je suis actuellement déjà trempé.
Demain je ferai mon possible pour écrire plus longuement car ce soir je t’assure qu’il y à du monde à la cantine.

Georges Renaud, Dijon Le 11 Septembre 18

Mon voyage s’est effectué dans de bonnes conditions jusqu’à la gare destinatrice il n’en est pas de même pour le moment car je marche à pied. A l’heure qu’il est il me reste encore vingt deux Ktres à parcourir. J’espère neanmoins que tout ira pour le mieux.

Georges Renaud, Vendredi 9 heures Le 13-9-1918

Chère bonne maman
Tu sais sans doute qu’elle triste nouvelle nous attendait en gare de Genlis. Je devais donc quitter Louise bien indecise ne sachant trop ce qu’elle devait faire et moi même j’étais inquiet. Tout en arrivant je suis allé directement chez Cudry et je l’ai trouvé en effet bien mal je ne pense pas cependant que sa vie soit en danger. Ne voulant pas faire veiller ces pauvres gens trop tard je gagnais la gare vers dix heures malgré que ne devant m’embarquer que beaucoup plus tard. La pluie tombait toujours et pendant trois heures nous dûmes rester dans la cour à nous faire mouiller comme des canards. Jamais d’habitude on opérait de cette facon je me demande un peu ce qui a motivé cette mesure de précaution. Je t’assure que je n’en étais pas satisfait et je ne manquait pas de camarades.
Je quittais Dijon avec deux heures de retard extenué d’être resté debout sous la pluie. A peine le train était en marche que déjà je dormais et le soleil était très haut quand je me suis éveillé. Tout s’est passé sans encombre jusqu’à la dernière gare où je devais prendre un service automobile mais pour une fois je n’avais pas de chance il ne fonctionnait pas aussi j’ai dû faire trente kilomètres à pied dans ma journée d’hier.
Mon Bon étant au repos j’ai passé une bonne nuit réparatrice de toutes les fatigues de deux jours et ce matin je suis frais et dispos ne me sentant plus de rien.
Plus grand-chose pour aujourd’hui le canon fait rage et de temps à autre nous sommes bien sonnés.

Georges Renaud, Samedi 8 heures Le 14-9-1918

Dès mon arrivée à la cantine j’avais fais la rencontre d’un homme de mon régiment. J’en étais très heureux car je me sentais moins seul ainsi pour voyager. C’est même lui qui m’a fourni de quoi te faire un mot nous ne nous sommes pas quittés durant tout le voyage en chemin de fer mais à la dernière gare fatalement nous étions séparés.
Tu sais à l’heure que je devais partir craignant ne pas avoir de place je m’étais preparé pas mal de temps à l’avance. Bien mal m’en pris je t’assure car pendant trois heures consecutives je dû rester dehors au milieu de la cour sous une pluie battante sans pouvoir penetrer à la gare. Enfin vers deux heures du matin la porte était ouverte mais nous étions trempés et je n’ai pas besoin de te dire que personne n’était gracieux car il est inadmissible que l’on se moque de nous à ce point. Ceux de l’arrière en ont entendu de bien des couleurs ce qui n’a pas changé notre situation.
Nous quittions la gare il était environ 2H30 je me sentait très fatigué aussi contrairement à mon habitude je fus bien vite endormi et cependant je n’étais pas à mon aise heureusement le sommeil devait dominer tout le reste. Pendant longtemps j’ai dormi ainsi d’un profond sommeil et ce fut à ma grande surprise que me reveillant je vis le soleil à une certaine hauteur. Quelques instants après je descendais à Corbeil pour changer de train.
N’ayant pas mangé depuis la veille au soir je me sentais un d’appetit donc sitot installé toujours en compagnie de mon nouveau camarade nous cassions les os à une superbe moitié de poulet arrosée d’un joli et agréable vin blanc. Un bon cigare et nous reprenions la route. Mon ami n’était point bavard et aimait je crois beaucoup dormir je resolu donc de le laisser faire mais d’un coup je me senti rêveur triste même si bien que tout en rêvant eveillé je fini par m’endormir à mon tour. Nous marchions cependant bien à ce que j’avais constaté mais nous n’avions pas regagné notre retard ce n’est que tard dans l’après midi que nous arrivions à la gare régulatrice dont je t’ai parlé et que j’espère tu n’as pas encore oublié le nom.
Là nous devions faire timbrer nos permes et c’était un vrai travail tant nous étions nombreux et nous n’avions que fort peu d’arrêt. Pour me soulager mon camarade c’était chargé de la corvée tandis que moi je gardais notre matériel. Après quoi nouvelle installation et nouveau repas mais cette fois le wagon était beaucoup plus animé et malgré que n’ayant pas grande envie de rire je ne pû guère m’en empêcher tant un petit Parisien était comique dans son langage. Les quelques heures qui nous separaient de la gare regulatrice à la gare d’arrivée furent passées presque sans que nous nous en soyons rendu compte.
Le soleil était cependant descendu rapidement et c’est à peine si par instant il éclairait encore ces pauvres contrées dévastées. C’est alors que pour le seconde fois d’une triste impression et j’étais navré en descendant du train de me voir dans ce pays si bien connu où déjà j’ai tant souffert et où je devrai souffrir encore après avoir goûté oh ! Bien peu de cette vie si douce si calme mais dont je garde un si bon souvenir que je crois que cela me permettra de prendre plu facilement patience pour attendre mon nouveau tour.
Il était bien convenu que je devais le soir de mon arrivée profiter d’un service automobile pour rejoindre ma Cie mais désillusion complète car ce service était suprimé ce jour même et nous n’avions aucun renseignement. Fatigué d’attendre à onze heures du soir je voulu prendre un peu de repos et resolu j’allais chercher le cantonnement reservé aux permissionnaires. Helas, où était le bon lit que j’avais quitté la veille le terre seule devait me recevoir c’était certainement bien triste. Dormir il fallait pas y compter étant plusieurs centaines à chaque instant c’était tout un remue ménage car la majeur partie de tous ces hommes étaient en état d’ivresse. Enfin le lendemain matin vers cinq heures plus fatigué je crois que la veille je me levais et pris mes dispositions pour partir. A ce moment je comptais encore sur les autos mais ce fut en vain. Partir seul je savais la route bien longue c’est alors que je me mis à la recherche d’un camarade. Je n’ai trouvé qu’un sergent d’une Cie voisine qui comme moi était fort ennuyé. Il fut donc decidé que nous ferions la route à pied. Je t’ai fais une petite lettre en cours de route et j’étais déjà bien fatigué et cependant il me restait encore pas mal de chemin à faire.
J’ai trouvé ma Cie il était deux [heures] de l’après midi on m’attendait avec impatience craignant que je ne rentre pas ce jour là car le lendemain j’aurais été puni.

Georges Renaud, Samedi 15 heures Le 14-9-1918

En stage

Je t’ai quittée hier un peu precipitamment c’est que l’heure de la soupe arrivait et il ne faut par être en retard car les portions ne sont pas trop fortes. Quelques minutes suffisent pour que tu ne mange pas. Aujourd’hui je viens de rentrer des lettres et faire ma distribution sitot ce travail terminé je me suis mis en devoir de t’ecrire. Le temps est superbe depuis mon retour comme je suis furieux quand je pense que pendant la moitié de ma perme la pluie est tombée à flots surtout pendant les derniers jours. Mais puisque tout cela est passé je crois qu’il vaux mieux ne plus en parler car moi aussi j’ai un fameux cafard.
Comme je l’avais pensé vous avez un temps epouvantable pour rentrer à Labergement je ne sais trop même comment vous avez oser vous embarquer ainsi. En quel état vous deviez être tous et mon gros Dédé pourvu qu’il n’attrappe pas plus de mal qu’il n’en avait.
Je te disais donc hier que j’etais attendu à la Cie ce n’est pas comme tu pourrais le croire pour me gronder bien au contraire c’était surtout pour me faire plaisir et je suis certain que cela ne te deplaira pas non plus.
A six heures le soir de mon arrivée je devais me présenter au Bon étant designé pour la garde du matériel en cas de demarrage. Souviens toi quand nous regardions la carte ensemble. Certes cela ne durera pas toujours mais enfin je serais heureux que cela arrive.

Georges Renaud, Dimanche 15 heures Le 15-9-1918

Je ne t’ai rien dis encore de ce que j’ai retrouvé à mon unité et ce soir encore tu ne sauras pas grand-chose et sans te donner aucun détail je te dirai tout simplement que Robin avait raison et n’avait rien exageré. D’autre part je te dirai que je suis absolument perdu dans mon service. Fais ton possible ma chérie pour comprendre ce que je veux te dire.

Georges Renaud, Lundi 15 heures Le 16 Septembre 1918

Je suis arrivé hier au dépôt comme je t’en avais fais part il y a quelques jours sans cependant en être bien certain.
La veille déjà je n’avais pas écris et pour cause! Je pensais le faire comme à l’ordinaire dans l’après midi. Tandis qu’au contraire je fus complètement pris pour régler mes comptes à remettre à mon successeur un carnet en ordre. Après cela j’avais rapport si bien que mon après midi fut passé sans que je m’en apercoive.
J’espère qu’ici tout passera pour le mieux c’était un charmant village jadis malheureusement bombardé depuis quelques temps mais qui a encore de beaux restes. Il est actuellement réoccupé par un petit nombre d’habitants on commence cependant à trouver un peu ce dont on a besoin. Le vin seul y est fort cher ainsi nous payons le vin blanc cinq francs la bouteille et la bière un franc vingt ma fois que veux tu nous boirons de l’eau.
Mon stage durera environ une dizaine de jours je ne suis pas encore bien fixé à ce sujet et je te tiendrai au courant. Dans tous les cas je préfère cent fois mieux être ici que d’être monté en réserve en sois ce sera déjà bien suffisant de faire la période de ligne à mon retour après ce que mes camarades m’ont raconté il me semble que cela n’est pas intéressant je l’ai même constaté moi même tant j’ai à mon retour de permissions remarqué combien il y avait d’absents.
Je te demanderais de ne pas changer mon adresse pendant cette période de stage certes je serai bien privé des nouvelles mais les lettres arrivent si mal que je préfère souffrir un peu que de prolonger le retard car je suis bien certain que c’est ce qui arrivait.

Georges Renaud, Jeudi 2 heures le 19 Septembre 1918

Je ne t’ai pas encore parlé de ce que je faisais ici sais tu que le travail ne manque pas et je trouve même que c’est très fatiguant. Le matin réveil à cinq heures nouvelle heure pour partir une heure plus tard. Le terrain se trouve bien à cinq kms et il faut franchir une crête très élevée. Du reste pour bien te fixer cela monte constamment. L’exercice est assez pénible l’officier qui le commande étant très jeune et surtout très vif. Je t’assure que pendant la matinée il n’y a pas moyen de s’ennuyer. Retour vers dix heures les hommes doivent se nettoyer pour l’après midi moi pendant une heure j’étudie la théorie ce qui ne me plait pas beaucoup je suis cependant bien obligé de le faire car à chaque instant on peu m’interroger il me faut donc être en état de répondre. Après cela je mange assez vite une demie heure au maximum j’attend le vaguemestre et viens te faire un mot au foyer du soldat.
A une heure ou 1 heure et demie départ pour jusqu’à seize heures pour exercice de... tir avec toutes nos armes et lancement de grenades. Je quitte à ce moment mes hommes devant rentrer une demie heure plus tard pour faire l’étude de la carte de la boussole et enfin faire des croquis et des relevés de terrain. Ceci est plus interessant que tout le reste malheureusement l’officier chargé du cours n’est pas du tout à hauteur de sa tache.
Enfin à six heures je mange la soupe sans cette fois me presser et je vais faire ma petite promenade jusqu’à neuf heures malgré que je devrais encore étudier mais j’en ai suffisamment fait j’estimes que ma journée est assez complète ainsi.

Georges Renaud, Lundi 1 heures Le 23 Septembre 1918
Plaque identité militaire Renaud Léon Plaque identité militaire - Matricule 169
Plaque identité militaire
Collection privée

Hier encore j’ai recu deux lettres à toi ainsi qu’une de ton frère [...]
Sur ta première lettre tu me dis m’avoir trouvé bien inquiet. En effet j’y étais et peut être encore plus maintenant que jamais crois tu qu’il n’y a pas de quoi se lamenter quant on sait qu’une femme souffre autant que tu souffre. Un jour tu me laissais entendre que tu ne ressentais plus aucun mal j’en étais très heureux mais voila qu’à nouveau tu m’apprends souffrir toujours autant. Que faire moi si loin je ne saurais pas même te consoler tandis que si j’étais à la maison je n’hésiterais pas un instant pour te conduire à Dijon car il m’est avis que tu ne peux pas vivres dans d’aussi tristes conditions.
Je te demandais il y a quelques jours que tu reconsulte je suis bien heureux que tu en es la bonne intention mais voila que tu me dis que le docteur n’allant pas souvent au village à moins que pour une personne gravement malade. Certes avec ce principe tu auras toi-même le temps de le devenir tandis qu’il serait si simple de le faire venir ou alors d’aller le trouver chez lui ou bien encore de te consulter à Dijon. Une fois encore je te repète ne reste pas ainsi car tu cours le risque d’agraver le mal de le rendre même incurable et tu m’inquiète trop. Choisis je te prie une idée et prends franchement une décision sans attendre plus longtemps.
Avant-hier j’ai recu ton colis et tu pense ce qu’il m’a fait plaisir j’ai fini de le manger ce matin même. Les pêches étaient très bonnes je t’en remercie bien sincèrement et voudrais pouvoir en échange te donner de gros becots. Mais cette année nous n’avons pas eu de chance car le colis était un peu écrasé et quelques pêches trois je crois étaient litterallement applaties. C’est vois [tu] une petite perte je me suis si bien régalé avec le reste que je suis persuadé que cela compense largement. C’est à peu près tout ce que j’ai à répondre à ta lettre et j’ai déjà pas mal bavardé surtout qu’a chaque instant je suis derangé par des artilleurs qui viennent s’installer près de moi pour la nuit. Un officier aurait même voulu me déloger mais il ne peut le faire étant donné que j’ai ici une responsabilité. Je dormirai donc tranquille cette nuit.

Georges Renaud, Lundi 15 heures Le 1er Octobre 1918

Depuis des heures je parle et pourtant tu ne connais encore rien de ma vie actuelle. Je vais donc essayer de te l’a detailler de mon mieux en l’a reprenant depuis le dépôt. Ce sera assez long mais j’ai du temps devant moi.
Donc le vingt huit tu pensais que je devais me mettre en route le lendemain tandis que deux jours avant j’étais moi prevenu du contraire. Dans l’après midi de ce même jour j’étais comme à l’ordinaire à l’exercice. Tout en causant avec notre instructeur il nous avait laissé entendre que nous pouvions fort bien rejoindre d’un moment à l’autre sans cependant rien vouloir nous affirmer. Nous devions suivre un cours à quatre heures mais tout en rentrant on nous annonce qu’il n’aurait pas lieu. Donc ce que nous avait avancé l’officier commencait à se préciser il fallait pourtant plus ample renseignement.
Tenant bureau par bureau nous pûmes obtenir qu’en effet nous devions rejoindre le lendemain c’est-à-dire nous mettre en route dans l’après midi du 27 du mois dernier. De là tout [un] chacun voulait donner son avis et surtout avoir raison resultat personne ne savait rien et comprenait moins encore. L’ordre decidait que nous devions partir le vingt sept à seize heures il nous restait donc presque un jour pour nous preparer. Nous étions venu en camions mais nous devions rejoindre par étapes ce qui ne me plaisait qu’à demi il fallait tout de même se conformer à l’ordre donné. Etant le plus ancien je fus designer pour préparer le cantonnement et devais en conséquence partir plusieurs heures avant mes camarades.
Il faisait ce jour là une chaleur torride et malgré que marchant sans sac l’ayant laissé à mes camarades je me ressentais d’une grande lassitude. J’avais fais environ une quinzaine de kilomètres. En arrivant dans le village bien connu de moi maintenant car j’y suis déjà passé tant de fois trop même je n’eu qu’a reconnaitre nos emplacements qui nous étaient reservés puisque nous étions annoncés depuis le matin. Libéré de tout travail il ne me restait qu’à attendre mes camarades ce que je fis patiemment.
N’ayant pas mes yeux dans ma poche vite je mettais fais une idée de ce qui pouvait se produire sans malgré tout être certain de rien. Je constatais un remue ménage épouvantable impossible de circuler sur la route donc obligé de passer à travers champs. Questionnant l’un l’autre je pensais obtenir quelques vagues renseignements mais personne ne voulait parler sans doute c’était la consigne. Mes camarades arrivent à l’heure indiquée je désigne à chaque gradé son logement après quoi je vais moi-même me coucher un peu inquiet des événements de la journée. Nous partions avant la fin du stage un grand mouvement constamment je n’avais pas encore compris et ce n’est que plus tard que je devais connaitre la vérité.
A quatre heures le lendemain nous reprenions la route nous avions encore vingt kilomètres à parcourir et cette fois avec le chargement complet avec en plus la journée complète en vivres. Pour comble la pluie nous prenait au départ et ne devais nous lacher qu’à notre arrivée aussi juge un peu en quel état nous étions tous harrassés de fatigues n’ayant pas mangé depuis la veille.
Avisant Dufour qui rentrait de perme j’esperais obtenir de lui quelques renseignements sur ce qui se passait mais changeant de conversation ses reponses furent toutes négatives.
Le reste de la journée ainsi que le lendemain ce fut le calme absolu le repos complet nous devions relever dans la nuit. Un quart d’heure avant le départ contre ordre à ce moment j’étais absent du Bon ayant dû faire une commission pour un officier dans un village voisin. Je ne devais moi monter que le lendemain c’est pourquoi j’étais sorti. Apprenant cela tu pense si j’avais hâte de rentrer car je sentais que ce n’était pas ordinaire.
En effet à peine de retour un autre ordre arrivait et cette fois c’était le vraie. Inutile de te parler de rien vois simplement le journal.

Georges Renaud, Mardi 9 heures Le 2 octobre 1918

Hier soir j’avais détaché deux de mes hommes espérant qu’ils me rapporteraient et des nouvelles et du ravitaillement mais pas du tout ils sont arrivés trop tard. Une nouvelle avance avait eu lieu dans la journée et tout le régiment était parti sans qu’on sache où et a quelle heure il stationnerait. Les deux malheureux en furent pour leurs peines et actuellement nous n’avons plus rien à manger malgré ma mauvaise humeur ça m’oblige à rire quand même car je trouve un certain charme à mendier mon pain. Ceux qui n’ont jamais connu la guerre nous envoient promener tandis que ceux qui ont soufferts partagent avec nous.
Mais voila mes artilleurs je devrais dire mes sauveurs qui sont partis de ce matin plus que jamais nous sommes seuls et bien seuls peut être même sommes nous oubliés. Alors adieu les portions partagées et la boule de rabiot. Non tout de même ce n’est plus à rire je vois notre situation plutot critique.
Un permissionnaire partant ce matin m’avait cependant laissé entendre que nous devions suivre le mouvement dans la journée n’ayant encore rien vû je commence à désespérer à moins que je ne sois debout toute la nuit. Je le voudrais car franchement je me trouve trop loin de mes camarades on ne sait rien on ne voit rien pas de journaux et surtout on ne mange guère. J’ai questionnai ce petit camarade il paraitrait que les pertes sont très legères à ma Cie un tué et deux blessés.
[...] je te confesserai avoir dépensé beaucoup plus d’argent que si j’étais resté à ma compagnie sans pour cela avoir fait de l’extra. Nous étions pris la majeure partie de la journée mais néanmoins nos cuisiniers étant libres eux nous ne manquions de rien le soir. Puis nous avions vaguement une idée de ce qui devait se produire je crois même t’en avoir dis quelques mots donc ce n’était pas l’instant de nous laisser souffrir ce qui fut voté à l’unanimité.
A mon retour soit dit sans honte je n’étais pas riche mais pas riche du tout. Ce qui m’a le plus assommer c’est ce que je devais rembourser au sergent major tout le mois de septembre et une quinzaine d’octobre avec une augmentation de seize centimes par jour en plus. En quittant le depot il à encore fallut payer pour mon séjour si bien qu’à l’heure actuelle je ne dois presque rien à ma Cie trois jours seulement.
Puis je t'avais fais part quand j’étais en perme de l’intention que j’avais de commander un caoutchouc justement tout en arrivant du dépôt j’ai trouvé un camarade à qui il manquait un adérent pour faire sa commande je fus donc le bienvenu et moi j’en étais très heureux malgré une légère augmentation de deux francs. C’est moi même qui ai expédié le mandat il y a huit jours déjà mais certainement il faudra attendre quelques temps avant de recevoir le colis. De cette facon tu n’auras plus à craindre que je mouille et je conserverai avantageusement mon ancien caoutchou pour quand je rentrerai.
Déja on sent l’approche de la mauvaise saison les feuilles sont jaunies et tombent jonchent même le bois dans lequel je me trouve les oiseaux ne chantent plus ce qui rend mon coin déjà si triste affreusement monautomne. Les corbeaux sont par bande incalculable dévorant quelques cadavres restés à même sur le terrain. Bientot la neige se mettra de la partie alors ce sera l’hiver terrible et menacant nous faisant souffrir nous sans abris et sans feu pendant de longs mois il faudra grelotter sans jamais parvenir à se rechauffer. Oh! Qu’ils me font peur ces maudits mois d’hiver et que je voudrais les voir loin derrière moi.

Georges Renaud, Dimanche 11 heures Le 6 octobre 1918

La blessure

Le travail était très long quatre grosses voitures à charger de sacs qui se trouvaient au fond des sappes. Puis faire quinze Kms et commencer le déchargement et remettre tout en place à onze je n’avais pas encore terminé.
Ce matin j’ai de mon mieux mis un peu d’ordre à tout car je t’assure que j’avais un triste chantier et cet après midi je me promet de me reposer.
Actuellement je me trouve en pays reconqui et malgré ma grande avance je suis toujours très loin de mes camarades ce qui me fait croire que je serai là que quelques jours seulement.

Georges Renaud, Lundi 13 heures Le 7 octobre 1918

J’ai rejoint ma Cie tout est donc fini entre l’arrière et moi. Dans un instant je compte partir plus loin encore d’où nous sommes.
En attendant tout va pour le mieux je suis en bonne santé et espère que je serai protegé comme par le passé.

Georges Renaud, Le 19-10-18

Plus que jamais je me trouve dans l’incertitude et comprend de moins en moins la manœuvre mais pourquoi chercher à s’expliquer la situation puisque cela n’avance toujours à rien et que le moment vient bien assez tôt où l’on se rend compte de la situation.
Depuis quatre jours tu peux croire que c’est pour nous une triste vie constamment en alerte attend[ant] avec anxiété l’heure du départ qui ne vient pas viendra-t-elle je ne le sais pas mais dans tous les cas si il doit en être ainsi je crois qu’il vaudrait mieux que ce soit tout de suite et que nous soyons débarrassé tandis qu’il faut resté là à se regarder sans rien faire sinon s’ennuyer et même ne pas pouvoir écrire.
Sachant que je devais monter attaquer je n’avais pas pris avec moi de papier à lettre quelques cartes seulement pensant ne rester la haut que quelques jours seulement. Mais comme ce matin encore il n’y avait rien de nouveau je me suis décidé à aller chercher dans mon sac un peu de papier risquant fort de me faire attrapper car nous ne devons pas sortir du cantonnement sans autorisation. J’ai eu la chance de faire mon voyage sans encombre et je profite d’un instant de liberté pour te faire un mot. Tu me parlais un jour que la fin de la guerre viendrait peut être plus vite qu’on osait le croire. J’aurais voulu te croire et que tu dise vrai mais je ne puis me resoudre à cette idée car vû ce que je vois et ce que je comprend ce n’est pas possible. Donc permets moi de te conseiller de ne pas trop te réjouir à l’avance mais d’attendre patiemment le beau jour de la libération qui hélas n’est pas encore là. Puis quoi sans repos jamais toujours aller de l’avant je crains qu’un jour je fasse comme beaucoup de mes camarades laisser quelques unes de mes plumes.
Je ne te parlerai pas comment je suis installé car reellement je suis mal mais enfin c’est encore préférable que d’etre là haut. Nous ne trouvons aucun ravitaillement pas de vin et surtout pas de tabac ainsi depuis huit jours je n’ai pas fumé.

Georges Renaud, Mercredi 9 heures Le 23-10-1918

Oui ma chérie une journée est très longue parfois trop même et encore nous sommes loin d’en disposer selon notre bon vouloir aussi quand le soir arrive presque chaque jour nous nous appercevons une fois de plus que notre temps se dépense à ne rien faire sans que nous puissions conduire nous même nos actes en un mot nous servons de pantins combien de temps cela durera je me le demande mais je commence d’en avoir suffisamment.
Tu m’annonce le retour du gros Julot en effet il est venu me rendre visite hier après la soupe du matin et devait revenir le soir mais nous devions monter dans la nuit sans doute il aura préféré se reposer car je ne l’ai pas revu probablement il viendra aujourd’hui. Nous avons causé pendant une bonne heure de tout ce qu’il pouvait y avoir de nouveau dans la contrée et le pauvre était desolé de ne pas m’avoir apporté un colis mais étant toujours comme l’oiseau sur la branche nous ne pensions pas nous rencontrer. Puis j’estime qu’avec le chemin que les permissionnaires ont à parcourir ce serait très ennuyeux de les charger en outre il faut au minimum quatre jours donc le colis aurait le temps de se perdre.
Il me racontait que beaucoup voyaient la guerre terminée et même aurait volontiers consenti à ne plus travailler. Je crois qu’il serait bon que ces gens viennent faire un tour par ici de facon qu’ils sachent une fois pour toute ce que c’est qu’un poilu.

Georges Renaud, Jeudi 11 heures Le 24-10-1918
Calendrier 1918 Calendrier 1918
Calendrier 1918
Collection privée

Je viens à l’instant de rentrer de chez César. il est trois heures j’ai été lui porter ton colis. J’ai ajoute au colis une petite bouteille de mure mais elle n’est pas tres grande c’est tout ce que j’ai pu me procurer mais enfin j’espère que le tout sera le bienvenu et il m’a été impossible de me procurer une boite maintenant l’on ne trouve plus rien heureusement que Auguste ma tiré d’embarras il ma fabriqué une petite caisse sans cela je me demande un peu comment je me serais arrangé.
Eglantine vient de me dire que les parents de Henri Aleritière viennent de leur telephoner qu’ils étaient sans nouvelle de lui depuis le 12 il est du troisième bataillon je pense que tu dois le connaître que César ta fait faire sa connaissance.

Louise Renaud, Longchamp le 27 Octobre 1918

je vais t’envoyer tes deux paquets que tu avais laissé j’espère que ce sera le bienvenu. Je vais t’annoncer que Gabrielle Royer la fille de Annette Gueno est morte de ce matin de cette grippe infectueuse voila à peine huit jours qu’elle était malade c’est terrible tout de même l’on est bientôt mort et la grippe est en son plein içi il y a beaucoup de cas et ce qu’il y a de plus ennuyeux l’on ne peut pas avoir le medecin il a trop de travail il ne veut même pas se deranger alors le mal à le temps de s’agraver.

Louise Renaud, Longchamp le 27 Octobre 1918

Ne t‘inquiète pas tout va pour le mieux. Je ne souffre pas trop. On vient de me mettre le bras dans le platre et je me sens beaucoup mieux. Donc maintenant dès qu’il y aura un train je partirai pour l’intérieur alors je te préviendrai.
C’est comme tu dois le deviner le bras gauche que j’ai de malade.
Mais de tout ce qui m’ennui le plus j’ai perdu mes lorgnons. Enfin dès que je serai dans le centre je ferai mon possible pour m’en procurer car ce n’est pas une vie pour moi.
Tu feras part de ma blessure à ma mère eprouvant de grandes difficultés pour écrire je ne veux rien lui adresser.

Georges Renaud, Le 31-10-1918

Je ne sais seulement pas ce que j’ecris c’est a dire que je ne le vois pas. Fais ton possible pour le lire.
Mon voyage c’est effectué dans de fort bonnes conditions car tu sais que je t’avais annoncé que je devais quitté mon ambulance.
Blessé le 25 à onze heures j’arrivais à Dormans dans la nuit operé tout de suite. Je reste là jusqu’au 29 au soir après quoi je gagne Eperney jusqu’à hier soir. Aujourd’hui je suis à Paris et en arrivant j’ai demandé à te faire adresser une depêche j’espère qu’elle te sera parvenue.
Je vais très bien ma tête est déjà guerie reste le bras qui sortira du platre ce soir.

Georges Renaud, Le 3-11-1918

Pour la lettre qui a tant de retard ce n’est point ma faute je l’avais confiée à un infirmier et je sais de ce matin que tout est censuré par les Americains.
Le lendemain j’étais opéré je ne pouvais donc pas écrire étant encore à moitié endormi. Le mercredi on me piquait au serum ce qui est très douloureux je dû rester deux jours sans faire un seul mouvement. J’attendais Marcelle pour te faire écrire car je ne dois pas compter sur les Americains à peine si je puis me faire comprendre. Elle ne vint pas et probablement ne viendra pas car elle n’a pas le nom de la rue.
Depuis le vingt cinq moi aussi je suis dans mon lit sans pouvoir faire un mouvement et ce n’est pas avant le mois prochain que je compte me lever. Enfin tout va bien c’est le principal.

Georges Renaud, Le 12 Novembre 1918

Je me sens beaucoup mieux aujourd’hui malgré que j’aie bien souffert pendant deux jours. Mon bras trop serré dans son appareil seul en était la cause. Aujourd’hui je dois être pansé donc j’espère que tout doit aller pour le mieux. Mon dos commence egalement d’etre bien indolore aussi j’ai hate de me lever mais pour cela il faut bien attendre encore une quinzaine de jours temps que je trouve bien long.
Je suis bien heureux de savoir que vous commencez à vous lever j’espère que ce mieux continuera et que bientôt vous serez completement rétablis. Je suis frappé du ravage que fait cette maudite grippe. Tu ne peut savoir combien j’ai été inquiet à votre suget (sic) je crois même que c’est le mauvais sang que je me faisais ces jours derniers qui fait que mon bras allait moins bien.

Georges Renaud, Le 15-11-1918

Donc je t’en prie ne soit pas trop cruelle ne me fais pas souffrir en me privant de correspondance. Si je n’ecris pas tous les jours ne t’inquiète pas je suis blessé et je souffre legerement mais ma vie n’est plus en danger avec un peu de patience nous en verrons le bout d’ici quelques [temps] nous aurons le bonheur de nous voir tous reunis. Seulement j’ai bien peur d’etre un peu estropié malgré que les americains me disent que non. Quant à la gorge je m’en moque quoiqu’étant très marqué j’espère que je ne te ferai pas horreur.
Il est déjà tard dans l’après midi et mon pansement n’est pas encore fait aussi le bras commence de me faire mal et probablement il me faudra attendre jusqu’à demain. La journée je patiente encore mais les nuits sont horriblement longues pense donc être en bonne santé car je ne suis point malade et être obligé de rester couché commence de bien me fatiguer et voudrais bien être huit jours plus vieux pour que la planche que j’ai sous les reins et qui tient mon bras soit sortie après quoi il me semble que je serai bien soulagé puis je n’aurai plus guère ensuite qu’une semaine à rester couché.

Georges Renaud, Le 16 Novembre 1918

Tu me demande sur cette lettre beaucoup de details je vais faire de mon mieux pour te renseigner. Il me faut tout reprendre depuis mon arrivée à l’hopital. Mon premier mouvement en descendant de l’auto fut de t’envoyer un telegramme esperant bien que tu serais près de moi dans le courant de la semaine. Le lendemain sachant que je serais privé de tous mouvements puisque mon bras devait être placé dans un appareil je fais un mot avant l’operation à tout hasard mais toujours avec la conviction que tu viendrais. Les jours passent alors et ta première lettre me parvient et comme elle était ecrite au crayon n’ayant pas de lorgnons il ne me fut pas possible de la lire et personne à qui demander de le faire pour moi tous sont americains et parlent à peine le Francais. Vois ma chérie qu’elle fut ma souffrance pendant plusieurs jours et ce que toi tu ne savais pas encore. C’est alors que je demandai si on ne pourrait pas me procurer des verres même en payant. Le lendemain on venait prendre le numéro et le samedi soir j’étais enfin sauvé car les americains venaient de me remettre des lunettes.
La nuit je suis normalement couché sur le dos toujours de jour on me place deux oreillers derrière le dos pour me reposer un peu. Mes occupations sont simples toujours les mêmes depuis quinze jours fumer cigarettes sur cigarettes et du tabac Americain que je n’aime pas hélas mais il ne m’aie pas possible de m’en procurer de l’autre à mon grand regret. Puis comme on nous fourni des livres la majeure partie du temps je lis pour me distraire.
Je suis logé dans une charmante petite chambre à trois lits. La premiere semaine j’avais pour compagnon un Polonais et un americain maintenant il n’en reste plus ainsi j’ai à ma gauche un aviateur d’une famille Parisienne très riche puis à mes pieds un jeune soldat de Chaumont. Je trouve la vie bien moins monotone depuis quelques jours.
Pour la nourriture c’est irréprochable moi surtout étant très faible tant j’avais perdu de sang je touche deux fois par une suralimentation le matin à dix heures chocolat à trois heures gateaux.

Georges Renaud, 1 heure Le 18 Novembre 1918
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