Georges dans les tranchées

Mille et un jours...

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Chonville - chapitre 2/11

Nous retrouverons dans les pages qui suivent de larges extraits de la volumineuse correspondance de notre arrière-grand-père durant le premier conflit mondial.

Les protagonistes

Léon Renaud dit Georges (1885 † 1919)
Mathilde Valentine Renaud dite Louise (1892 † 1971)
André Louis Renaud dit Dédé ou la grosse cocotte (1913 † 1981)

27e RI

J’ai demandé une permission pour dimanche mais je ne sais pas si ce sera pour partir samedi ou bien dimanche et je ne sais même pas si elle me sera accordée je pense que oui toutefois car il n’y a pas de raison pour quelle me soit refusée si il fait bon je partirai à bicycllette.
Il part toujours des hommes du Lycée aujourd’hui il en part huit dont deux gradés pour Vincennes et ensuite pour l’Asie je t’avouerai que cette fois j’ai eu la frousse que cela tombe sur moi mais il n’en est rien je reste encore pour cette fois en attendant une autre tournée peut-être en sera-t-il encore de même.

Georges Renaud, Dijon, le 3-3-1915

J’ai passé une semaine épouvantable comme fatigue je t’assure que je suis exténué de fatigue j’ai pris deux fois la garde de 24 heures sans dormir et deux fois marche de nuit dont une celle de jeudi partir à 8 heures du soir et rentrer le lendemain à 9 heures et battre toute la nuit sans arrêt pour commencer sous bois ensuite dans les carrières de Velars et de Plombières je suis rentré abimé de sommeil et de fatigue car j’avais le sac complet avec 12 paquets de cartouches et la pluie une grande partie de la nuits dans les blés et les luzernes couchés à plat ventre et faire des bonds comme si nous devions nous battre en plein terrain il serait bien preferable de nous apprendre à faire des tranchées enfin il ne faut pas chercher à comprendre.

Georges Renaud, Dijon le 10 Mai 1915 27e d’Inft, 28ème compagnie

Nous sommes parti de Dijon gare à 7 heures pour arriver à destination à 8 heures 20 du soir le voyage c’est très bien effectué car il ne faisait justement pas chaud ce jour là en arrivant en gare le soir nous recevons l’ordre de ne pas sortir du vagon là c’était déjà plus pénible car nous ne pouvions pas nous étendre et ma fois pour dormir ce n’était pas très commode car pas mal d’entre nous avait buent alors ce n’était qu’un va et vient toute la nuit le lendemain reprit à 5h1/2 courbaturer bien entendu départ à 6 heures pour faire une vingtaine de kilomètres mes pauvres pieds ils ont pris quelque chose nous arrivons au cantonnement à 2 heures là nous sommes fourré dans des granges pour attendre le lendemain ou nous sommes trimbalé de compagnie à compagnie enfin à 8 heures 20 le soir départ dans les tranchées chacun comptait partir mais on nous emmène à l’arrière ou nous arrivons à 2 heures du matin alors la j’ignorais complètement si j’avais des pieds car la peau est absolument soulevée mais ce sera l’affaire de quelques jours [...] Aujourd’hui je tombe dans les bras de Charpentier que je ne pensais jamais revoir car on m’avais annoncer sa mort à mon arrivée chose qui n’était pas.
Donc en arrivant je t’assure que j’ai assez de chance au lieu de monter dans les tranchées comme je le croyais nous sommes au repos pour un vingtaine de jours par conséquent tu n’a pas lieu de te faire de mauvais sang d’ici la et ici on entend presque pas le canon car nous sommes très éloigné non pas au premier cantonnement c’était jour et nuit car nous n’étions éloignés qu’à quelques kilomètres et ma fois cela fait un drole d’effet. Je remet ma babillarde à demain car je ne veux pas que tu me fasses de reproche à ce sujet.

Georges Renaud, Le 23 Mai 1915 27e d’Inft, 28ème compagnie

Sur ma lettre d’hier je te disais que nous étions très éloigné du front et que l’on entendait pas le canon c’est vrai ; mais quelle erreur si tu avais entendu cette nuit et ce matin c’était un enfer le plancher ou je suis couché en tremblait sous moi mais je t’assure que pas un instant cela ne m’a effrayé il est vrai que c’était les notres qui tiraient que je ne craignait rien mais quand même il parrait que l’on si habitue très facilement je crois volontiers car si tu voyais le moral qu’on les hommes qui descendent des tranchées tu ne voudrais pas y croire.
Quan à la nourriture nous sommes assez bien soigné je crois le matin café comme à la caserne à dix heures le même menu qu’à la caserne ou à peu prêt avec deux quarts de vin et à cinq heures c’est du café à la place du vin tu vois que l’on est pas trop malheureux seulement ce qui est le plus gênant si tu dois acheter quelque chose les gens n’ont pas de prix ainsi nous payons le vin quatorze sous bouteille tu vois c’est un peu salé.
J’espère que note amour va bien et qu’il fait toujours son polisson tu l’embrassera bien pour moi et tu luis dira que son papa l’aime bien et ira bientôt l’embrasser car il parrait que cela ne peut pas durer longtemps. Je t’embrasse bien fort en attendant de tes nouvelles. A demain. J’ai oublié de te donner le numéro du secteur c’est 53 tu le met au bas de l’enveloppe. Secteur 53

Georges Renaud, Lundi le 24 Mai 1915
Famille Renaud-Derivet
Famille Renaud-Derivet

La vie de repos est plutôt abrutissante pour les hommes ils mangent ils dorment et ils se soulent alors dans quel état pendant que leurs femmes pleurent pour d’aucun je t’assure que c’est ignoble répugnant même boire un litre très bien mais se mettre dans un tel état n’est pas pardonnable.

Georges Renaud, Mercredi le 26 Mai 1915

Tu me demande quel achat j’ai fait avant mon départ et bien je n’ai acheté que le strict nécessaire pour deux raisons c’est que mon sac était déjà bien lourd et en suite je savais que j’aurais besoin d’argent car je crois qu'au repos l’on en dépense beaucoup plus que je n’aurais pensé malgré que je le jette pas par la fenêtre j’ai donc emporté du chocolat des vivres pour deux jours car nous n’avons touché que des conserves et ma fois c’est bien maigre malgré qu’il faut bien s’en contenter ici de l’alcool de menthe du rhum et de quoi faire des pensements voila tout mes achats ce n’est guère et c’est vite fait d’en avoir pour cent sous.

Georges Renaud, Jeudi midi 3 juin 1915

nous sommes dans les bois ou du moins c’était des bois cela n’en porte presque plus trace mais ma fois je n’ai nullement l’envie d’y aller Car Messieurs les boches ne sont pas très courtois hier par exemple ils étaient très énervés ainsi que la nuit et depuis ce matin cela crache je ne te dis que cela enfin il faut les laisser s’amuser quand ils auront fini le 75 prendra la parole et ma fois gare leurs petites guegueles.
J’aime mieux pour eux que pour moi Il fait une chaleur épouvantable et du fond de ces tranchées tu ne sens pas d’air et ce n’est pas très facile de ce mettre à l’ombre.

Georges Renaud, Samedi 5 Juin 1915 – 10h du matin

J’ai bien quitté les premières lignes comme je te le disais sur ma dernière lettre mais au lieu d’aller a Pont nous sommes cantonnés dans le bois à une courte distance du front. Là nous passons quatre jours et nous retournerons en première ligne le dix au matin mais console toi le secteur est toujours aussi tranquille ainsi nous sommes arrivés au repos hier matin sans avoir perdu un homme dans le bataillon mais les boches quesqu’ils prennent à chaque instant tu vois leurs tranchées voler en éclats alors pense bien que ceux qui sont dedans doivent prendre un éclat d’obus par si un par là ce qui doit forcement leur faire pas mal de perte à la fin de la journée et tous les jours cela recommence.
J’ai fait cinq kilomètres ce matin pour pouvoir aller me laver les mains et la figure il y avait six jours que je ne l’avais pas fait je t’assure que c’est bon et que cela fait du bien j’en avais d’ailleurs grand besoin car avec la chaleur qu’il fait tu transpire beaucoup la sueur perle continuellement alors avec la poussière qui s’échappe de la tranchée tu pense si cela colle ce qui fait que l’on est ni noir ni blanc mais passablement crasseux enfin à la guerre comme à la guerre.
Je te disais donc que je suis aller me laver j’en ai profité pour visiter un village bombardé c’est épouvantable à voir il ne reste absolument rien que les murs et encore pas tous et l’église qui n’est pas touchée ce qui en rend l’aspect beaucoup plus impressionnant encore je suis allé jusqu’à la porte voulant la visiter mais au moment d’entrer je fus pris d’un tremblement nerveux et je dû m’en éloigner en la contournant pour me rendre aux cimetières je mets au pluriel car il y en a trois mais la c’était encore pis et c’est en pleurant comme un enfant que je suis rentré dans mon cantonnement. Notre cantonnement est un charmant village souterrain même presqu’une ville. Nous sommes logés figure toi une cave qui serait recouverte de terre à hauteur du sol avec sur le toit du branchage qui la rend invisible aux aviateurs et cette cave se nomme du nom vulgaire de Cagna à l’intérieur il y a une légère couche de paille et une couche de poux presque aussi épaisse alors rappel toi quand tu me disais de me tenir propre je ne crois pas que cela soit bien facile enfin on fait tout de même tout ce que l’on peu.
Je suis obligé de te quitter pour conduire une corvée d’eau à Marbotte les hommes ont soif.

Georges Renaud, Lundi 7 Juin midi 1915

Je m’appercois que tu travaille non pas régulièrement mais plusieurs jours par semaine c’est bien le tant mieux que tu puisse gagner quelque argent ce qui m’ennui c’est de savoir que tu va dans ces dômes franchement ce n’est pas le travail d’une femme et je crains que tu te fatigue trop.
Tu me répète encore que d’aucun donnent certains détails sur l’emploi de leur temps et le nom des localités ou ils se trouvent ils ont grands tort car hier encore pas plus loin 8 hommes du régiment se sont vu infliger quinze jours de prison pour infraction au règlement de la correspondance et cela juste pour avoir donner le nom de la localité ou ils étaient au repos [...]
A l’instant même on vient de nous faire distribution de tabac pipe papiers a cigarette briquet blague tous ces objets proviennent des dons qui sont fait à Dijon je t’assure que mes hommes étaient content c’est à qui aurait une pipe ce sont de vrai gosses qui se disbute pour une plume eux c’est pour une pipe pour mon compte j’ai été bien partagé j’ai gagné un paquet de tabac et une superbe blague j’étais très content pour le tabac [...]
Comme je me suis trouvé pris une première fois dans les tranchées sans vivre car la journée est longue tu mange la soupe le matin a cinq heures et le soir entre six et neuf tu casses bien une croute à midi surtout que je dévore pour le moment heureusement que j’étais tombé avec un sergent qui avait des réserves il me fit profiter de ses conserves cette fois je me suis fait rapporter 2 boites de sardine 1 boite filet de hareng et 3 boites de patés le tout pour cinq francs trente tu vois que ce n’est pas pour rien mais au moins je pourrai me soigner comme il faut car nous seront la haut beaucoup plus longtemps que je ne pensais j’espère toute fois ne pas être malheureux. Nous venons de passer une nuit épouvantable l’orage a commencé à la tombée de la nuit et n’a cessé qu’au petit jour le tonnerre grondant à tout rompre et dans les vallons l’echo rend les coups encore plus sonore aussi n’entendions nous plus le canon la pluie est tombée toute la nuit à torrent ce qui fait que nos cagne ne nous abritaient plus et bien obligé de rester couché quand suis levé ce matin comme les canards quand ils sortent d’une mâre je me suis secoué et comme le soleil donna j’ai attendu que je sèche tu aurais trop ris si tu nous avait tous vu étendu au soleil et je crois que cela va recommencer cette nuit.
Comme je te l’avais dit dans une de mes lettres je fais fonction de caporal et je suis nommé d’hier par décision du colonel j’en suis très heureux et très fier pour mes premiers galons surtout si vite gagnés.

Georges Renaud, Mercredi 9 juin 1915 10 heures

Secteur 53

La journée du 11 avait été très calme et rien ne faisait prévoir l’orage que devait nous déchainer les boches quand vers 8 heures du soir un coup de canon puis un autre et enfin quelques secondes plutard un ciel en feu et une pluie d’obus je n’avais pas peur mais nous faisions tous triste mine. J’étais donc caché dans ma cagna avec un de mes poilus lorsque tout à coup un obus éclate juste au dessus de nous quel vacarme si tu savais les pierres les éclats tout volait dans les airs alors tout à coup j’ai cru avoir le pied droit arraché je dis à mon homme ça y est je suis touché j’enlève vivement mon soulier aucune trace de sang j’en conclu que j’avais été touché par une pierre je remet ma chaussure et j’attend la fin du bombardement à dix heures je ne sentais plus mon pied je vais près du lieutenant et j’allume une bougie la je constate que j’avais une toute petite coupure au gros orteil du pied droit je me fais un pansement après m’avoir badijonné de teinture d’iode et je reprend mon service lorsque le commandant de compagnie me donne l’ordre d’aller au poste de secours [...]
mais je refuse puisque je ne souffrais pas et je me couche en attendant mon tour de garde de minuit à quatre heures mais les autres caporaux s’arrangèrent pour que je puisse me reposer j’en étais très heureux car j’avais pris un peu de fièvre le matin je regarde mon pied et comme le pansement était collé je vais donc au poste je me presente au major et lui de me faire un pansement pensant que j’allais retourné aux tranchées il regarde ma blessure et me dit qu’il était obligé de m’évacuer inutile de te dire qui avait le sourire car je l’avais mais en dessous. Alors j’avais laissé mon sac dans la tranchée et comme je marchais difficilement je fis dire que l’on me descende mon sac mais on avait eu soin de faire perquisition et d’enlever le tabac voila pourquoi je te disais que je n’avais pas eu beaucoup de plaisir a le savourer.
Je sors de la visite avant de t’écrire alors le major regarde la blessure et me dit qu’il restait un petit éclat dans la blessure il prend une pince mais il ne peut l’extraire il est obligé de me ??? le doigt de pied on à beau être dur je t’assure que cela fait mal tout de même et cet eclat est à peu près gros comme un pois tu vois il faut peu de chose pour évacuer un homme et maintenant j’en ai pour trois semaines un mois avant ma guérison tu n’as donc pas à te tracasser sur ma blessure et pendant mon séjour au dépôt d’éclopés et moi de mon côté je suis bien content d’être là pour un certain temps je suis au moins à l’abri des balles si seulement ce maudit éclat m’avait enlevé le doigt pied j’aurais pu être dirigé sur Lyon non j’aurais eu trop de chance.

Georges Renaud, Dimanche 13 Juin 8 heures 27e d’Inf, 11ème Comp. Evacué à Chonville par Commercy

Comme je suis heureux d’avoir enfin recu de vos nouvelles si tu savais quel bien être je ressenti en lisant ta lettre mais combien dont je suis désolé de savoir que tu es obligée de faire des travaux aussi pénibles tel que le foin combien il faut avoir de misère pour gagner sa vie comme je voudrais être près de toi pour te soulager de toutes ses peines quand je serais même obligé de travailler jour et nuit vois tu cela ne me ferait rien pourvu que je te sache heureuse.
Tu me dis que je n’aurais pas dù accepter les galons je ne comprends pas pourquoi car je t’assure que je suis beaucoup plus tranquille que simple soldat et cela surtout dans les tranchées car au lieu d’être en sentinelle je n’ai qu’a les surveiller ce qui n’est pas tout à fait la même chose tu ne comprendra pas mais je te l’expliquerai quand je rentrerai.

Georges Renaud, Chonville le 25 Juin 1915

C’est avec grand plaisir que j’ai lu ta lettre hier soir et je t'assure que j’étais très heureux d’y trouver ta fleur de pétunia car je t’assure que j’en vois rarement aussi je t'en remercie infiniment comme tu me le disais je m’apperçois rien qu’à ta fleur que tu dois avoir des bouquets superbes comme je serais heureux de pouvoir les admirer mais il n’en est pas ainsi et nous n’avons qu’à patienter c’est bien pénible certainement mais que veux tu il faut bien y prendre tout de même. Tu me dis que tu as fait des confitures de cerises et que tu m’en enverra pense avec quelle joie je les recevrai et quel bonheur pour moi de les savourer surtout étant de ta fabrication seraient elles mauvaises et bien moi je voudrais quand même quelles soit bonnes car comprends tu il me semble que quand je les mangerai il y aura un peu de vous tous à mes côtés et j’éprouverai un réel plaisir en y pensant.

Georges Renaud, Chonville le 30 Juin 1915

Je te remercie encore une fois de ton billet et comme je te l’ai déjà dit il était temps car je n’en avais pas plus mais plus guère. Tu sais ma provision de papier à lettre elle était cependant assez conséquente et bien tout est déjà écoulé alors j’ai acheté un bloc note de cartes postales sur lesquelles je t’écris d’ailleurs il y en a cinquante pour trente deux sous tu vois que ce n’est pas pour rien mais il faut bien y passer les pochettes il ne faut pas y compter quatre feuilles pour trois sous et quel papier et encore on en trouve pas tous les jours ensuite avec mon linge à blanchir et pantalon à raccomoder j’en avais pour 1F50 alors tu vois combien de temps ferait un billet si je ne me serrais pas un peu.
Je t’ai envoyé une fleur j’ignore son nom mais je l’ai cueillie en haut des collines il y a quelques jours et je l’avais laissé sécher un peu entre deux feuilles de papier car elle aurait été trop épaisse dans l’enveloppe conserve là ce sera pour toi un précieux souvenir de celui qui t’adore et en la voyant pense à lui comme il pense à toi.

Georges Renaud, Chonville le 7 Juillet 1915

te souviens tu ce que je te disais avant mon départ je ne t’en ai jamais reparlé au contraire j’ai toujours chercher à te convaincre malheureusement nous seront presque surement obligé de faire une campagne d’hiver mais toutefois espérons que quelque chose d’imprévu se présentera pour l’empêcher et nous renvoyer chacun chez nous. Tout cela est parlé pour ne rien dire il n’y a que les évènements qui pourront nous convaincre de la vérité.
Je vois que notre petit polisson fait toujours le petit voyou mais il semble qu’il a de bien grands mots pour la mémère je le fouetterai quand je rentrerai mai en attendant donne lui pour moi de bons baisers. Je te quitte car voici l’heure de la visite et le major ne rigole pas tous les jours.

Georges Renaud, Vendredi Chonville le 9 Juillet 1915

Donc hier comme il faisait une journée superbe je me décidai d’aller faire une promenade vers une heure de l’après midi je m’embarquais à destination d’une ferme perdue dans les bois mais je la trouvé sans trop de difficulté mais comme elle est distante de cinq kilomètres je me trouvais très fatigué a mon arrivée et j’étais mort de soif je demandai une bouteille de vin si toutefois cela peu s’appeler du vin chez nous c’est de la piquète une fois désaltéré je m’endormis sous de grands noyers gigantesques jamais je n’avais vu des si gros et si haut ; mais je m’endormis d’un sommeil de plomb tant j’etais bien et ce n’est que vers cinq heures que je m’eveillai il était par conséquent trop tard pour rentrer à la soupe je resolu alors de manger à la ferme on me fit une bonne omelette une salade et du fromage blanc au sucre je me suis régalé c’est insensé je crois que j’en aurais mangé encore autant mais je m’attendais a payer un prix fou il n’en fut rien j’eu le tout pour un franc vingt je ne pouvais pas y croire car ce n’est pas l’habitude par ici puis je rentrai et j’ai passé une nuit excellente je n’avais pas encore dormi d’un pareil sommeil depuis que je suis sur le front.

Georges Renaud, Chonville, le dimanche 11-7-1915

Je profite d’un instant pour tracer ces quelques mots. Comme je te le disais je suis arrivé le soir et il me fallait aller retrouver mes camarades à la tombée de la nuit et c’est extenué de fatigue que je pu me rendre jamais je n’avais eu aussi mal aux jambes à un tel point que même encore aujourd’hui j’ai peine à me tenir dessus et je suis comme courbaturé car à plusieurs reprises dans la journée le fièvre me prend et je claque les dents comme en plein hiver mais j’espère que cela va aller mieux car autrement j’irais à la visite.
J’ai donc repris mon ancienne escouade mais comme il part des permissionnaires tous les jours le service est très pénible surtout le service de nuit alors comme il y a pas mal de sous officiers de parti je prend la garde comme sergent et six heures par nuit entre huit H du soir à quatre heures du matin tu vois que l’on a pas beaucoup de temps pour se reposer et la journée il ne faut guère y compter car le bombardement et souvent très intense il n’y a pas par conséquent moyen de dormir enfin je crois que c’est demain le dernier jour et nous irons nous reposer.
Tu me parlais une fois de permission et tu ajoutais qu’il fallait la demander et bien non ont fait à tour de rôle et il faut avoir au moins six mois sur le front ce n’est donc pas avant le mois de décembre que je pourrais en avoir une peut être à ce moment la guerre sera finie ou bien alors j’aurai largement d’être à nouveau blessé ou tué mais je ne pense pas toutefois il est vrai que ce n’est pas au vouloir et que c’est bien vite fait et serait bientôt temps vois tu que cela finisse car je commence d’en avoir plein le dos.

Georges Renaud, Dimanche le 18 Juillet 1915

vers minuit ayant faim je me disposais a prendre ma musette pour manger je la trouvai très légère et juge de ma stupéfaction en mettant la main dedans de ne rien y retrouver trois boites de conserves le reste de mon saucisson et de mes confitures et ma savonnette que j’avais tant besoin et bien tout me fut volé et par qui impossible de le savoir car nous étions trop nombreux enfin c’est un petit malheur j’aime mieux cela qu’une blessure seulement j’aimais tant tes confitures que j’étais furieux sur le moment et si j’avais pu savoir qui c’était je t’assure que je l’aurais envoyé passé 2 jours en première ligne il aurait eu le temps de déguster mes provisions mais peut être pas envie de recommencer et cependant je déteste de punir. Tu me demande ce que je gagne comme caporal j’ai cru que tu le savais c’est pourquoi je ne t’en ai jamais parlé ce n’est pas une fortune malheureusement mais la minime somme de quatre sous par jour il n’y a pas de quoi faire la bombe surtout avec le papier que l’on te fais user ainsi hier j’ai encore fait rapporter deux blocs notes de 1,60 tu vois il me faut déjà huit jours pour les gagner.

Georges Renaud, Vendredi 23 Juillet 1915

Je suis toujours très heureux que tu puisse rendre visite à ma mère et que tu es pu lui donner un petit coup de main mais pourquoi crains tu que je me moque de toi parce que tu me dis que tu as fatigué en piochant non loin de là au contraire je te plains car comme tu n’en as pas l’habitude je me demande même comment tu pouvais faire puisque moi qui suis un homme je pouvais parfois à peine finir ma journée donc tu m’inquiète plutot à force d’avoir tant de misère je crains bien que tu ne te mettes au lit et tu es à peine rentrée que tu parles de retourner à la peinture enfin je vois que tu n’as jamais une minute à toi et que tu veux toujours gagner de l’argent tu as certainement raison de ce côté mais je t’assure que je voudrais bien être auprès de toi pour t'aider à en économiser un peu au lieu de t’en dépenser.

Georges Renaud, Dimanche 25 Juillet 1915

Poilu's-Park

J’ai donc passé six jours à Pont (sur Meuse) mais tu ne peux pas te figurer ce que le temps m’a duré je ne sais pas pourquoi il ne me manquait cependant rien et j’avais des nouvelles et malgré tout je m’ennuyais je me demandai comment se fait il que l’on est des moments pareille heureusement qu’ils finissent toujours par disparaître. Nous sommes donc remontés dans la nuit du lundi mais hélas par quel temps une pluie battante des chemins épouvantables enfin c’est tout mouillé de pluie d’abord et de sueur ensuite que nous sommes arrivés à notre emplacement mais comme nous étions très fatigués les officiers nous donnèrent repos jusqu’à midi tu penses si l’on s’étendit sur notre bon lit de terre malgré qu’étant trempé je me demande même comment se fait il que nous n’attrapions pas du mal penses tu pas un seul n’à même le moindre petit rhum il faut croire que l’habitude y fait pour beaucoup. Nous sommes très bien installés dans de bonnes tranchées qui ne craignent pas le bombardement et d’ailleurs un peu éloignés des boches nous sommes donc très tranquilles et je voudrais bien finir la guerre dans cet endroit malheureusement il me faudra bien retourner voir ses bandits je respirerai le jour ou je les verrai partir chez eux si seulement c’était bientôt quelle joie pour nous tous enfin esperons le mais je crains bien que cela dure encore longtemps.

Georges Renaud, Jeudi 29 Juillet 1915 6 heures du matin

Il y a un an environ a l’heure ou je t’écris j’arrivais me faire inscrire à la caserne du Transvaal mais hélas je ne pensais certainement pas que ce serait pour si longtemps et depuis que d’évenements se sont passés combien d’ennui cette maudite guerre nous aurait épargné et combien de temps cela durera-t-il encore nul ne le sait espérons donc que Dieu ne le permettra pas et que bientôt il nous permettra de rentrer vers ceux que nous aimons.

Georges Renaud, Lundi le 2 Août 1915

Nous voici enfin au vrai repos puisque nous sommes logés en caserne avec des lits et des matelas pas de drap mais quand même il me semble que j’y dormirai bien ce soir et tout cela à Commercy qui me parrait une assez jolie petite ville et ma fois je crois que cela nous changera un peu les idées de ces fameuses tranchées c’est absolument la même chose qu’en temps de paix nous ne pouvons sortir que de cinq heures à 9 heures du soir il sera assez agréable de sortir faire un petit tour car depuis que je suis sorti de Dijon je n’avais pas encore retrouvé cette calme et sans trop de soucis de la guerre toujours ce va et vient de troupes ne rencontrant que de rares civils comme nous les appelons vulgairement si je te disais que rarement même nous rencontrons un chien tu le trouvera peut être étrange et cependant c’est la vérité alors rends toi compte du drôle de genre de vie que nous passons je te promets donc d’arroser ma soirée avec un bon litre tant pis si tu me gronde.

Georges Renaud, Mercredi le 4 Août 1915

Ma mère me juge bien mal en pensant que c’est parceque je laisse trainer mes affaires que mon colis a été volé pauvre mère elle ne se figure guère ce qu’est notre vie et nos bagages ne sont pas si considérable puisque nous portons tout sur notre dos et le reste dans la musette par conséquent quand ton sac est fermé et il doit y être tout le temps au repos comme dans les tranchées donc rien ne doit traîner seulement tu penses bien que tu ne peux pas toujours tout avoir sur le dos si tu sort et d’un autre coté on ne peut cependant pas rester la pour le garder maintenant le jour qu’il m’a été volé je te l’ai dis je crois nous étions au travail et j’avais une cinquantaine d’hommes à faire turbiner et ce n’est pas toujours facile surtout la nuit nous étions donc environ à trois cents mètres de nos équipements et par une nuit très noire alors tu peux en juger par toi même inutile de laisser rien traîner tu penses que quiconque veut se servir il à bien vite fait et sans crainte d’être surpris. Tu comprendras donc qu’il est bien possible de se faire voler est que je ne mérite pas trop d’être grondé et que petite mère voudra bien me pardonné ainsi que ma chère femme adorée.

Georges Renaud, Vendredi le 6-8-1915
«Poilu 's-Park »
« Poilu's-Park »

Notre cher patron est vraiment très aimable de dire qu’il y a beaucoup de libertinage sur le front je voudrais le voir un peu par ici savoir ce qu’il penserait et comme il aurait le coeur à s’amuser évidemment on cherche à se distraire un peu ainsi comme je te l’ai déjà dit je sors avec Charpentier et nous allons à Poilus Park c’est un genre de jardin public ou il y a un espèce de théatre ambulant et là une quantité de bons chanteurs un peu de tous les régiments viennent nous distraire pendant quelques instants et bien vois tu nous n’y restons même pas jusqu’à la fin car cela fini par nous énerver et nous allons boire une bouteille et nous rentrons nous coucher à huit heures et demie voilà ma chérie le libertinage de beaucoup de pères de famille comme moi quelques uns se conduisent d’une facon déplorable mais cela n’est pas une raison pour mettre tout le monde au même niveau enfin peu importe j’ai la conscience très nette. J’aurais voulu pouvoir te donner satisfaction au sujet de ma photographie il n’y en effet qu’ici que j’aurais pu le faire mais ce doit être très cher probablement comme tout le reste d’ailleurs et malheureusement je ne me trouve pas très riche pour le moment malgré qu’ayant touché ton billet dont je te remercie beaucoup mais nous y reviendrons surement et je tacherai de faire mes économies pour te faire plaisir.

Georges Renaud, Lundi le 9 Aout 1915

Tu as sans doute trouvé étrange que je t’écrivais sur une carte c’est que vois tu nous n’avions plus le droit de cacheter nos lettres ce qui était très gênant pour moi pour une première raison c’est que je n’avais comme papier que mes cartes lettres et que je ne voulais pas acheter du papier à lettre car il est vendu le double de ce qu’il vaut ensuite tu me disais que je ne te racontais rien c’est vrai mais écoutes ma chérie cela nous est si bien défendu et malheureusement tout le monde ne se conforme pas à ce règlement et cette désobéissance a faillit presque nous empêcher de correspondre par lettre fermée mais aujourd’hui il parrait que nous pouvons cacheter nos lettre sans crainte.
J’ai donc regagné ma maison de campagne pour y passer quellesques vacances cette fois comme toujours d’ailleurs les agrémentations sont très variées il y à à peu près tout ce que l’on veut sauf la paix il fait d’abord un temps épouvantable orage avec pluie torrentielle aussi tu penses dans quel état nous sommes un vrai morceau de terre et de l’eau plein les chaussures et cela passe tout de même. En arrivant ma concierge qui est très aimable m’annonca l’arrivée de plusieurs locataires il y d’abord Monsieur Rat qui est très aimable quoique cependant très gros pas méchant du tout ensuite Mlles Souris très agréables personnes mais qui ont de vilaines manières c’est que figures toi qu’elles ont pour habitude d’entamer mon pain avant moi ce qui me déplait beaucoup et si elles continuent je me verrai dans l’obligation de les mettre à la porte il y a également dans la maison la famille pous oh alors cette race est certainement la plus terrible ainsi cette ils s’étaient tous mit dans l’idée de m’attaquer chose qui fut faite et les ros(s)es s’attachèrent toute la bande à ma chemise et je dû la quitter avec l’intention de ne plus la remettre au moins j’aurai peut être la paix. Je suis donc furieux après ma concierge d’avoir introduit dans ma maison de telles sortes de gens aussi je voudrais bien pouvoir la mettre à la porte.

Georges Renaud, Vendredi le 13 Aout 1915

Nous avons toujours ici un temps épouvantable une pluie torrentielle et presque continuelle à part quelques coups de soleil qui ne font que nous amener l’orage nous sommes donc constamment mouillé et dans quel état tu jugerais un morceau de terre qui marche c’est ce que j’ai trouvé de plus pénible jusqu’à aujourd’hui aussi je me demande comment nos ainés ont fait pour passer l’hiver car pour nous il fait relativement chaud puisqu’il fait de l’orage et encore nous trouvons les nuits froides moi d’abord ainsi ayant été quatres heures de service cette nuit il pleuvait à seau naturellement j’ai tant pataugé dans la boue liquide que j’en ai plein mes chaussures aussi j’ai réellement froid aux pieds et je vais marcher un peu pour le réchauffer en attendant la soupe je sens déjà que j'ai l’estomac dans les talons et je lui ferai bonne fête ainsi qu’au riz car c’est toujours le matin qu’il se présente sur la table non pas à ma satisfaction j’aimerais presque autant ne rien avoir je préférerais de beaucoup un de ses bons plats de haricots avec une bonne tranche de pain vois tu rien que de t’en parler cela me creuse l’estomac je me réjouis déjà à l’avance.

Georges Renaud, Dimanche le 15 Août 1915

Comme tu m’as demandé que tu serais très heureuse que je me fasse photographier aussitôt au repos et que je serai un peu nettoyé car franchement j’en ai besoin je te ferai ce plaisir et au lieu d’aller comme d’habitude boire un litre le soir je ferai mes économies pour y arriver car certainement cela doit couter fort cher puisque les gens s’acharnent à estamper ce pauvre soldat c’est honteux mais il en est cependant ainsi et sans doute je serai obligé d’en prendre au moins une demi douzaine ce qui fera tout de suite une somme mais pour toi ma chérie quesque je ne ferais pas pour te faire plaisir tu sera si heureuse de pouvoir me voir à chaque instant et puis ma grosse cocotte qui ne reconnaitrait peut être pas son petit papa à son retour et moi combien je vais le trouver changé car il doit joliment être grandi.

Georges Renaud, Lundi le 23 Août 1915 5h1/2 du matin