Georges dans les tranchées

Mille et un jours...

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Georges - chapitre 5/11

Nous retrouverons dans les pages qui suivent de larges extraits de la volumineuse correspondance de notre arrière-grand-père durant le premier conflit mondial.

Les protagonistes

Léon Renaud dit Georges (1885 † 1919)
Mathilde Valentine Renaud dite Louise (1892 † 1971)
André Louis Renaud dit Dédé ou la grosse cocotte (1913 † 1981)

Georges

Un portefeuille

[...] en arrivant j’avais appris la mort d’un nommé Jacquelinet que je connaissais très bien il était cycliste d’un médecin et ne montait jamais aux tranchées vois-tu les obus l’ont trouvé tout de même et cependant il se croyait être en sécurité parfaite. A peine venait on de me raconter ce décès que rencontrant le Theuret de Premières et l’abordant gaiement car à ce moment je ne savais rien encore mais de suite je remarquais qu’il était très triste il me répondait même à peine je lui demandai donc de ses nouvelles ainsi que de son frère il me répondit mon frère est enterré d’hier. Tu ne peux te figurer ce que je fus glacé à ces paroles auxquelles je ne m’attendais pas du tout et malgré que cela ne me touchait pas j’en fus très affecté le pauvre malheureux était marié depuis quelques mois seulement et il était clairon dans la compagnie de Charpentier.
Je suis donc remonté en ligne et j’occupe le même abri que la première fois que je suis monté en rentrant de permission je n’y ai rien trouvé de changé tel je l’avais laissé tel je l’ai retrouvé je serai donc là haut la même période que la dernière fois mais pas constamment au même endroit j’espère que tout va pour le mieux.

Georges Renaud, Samedi 11 heures le 1 Avril 16 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Charpentier avait raison non seulement nous n’avons pas du vin quand nous le désirons mais dans la tranchée cela nous est impossible et au repos il y a une heure de fixée une fois passée il faut attendre le lendemain ou boire de l’eau je ne suis pas surpris du prix des denrées vu que les commerçants sont taxés c’est la même chose et si cela continue encore longtemps je me demande ce que vous allez devenir. Mais en revanche je ne savais pas les étoffes aussi cher et je vois que mon petit homme ne te coûte pas rien.
Non certes je ne t’ai pas délaissée pour un roman mais il faut bien peu de chose pour nous intéresser tu voudrais le connaître pauvre chérie tu ne connaîtrais pas grand-chose tu me demande ou je l’ai trouvé tout simplement abandonné dans la tranchée et quand j’ai fini j’ai fait de même tu vois donc qu’il n’était pas de grande importance. Je suis loin de penser redevenir jeune car hélas au contraire je m’apperçois trop combien je vieilli et que bientôt je ne serai plus capable qu’à traîner mes rhumatismes ce qui n’est pas déjà si gai.
J’avais oublié hier de te parler de mon colis que je t’ai adressé un peu avant de remonter tu te méfieras car le chandail est rempli de poux.

Georges Renaud, Dimanche 11 heures le 2 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Certes je sais que de jardiner ainsi n’est pas un travail de femme surtout un jardin de cette importance et dans un terrain aussi difficile je n’ignore pas non plus que la première année tu le faisais avec le ferme espoir que je rentrerais et voilà qu’à nouveau tu te trouve obligée de recommencer encore sans qu’aucune résolution ne soit bien définie. Prends donc courage en faisant ce travail et est espoir que peut-être un jour j’en profiterai alors on pensant que c’est pour le petit mari qui t’adore cette besogne te parraîtras je crois moins pénible et si j’ai le bonheur de rentrer comme je t’en serai reconnaissant.
Pourquoi me dire que je ne te plains pas quand tu pense que c’est tout le contraire et si parfois je ne le fais pas c’est parce que moi-même je souffre trop de ce que je te sais obligée de faire et que justement je ne voulais pas te l’avouer de crainte de te causer de la peine et voilà qu’aujourd’hui tu m’y oblige. Si pauvre chérie je te plains de tout cœur et je me désole de me savoir impuissant à te venir en aide et bien souvent je te l’ai laissé à comprendre.

Georges Renaud, Lundi 11 heures le 3 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

J’avais moi aussi reçu une lettre de ?? et je n’ai même pas pensé de t’en parler je te dis que la majeure partie du temps je ne sais plus ce que je fais. Il me disait également qu’il avait changé de secteur mais sans me donner de détails car en ce moment il n’était qu’à peine arrivé et il était encore très fatigué de ces cinq jours de marche. Je lui ai donc répondu mais je suis inquiet car je n’avais pas remarqué que le numéro du secteur était changé j’ai continué à expédier avec l’ancien j’espère que ma lettre lui parviendra tout de même et pour plus de sûreté je vais lui envoyer une carte.
Le temps a bien changé aujourd’hui malgré que l’air est encore très lourd je venais de commencer ta lettre lorsqu’un orage épouvantable s’est déchainé le tonnerre faisait plus rage encore que la cannonade puis à nouveau le soleil brille mais je ne sais si ce sera pour longtemps.
Je te quitte en bonne santé et en déposant sur tes lèvres de nombreux baisers ainsi qu’à toute la famille.

Georges Renaud, Mardi 9 heures le 4 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je comprends en effet combien notre petit homme devait heureux autant que surpris de te voir arrivé car sans doute il ne s’attendait pas je vois qu’il a eût vite fait de te mettre au courant où se trouvaient mes parents. Pauvre mère malgré que souffrant beaucoup de sa jambe ne peut par ce beau temps rester à la maison il lui faut allé se fatiguer au bois tandis que mon père lui prétend être malade au point de ne pouvoir faire le moindre travail qui cependant à cette époque ne manque pas il n’en continue pas moins à faire le siège chez Duthu les consommations sont hors de prix et je me demande comment il se tire d’embarras j’avais pourtant pensé un moment voyant que tout était très cher il modifierait un peu son genre de vie mais non il ne changera jamais cela me révolte au plus haut degré quand je pense à tout ce qu’il aura fait endurer à ma pauvre mère.
J’ai entendu chanter le coucou hier pour la première fois et c’était le nôtre car il faut que je te dise que l’année dernière nous avions le nôtre et les boches le leur mais je n’ai pas encore entendu celui de ces bandits je serai si heureux qu’il n’en est pas cette année.

Georges Renaud, « Samedi » 10 heures le 6 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

(Alice) Pauvre femme je comprend son ennui de savoir son mari dans un tel enfer est pour elle bien désolant. Je savais depuis quelques jours déjà exactement à l’endroit où il se trouvait je savais également qu’ils avaient subi pas mal de pertes je ne suis donc qu’à demi surpris de la mort de ce pauvre Bertrand oui c’est très malheureux pour toutes sa famille. J’ai appris la mort d’un Saponel que mon père connait très bien il était je crois de mon âge. Mais je m’aperçois que depuis quelques il en tombe pas mal de connaissance et je crois qu’il serait grand temps que tout cela finisse car à force nous y resterons à peu près tous.
Tu me dis bien que la fille Clerc est mariée avec un jeune homme d’Auxonne mais tu ne me donne pas grand détail à ce sujet que fait il donc ce jeune homme qu’il n’est pas sur le front sans doute un embusqué quelconque et je t’assure que ceux là je les déteste aujourd’hui tous autant qu’ils sont.
Ayant encore trop d’argent sur moi je joins à ma lettre un billet de cinq francs dont tu m’accusera réception au reçu de ma lettre.

Georges Renaud, Vendredi 11 heures du matin le 7-4-1916

Tu me parle de la mort d’un Gilet de Genlis que je connais très bien il est dans l’artillerie et venait me voir tous les jours pendant mon repos et quelques heures avant de remonter il était encore près de moi je me souviens même avoir fais une réflexion peut être stupide au moment de nous séparer sa main ne voulait pas quitter la mienne à plusieurs reprises il en fut ainsi je sentais dans ce mouvement comme un adieu je dois t’avouer que j’ai eu peur je me suis senti blémir et je fus obligé bien à regret de le quitter mais je ne pû m’endormir car je me demandais lequel des deux disait adieu à l’autre ces moment vois tu sont atroces dans la vie d’un homme.
Je mets peut-être en effet mes chaussettes trop longtemps mais sais tu qu’il ne nous est pas toujours facile de changer quand bon nous semble changer de chemise oui mais quitter mes chaussures en ligne non jamais et puis on a les pieds si fatigués que l’on ne sait plus si l’on est bien ou mal. Je serai cette fois au moins vingt jours sans quitter mes souliers et depuis que je suis rentré de permission je ne me suis déshabillé que pour changer de linge je n’ai jamais été aussi longtemps et quand désormais j’y parviendrai.
J’ajoute un billet de cinq francs dans ma lettre et je ne pensais pas de te dire que je n’avais plus de pierre à briquet tu pourrais je crois en mettre une dans ta lettre. Puis comme j’ai beaucoup d’argent à toucher tous ces temps-ci et que bien souvent je ne puis le verser le même jour je crains de le perdre je serais heureux alors que tu m’achète un portefeuille.

Georges Renaud, Samedi 11 heures du matin le 8-4-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Malgré que tu m’es dis que je me moquais de ce que tu me racontais je t’assure que je suis très heureux que tu es touché le retard de ton allocation cela te permettra de vivre encore quelques mois en travaillant bien entendu car si tu n’avais que cela tu ne mangerais pas ta soupe trop grasse et cependant tu ne peux savoir combien je méprise cet argent car j’ai la conviction de le gagner trop péniblement je suis certain que tu me donneras raison.

Georges Renaud, Dimanche 11 heures le 9-4-16 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

La guerre est devenue pour nous une grande habitude tout ce que l’on dit ce que l’on fait est bien la nourriture on s’en fiche c’est toujours bon on ne s’inquiète pas aujourd’hui de demain car on a le temps bien des fois de ne plus être de ce monde. Puis vient la correspondance on l’a fait par habitude n’ayant plus de souvenirs précis mais on ne s’en fait plus un devoir et cependant on souffre bien d’en être séparé. Un bon camarade tombe mortellement blessé à nos côtés quelques paroles plaintives pour lui c’est fini on y pense plus voilà ce que nous sommes devenus comme des brutes presque son cœur sans humanité et ne sachant même plus penser. Quand donc viendra le jour où nous redeviendrons des hommes et je l’espère plus intelligents que jamais car cette terrible guerre nous aura ouvert les yeux.

Georges Renaud, Lundi 10 heures du matin le 10 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Tu n’auras donc gagné que du mal à vouloir cultiver ce jardin je te conseillerais donc de le laisser de côté car pour ce qui te faut de légumes à toi seule tu aurais autant d’avantage de les acheter et puis vois-tu je plus à nouveau l’espoir d’en profiter encore cette année de la façon dont cela marche nous ne sommes pas à la veille de rentrer.
Lorsque tu m’avais dis que Régine te donnait la main j’avais compris tout d’abord que c’était gracieusement mais si tu la rétribue cela change enfin tu feras comme tu voudras mais je crois que mon conseille est bon laisse donc ce jardin de côté.
Je voudrais déjà être à ce soir pour savoir si tu va mieux ce que je vais les attendre ces lettres jusqu’à ta complète guérison qui je l’espère ne saurait tarder. J’ai reçu hier des nouvelles de Charpentier il est content d’être rentré mais il me dit que son travail est bien pénible peu importe je suis cependant sans force et je voudrais bien comme lui gagner ma vie à la sueur de mon front non pas au risque de voir couler mon sang.

Georges Renaud, Mardi 9 heures du matin le 11 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

[...] l'après midi je reste dans mon abri inactif et reveur pour attendre que le sommeil vienne me surprendre parfois il me faut l’attendre bien longtemps combien dans ces moment les heures sont longues. Alors par la pensée je te parle tu me réponds de quoi nous entretenons nous de l’avenir oui et non car il est trop incertain du présent tu ne saurais comprendre ma pensée de quoi donc alors tout simplement de chose et d’autre mais de choses très vagues car bien souvent le lendemain quand je veux récapituler ce à quoi j’ai pensé je ne sais plus j’ai trop de choses en-tête et cependant j’aime ces moments non pas que je sois heureux car ici rien ne saurait parvenir à nous y rendre mais je suis satisfait il me semble que tu m’entends.

Georges Renaud, Vendredi 10 heures du matin le 14-4-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je te remercie infiniment des pierres à briquet je les ai parfaitement bien trouvées dans l’enveloppe elles sont arrivées à point je n’en avais presque plus dans mon briquet. Je ne suis pas moi trop surpris du prix car les mêmes mais coupées en deux nous les payons vingt centimes et encore nous n’en trouvons pas toujours à discrétion. J’aurais été très heureux d’avoir un portefeuille je pensais bien que tu n’en trouverais pas au pays j’aurais dû te prévenir plutôt avant que tu n’aille à Auxonne.

Georges Renaud, Samedi 11 heures du matin le 15-4-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Les photos

J’ai reçu hier en même temps que la tienne une lettre de la femme de Borne m’annonçant comme tu le fais du reste que son mari était blessé à la tête si réellement il n’est blessé que légèrement j’en suis très heureux pour lui car le coin où il se trouvait est vraiment terrible mais reste à savoir si il n’y aura pas de fâcheuses complications la tête vois-tu c’est généralement ou très grave ou alors sans importance je souhaite qu’il se trouve dans ce dernier cas et l’essentiel c'est qu’il soit sorti vivant de cet enfer peut-être par la suite ce carnage s’atténuera un peu.

Georges Renaud, Mardi 10 heures du matin le 18-4-16 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Mais si je n’ai pas eû de nouvelles j’ai reçu mon petit colis et je pensais trouver un petit mot dans le portefeuille mais réflexion faite je me suis appercu qu’il était parti avec ta lettre du 15 courant. Je l’ai trouvé parfait et c’est tout ce qu’il faut pourvu que je puisse mettre l’argent que je touche en sécurité ainsi que les mandats qui me sont confiés c’est là l’essentiel car je ne tiendrais pas d’égarer quelque chose c’est que j’en suis responsable alors il n’y aurait rien d’intéressant pour moi. Mais ce portefeuille a un petit défaut et sans doute tu ne t’en est pas appercu ou encore l’aurais-tu vu tu n’aurais pû y remédier puisque c’était une commission. Il y a un bouton pression qui sert à fermer un compartiment et la pression se trouve arrachée c’est une petite importance dont je tâcherai de m’arranger.

Georges Renaud, Jeudi 10 heures du matin le 20-4-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

J’avais en effet la conviction que notre cher enfant était né le 13 de ce mois oui cette guerre nous fera perdre la tête à tous il y a certain moment nous ne devons plus faire partie de ce monde c’est bien pénible et cependant il en est ainsi. Pauvre chérie cette pauvre photo ne voulait pas répondre à son appel oui je serais très heureux de l’entendre bavarder ce trésor en effet il ne sait pas si je suis méchant puisqu’il ne me voit jamais et Dieu voudra-t-il qu’un jour je jouisse de ce bonheur non pas que je crois à une campagne d’hiver mais je vois que c’est encore bien long et que d’événements sont encore à redouter.

Georges Renaud, Vendredi 11 heures du matin le 21-4-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je commencerai donc par t’annoncer une assez bonne nouvelle et qui tout en te surprenant te fera certainement plaisir figure toi que hier subitement on nous signale que les permissions allaient reprendre en effet il en part ce soir mais elles marcheront très lentement aussi je ne compte pas après avoir bien calculé partir avant la première quinzaine de juin et j’en suis bien heureux tout de même.
Je te remercie infiniment au sujet de ton aimable intention au sujet de ma fête j’ai trouvé en parfait bon état des œillets je les considère comme un gage de ton amour aussi je les ai baissés aussi tendrement que j’aurais baissé tes levres mais quand même j’ai pû constater avec tristesse que cela ne produisait pas le même bonheur.
J’ai suspendu ma correspondance pendant quelques instants pour manger nous sommes trois et un de mes amis voulant faire chauffer notre dîner vient de trouver moyen de tout renverser heureusement il avait une boite de choucroute qui a avantageusement remplacé ce soir nous mangerons mieux.

Georges Renaud, Dimanche 9 heures le 23-4-19 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Nous avons donc fait hier soir un assez gentil petit souper je ne te dis pas de quoi il se composait car je me réserve de t’envoyer le menu d’ici quelques jours menu fait par un de mes amis. Ce souper était décidé par nous depuis une huitaine de jours un soir en faisant une partie de cartes cette bonne idée nous est venue donc tout l’argent gagné à partir de ce moment devait être dépensé hier soir ce qui fut fait d’ailleurs nous avions pû nous procurer à peu près ce qu’il nous fallait pour le ravitaillement nous avons donc passé une assez bonne soirée et cela nous a permis de nous distraire un moment et il était ma fois onze heures quand je me suis couché enfin une fois n’est pas coutume je n’ai d’ailleurs rien dépensé puisque je gagnais encore environ trois francs et tu sais que c’est rare me voir gagner au jeu.
Je craignais hier que vous ne puissiez vous embarquer pour Villers-les-Pots et voilà que justement tout à coup le beau temps se met de la partie Dieu l’a voulu pour que ses fidèles puissent aller le prier je souhaite qu’il entende vos prières et qu’il exauce vos voeux qu’il permette donc que la guerre finisse le plutôt possible.

Georges Renaud, Lundi 10 heures du matin le 24-4-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53
Georges dans les tranchées
Georges dans les tranchées

Si vous avez pu effectuer hier votre voyage projeté et qu’enfin vous ayez pû pousser jusqu’à Athée Mathilde tout en étant très surprise aura été certainement bien heureuse de vous recevoir mais que je crains que ce dit voyage ne fatigue trop ma bonne mère pense à son âge faire un si long trajet à pied enfin bientôt j’aurai des détails et je saurai alors quoi en conclure.

Georges Renaud, Mardi 10 heures du matin le 25-4-16 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je crois avoir déjà fait part de la perte bien cruelle pour nous de la personne de notre Cher Commandant surtout dans des conditions aussi lamentables. Blessé à la jambe un après-midi vers quatre heures malgré une plaie assez large nous étions loin de nous rendre compte de sa gravité lorsque quelques heures plus tard on nous annonçait qu’il avait la jambe coupé mais très haut notre douleur fut grande car nous l’aimions beaucoup enfin nous pensions qu’il pourrait s’en tirer ainsi hélas qu’elle erreur puisque quarante huit heures après l’opération le malheureux succombait combien alors fut grand notre désespoir nous venions de perdre un père. Breton de naissance c’était un homme très pieux très juste sachant récompenser les bons et s’attacher par de bonnes paroles les méchants tous les hommes du bataillon après cette épreuve avaient des larmes il nous aimait notre commandant autant que nous l’aimions aussi nous étions très heureux de lui prouver notre reconnaissance et cela nous avons tenu de le faire jusqu’au bout donc de superbes couronnes couvrent sont tombeau et notre plus grand regret est de n’avoir pû assister à ses funérailles.
Ce chef disparu il fallut donc nous en donner un autre mais quelle différence figure toi de l’eau et du vin je t’en ai d’ailleurs déjà dit quelques mots et cependant j’étais loin de le connaître enfin il faudra bien si habituer. Il ne veut tout d’abord malgré que comme il ne fait que nous le répéter nous soyons Bourguignons il ne veut pas du tout nous voir boire du vin cependant après les périodes de privations que nous supportons je crois la chose bien difficile sinon impossible c’est là notre seul moment de tranquilité il est vrai que cette fois il ne nous a point laissé de ces moments car hier encore il nous tenait à cinq heures du soir sur le terrain j’étais mourant de fatigues. Il sera en outre terrible en tranchée il exige que les chaussures soient cirées tous les matins les fusils aussi propres qu’à la caserne et quand il y aura de l’eau dans les boyaux comme je te l’ai signalé plusieurs fois je me demande le résultat qu’il obtiendra. Que la guerre devient donc pénible ma chérie.

Georges Renaud, Dimanche 11 heures du matin le 30 avril 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

En voyant des soldats dans Dijon mon petit homme réclamait son papa pauvre chéri Certes je serais très heureux de le voir de l’embrasser et je t’assure que je suis content d’avoir sa photo et j’en suis très fier la preuve en est c’est que pas beaucoup d’hommes à la compagnie n’ont pas vû mon petit homme et tous m’ont fait des compliments j’ai donc raison d’en être fier. Tu me dis que j’ai dû rire en voyant sa binette non ma chérie je n’ai pas ris car sa petite mou lui va très bien elle le rend si sérieux et il a l’air si intelligent pauvre trésor quand donc je le reverrai.

Georges Renaud, Lundi 10 heures le 1 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Pour la surprise ma chérie te sachant à Dijon le lundi de Paques je me doutais bien que tu allais me surprendre mais je n’en étais pas certain. Je vous trouve très bien car en sommes c’est de la carte postale et non de la photographie d’art ce n’est pas que vous soyez noirs mais vous manquez de lumière voilà tout et c’est pourquoi vous n’avez pas la figure très nette mais peu m’importe je vous aime.
Mais ne t’inquiète pas ma chérie si ces photos ne sont pas très nettes quand j’irai en permission nous nous ferons tous tirer ensemble et ce sera vraiment un si grand bonheur.

Georges Renaud, Mercredi 10¼ du matin le 3 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

[...] comme je te l’ai déjà dis ce n’est pas de me faute jamais je n’avais passé aussi pénible repos et certainement il en sera ainsi chaque fois il serait je crois préférable de rester en tranchée si la question de vie ne se présentait pas à l’esprit.
J’avais en effet bû un bon coup mais malgré tout modérément car tu sais combien je déteste l’ ivrogne notre commandant est de même il est je dirais impitoyable il puni de prison à merci tout homme soupçonné d’être en état d’ivresse j’aurais donc à cœur de me savoir puni pour n’importe quel cas car nul n’est infaible mais pour ivresse non jamais j’ai toujours sû tu le sais à ce point de vue me tenir très correctement il n’y a donc pas de raison pour que dans un moment aussi critique je ne continue pas je me rend trop compte qu’il n’y a rien à attendre d’un ivrogne et quelque cas se présente malheureusement trop fréquemment.
D’un autre côté le vin est à un prix que beaucoup d’homme ne peuvent s’en offrir ainsi nous payons le vin blanc 1. 25 le litre vois-tu ce que cinq francs montent dans un porte-monnaie.

Georges Renaud, Jeudi 10 heures du matin le 4 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je crois inutile de t’entretenir au sujet des permissions car désormais je n’y compte plus du tout je suis trop loin à partir pour avoir un instant cet espoir. J’en suis complètement anéanti figure toi que la classe seize doit partir avant nous pères de famille mais le comble c'est qu’ils sont bien affectés aux compagnies mais pas enrôlés c’est-à-dire qu’ils restent à l’arrière c’est bien pénible pour nous et cependant il en sera ainsi.

Georges Renaud, Vendredi 10 heures le 5 mai 1916

Depuis mon retour je ne manque pas un seul jour de faire ma petite babillarde dont tu me dis être si heureuse et quand je pense que mon père ne pouvait comprendre que j’écrive chaque jour c’est curieux la différence de caractère c’est cependant pour moi le meilleur moment de la journée et quand je ne puis pas le faire il me semble que je manque de quelque chose il ne faut pas que tout le monde soit de même.
Ne te désole donc pas au sujet du travail il faut bien espérer qu’il reprendra bientôt avec plus d’ardeur mais j’avais déjà prévu ce qui pouvait arrivé et c’est pourquoi je te répondais au conseil que tu me demandais de ne pas te laisser manquer de rien il est toujours bon pour nous ouvriers de conserver une bonne poire pour notre soif [...] donc si tu n’as pas agi ma chérie réfléchi bien avant de le faire en envisageant bien tout ce qui pourrait t’arriver de fâcheux cette maudite guerre est si terrible.
Je devine combien désormais la maison se trouve animée par cependant un si petit être mais si adorable pauvre chéri moi aussi je serais si content de le voir quel plaisir pour moi de le voir partir à l’école en culotte et avec son petit panier car je pense bien qu’il en a un quelle joie à mon retour de l’usine de le voir courir à ma rencontre pour me donner le premier de la maison un gros baiser puis le soir à cette époque qui aurait-il de plus agréable pour moi que de le conduire au jardin pendant que la petite maman chérie préparerait le repas. Non tout ceci serait trop de bonheur nous serions tous trop heureux je ne dois pas je n’ai même pas le droit de penser à ce bonheur et puis à quoi bon ma chérie puisque tout cela ne sert qu’à m’arracher le cœur.

Georges Renaud, Samedi 9 heures½ du matin le 6 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Heure d'été

Je voudrais ma chérie pouvoir t’ouvrir mon cœur et te confier tout ce qui le brise non comme je te le disais hier je ne puis le faire je n’en ai pas le droit je n’ai même pas le droit de manger ma soupe lorsqu’elle est encore tiède il me faut attendre que j’en est reçu l’ordre c’est absolument honteux après deux ans de guerre de voir ce qui se passe enfin des hommes suffisamment humanitaires ne se présenteront ils donc pas un jour pour arrêter ce terrible carnage.
Je te quitte donc en bonne santé mais un état moral infecte je souhaite que vous soyez plus courageux que moi. Je vous embrasse tous bien fort.

Georges Renaud, Lundi 10 heures du matin le 8 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je vois ma chérie que tu es bien découragée car l’usine ne marche pas très régulièrement je tacherai de faire mon possible pour t’aider un peu mais de ce moment nous sommes si bien soigné que je suis obligé d’acheter beaucoup ; à chaque instant hareng ou morue et tu sais combien j’en suis friand du vin il faut à peine y penser enfin je t’aime tant que je m’arrangerai de manière et de façon pour t’envoyer quelques argent ce sera dur et cependant je te promet d’y parvenir je souffrirais trop vois-tu de te savoir manqué de quoique ce soit. C’est bien suffisant que moi-même je souffre et hélas Dieu sait combien.

Georges Renaud, Mardi 11 heures ½ le 9 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Oh ! Quels martyrs que les vrais combattants que ces pauvres pères de famille n’ont pas droits à voir leurs êtres tant aimés une fois par trimestre chose prévue et qui nous est dû non même pas deux fois par an cependant sur qui doit on reposer sinon sur nous (les vieux). Dans leur intrépidité leur élan de braves (les jeunes) ne garderont jamais notre volonté notre tenacité et hélas quelle récompense sinon le mépris de tous les ambusqués.

Georges Renaud, Mercredi 10 heures du matin le 10 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

[...] il y a quelques jours trois jours je crois une circulaire paraissait offrant quatre jours de permission à tout homme pouvant faire un versement de cinq francs en or. Donc solution pour posséder à pareille époque cette sommes en or il faut évidemment avoir un certain capital. De là qui profite de cet avantage sinon le riche et encore faut-il lui donner en récompense pour l’obliger à lacher cet or lequel il était toujours certain d’avoir à sa réelle valeur il faut lui donner l’avantage de partir en permission autrement rien à faire. Mais nous pauvres ouvriers qui après tant de durs labeurs après tant d’économies qui se transformaient presque en privations nous qui avons au premier rappel versés notre argent sans nous soucier de ce qui pouvait nous arriver trop de malheurs planent au-dessus de notre tête non seulement on n’a rien fait pour nous récompenser mais encore on nous laisse là la rage au cœur de voir partir (le riche) sans même arriver à nous accorder à nous (ouvriers) la pauvre permission qui nous est dûe et pourtant bien gagnée.

Georges Renaud, Dimanche 10 heures le 14 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Tu me dis avoir ramé tes pois cela me fait venir l’eau à la bouche et combien je désirerais en manger mais à quoi bon y penser je suis si peu certain de pouvoir profiter de ma permission l’avenir nous l’apprendra mais c’est très pénible pour moi de voir partir toute la classe seize et dire que je dois rester là.
Les jours me semblent maintenant des semaines.

Georges Renaud, Mercredi 10 heures du matin le 17 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Me voila donc à nouveau remonté en ligne comme je te l’annoncais hier autrement dit dans cet enfer... dois je t’avouer la vérité oui ce sera préférable tu me gronderas si tu le juge nécessaire les trois premiers jours je suis rentré ivre non pas à tomber j’aurais eû trop honte mais très ému aussi combien mon estomac a souffert il me semblait oublier l’endurance je n’oubliais que mon devoir d’époux je n’ai pas commis un crime même pas un péché hélas ma chérie sauras-tu le comprendre aussi je te demande bien pardon[...] j’espère que tu ne seras pas trop cruelle et pour pénitence je n’attends pas de lettres ces jours-ci je n’en serai pas moins triste tant pis pour moi.
Le reste du temps j’ai été beaucoup plus sérieux au lieu de m’abimer à boire et par conséquent dépenser mon argent bêtement j’avais trouvé avec quelques camarades à vivre chez la Dame d’un sous-officier c’était très cher environ quatre francs par jour mais la chose était pour moi beaucoup plus simple puisque je mangeais ce qui me faisait plaisir c’était surtout plus économique.

Georges Renaud, Dimanche 11 heures le 28-5-1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je me suis couché hier soir de très bonne heure tant j’étais fatigué j’ai passé une nuit excellente quoique étant bien mal installé je ne me suis éveillé que ce matin frais et dispos mais dans quel état depuis bien longtemps à part la Champagne je ne me suis trouvé si mal. Bien à l’abri des obus mais après ces mauvais temps de pluie l’eau tombe dans les abris et nous n’avons pas cette fois de lits suspendus et fatalement il faut coucher par terre aussi ma stupéfaction fut grande en m’éveillant ce matin j’étais étendu complètement dans l’eau je m’étais cependant bien couvert avec ma toile de tente espérant ainsi me préserver de l’eau qui pourrait tomber d’en haut, follie complète puisque j’étais trempé et suis même à peine sec mais la fatigue fut plus forte que tout le reste attendu que j’ai dormi sans m’appercevoir de rien qu’elle triste vie il faut mener et que c’est bisard que l’on attrape pas de mal.
Ma chérie toujours pas le moindre indice au sujet de ma permission je me demande si ce jour là viendra enfin vraiment il faut la gagner bien des fois avant de savoir si on aura le bonheur d’en jouir.

Georges Renaud, Lundi 10 heures½ du matin le 29 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je vois que pour l’instant les permissionnaires ne font pas fureur car tu ne m’en signale aucun du front. Il n’y a donc pas que par ici que cela ne marche pas très vite cependant j’espère voir d’ici vendredi la nouvelle liste si je suis inscrit je te fixerai à proximatif la date de mon arrivée [...] Combien je trouve le temps long maintenant il me semble qu’il n’en part presque plus.

Georges Renaud, Mardi 10 heures le 30 mai 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

J’ai donc repris hier matin mon service comme j’avais pour habitude de le faire et tu sais combien j’étais désireux de voir continuer la chose ainsi tout ne devait pas marcher comme je l’avais espérer car en rentrant hier soir je recevais l’ordre d’accompagner ma corvée de soupe mais en plus je dois désormais la ramener jusqu’en ligne ou je mange la soupe avec tous mes camarades au lieu de le faire aux cuisines ce dont j’étais si content c’était si pratique pour moi.
J’ai trouvé mercredi soir ma compagnie à l’endroit que je t’avais indiqué dans la boue jusqu’aux oreilles ce qui est inévitable après aussi longtemps de mauvais temps je ne devais pas y séjourner beaucoup heureusement je suis en ligne depuis deux jours c’est G. Royer qui nous a remplacé et je l'ai justement vû hier il est en bonne santé et a recu son colis il voudrait bien partir lui aussi passer quelques jours.
Comme je te l’avais dis je n’ai pas retrouvé tout mon monde mais un surtout m’a beaucoup surpris. C’est l’avocat mon ancien ami qui m’obligeait à lui dire (vous). Le pauvre est mort d’une façon tragique car il fut tuer en plaisantant avec un homme de section qui le mit en joue par malheur le fusils étais chargé il tomba frappé mortellement le tout n’avait demandé que quelques secondes deux autres encore furent tués mais eux par l’ennemi et enfin les blessés vois-tu en peu de jour ce qui se passe.

Georges Renaud, Vendredi 11 heures le 16 juin 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

(de retour de permission) Je vous ai tout d’abord quitté un peu brusquement pour la seule raison je craignais me laisser trop attendrir la séparation est pénible je dirais même cruelle mais à tout prix je devais partir. La route de la maison à la gare me parrut très longue car je m’appercu qu’en arrivant j’avais beaucoup pensé beaucoup réfléchi je me senti courageux confiant cela ne devait pas durer longtemps car bientôt je devais m’appercevoir que j’étais vraiment bien seul et que derrière moi je laissais des êtres tant aimés qui souffraient au moins autant sinon plus de ce terrible départ c’est donc très triste que j’arrivais à Dijon ayant deux heures devant moi j’allai les passer chez Cudry que je tenais à revoir j’ai trouvé cette pauvre Catherine toujours sur son lit mieux il est vrai mais malgré tout je crains qu’elle soit très longue à se rétablir. L’heure de mon train venue je regagnai la gare et justement deux hommes de ma compagnie prenaient le même train que moi dont un le caporal avec lequel j’étais parti j’en fus très heureux pensant que le voyage nous serait à tous moins pénible en effet les heures passèrent très vite mais je ne pû m’endormir tant j’étais énervé. Nous arrivions enfin à la dernière gare à deux heures du matin là je dormi un peu ce dont j’avais grand besoin.

"lettre à ses parents" Georges Renaud, Vendredi le 16 juin 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je te fais cette lettre assis sur une banquette de tireurs justement mon ami le notaire du Creusot dont je t’ai parlé sans rien me dire vient de me prendre en photo dans la position même ou je me trouvais j’espère que cela te fera plaisir car somme toute elle sera pour toi d’une plus grande importance que chez un spécialiste puisqu’elle sera prise dans la tranchée à quelques mètres de l’ennemi.

Georges Renaud, Samedi le 17 juin 1916

La nouvelle heure nous a contrariés nous aussi beaucoup je ne suis donc pas surpris de ce que tu me dis au sujet de Dédé pauvre chéri certainement il sent bien que ce n’est pas l’heure habituelle mais sans doute il se fera très vite à ce nouveau genre de vie. Pour ce serait plutôt l’après-midi il me semble que la soirée est sans fin il est vrai que nous sommes dans les plus grandes journées.

Georges Renaud, Lundi 6 heures du soir le 19 juin 1916

Je suis bien content de mon petit homme puisqu’il est toujours très heureux d’aller à l’école en compagnie de sa cousine Béberte et qu’il y est bien sage maintenant qu’il a repris ses habitudes j’espère que santé ira toujours en s’améliorant pour quand à toi je te recommanderai encore une fois de bien te soigner.

Georges Renaud, Mercredi 11 heures le 21 juin 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Désormais notre linge ne sera plus lavé il faudra donc se débrouiller pour le faire soi-même une corvée va justement à ce sujet se rassembler tout à l’heure je vais en profiter pour laver ma chemise car sans doute cela ne sera pas facile tous les jours quelle vie pour des hommes et quand donc finira-t-elle.

Georges Renaud, Vendredi 1 heure le 23 juin 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je suis donc tout d’abord relevé des tranchées chose que j’ai apprise tout en rentrant de permission mais dont je me suis bien gardé ma chérie de te faire part ce que tu me reproche d’ailleurs mais n’avait tu pas le temps mon amour d’être dans l’inquiétude je crois que le plus tard était le meilleur. Donc relevé je parcours à pied le chemin que je t’avais signalé mais en deux fois il faisait très chaud c’est vrai je n’étais toutefois pas trop fatigué là je passe trois jours puis dimanche matin départ à quatre heures et demie pour accomplir une marche de vingt huit kilomètres j’arrive à onze heures exténué de fatigues et les pieds en sang car la chaleur était torride repos le reste de la journée dans la soirée orage et la pluie continue à tomber. Je n’avais pas ce jour là eu beaucoup de temps à moi étant pas mal pris par mon service et enfin pour me soigner les pieds car ma chérie j’en avais grand besoin. À minuit réveil pour partir à une heure du matin je n’avais donc pas dormi beaucoup enfin nous partons la pluie tombait à flot les pieds me faisaient horriblement mal nous arrivions au cantonnement à midi dans quel état. Mon Dieu mouillés jusqu’aux os nous avions parcouru ce jour la trente deux kilomètres chargement complet dont je crois mon amour inutile de te dire ce que j’étais fatigué et il fallait marcher encore mais j’avais moi pû faire une bonne nuit sur de la paille bien fraîche. Le lendemain matin départ à quatre heure à ce moment j’aurais pleuré tant j’avais mal aux pieds avant sachant l’étape courte je voulu vaincre quand même j’arrivais hier matin à neuf heures vaincu par la fatigue nous avions fait environ cent kilomètres. Hier repos tout le reste de la journée nous en avions bien besoin aujourd’hui exercice à quatre heures comme je ne marche pas c’est moi qui me trouvais de jour j’y serai même pendant je crois tout notre séjour ici.

Georges Renaud, Jeudi 2 heures le 29 juin 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je suis donc éveillé le premier de la compagnie attendu que je dois moi-même éveiller tous les hommes à quatre heures puis rassembler tout le monde pour cinq qui est l’heure du départ pour l’exercice ensuite j’assure le nettoyage du cantonnement avec les malades ainsi que toutes les corvées qu’il y a à faire à neuf heures visite ce qui dure au moins jusqu’à dix je ramène mes hommes et je pars aux lettres[...] tu pourras t’en rendre compte ma chérie ma matinée est bien employée mais j’aime mieux cela que l’exercice.
Je te disais donc hier avoir beaucoup fatigué mais comme ces jours là c’était très difficile de faire de la cuisine alors il fallait acheter avant de partir de quoi manger en cours de route j’ai donc dépensé beaucoup d’argent tant et si bien que pour l’instant il me reste exactement un franc dix heureusement je pense toucher mon prêt demain soir.

Georges Renaud, Vendredi le 30 juin 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53