Cette page reproduit la correspondance de notre arrière-grand-père pour l'année 1917 ; seulement 42 lettres nous étant parvenues avant un hiatus jusqu'à juin 1918.
Léon Renaud dit Georges (1885 † 1919)
Mathilde Valentine Renaud dite Louise (1892 † 1971)
André Louis Renaud dit Dédé ou la grosse cocotte (1913 † 1981)
Depuis peu de temps je suis éveillé j’ai bu mon jus et ma petite ration de gniole puis mélancoliquement étendu sur mon grillage j’ai fumé une cigarette de tabac venant de celle que j’adore.Je l'économise le plus possible ce tabac car vois tu il n’est pas possible de s’en procurer ici.
Georges Renaud, Lundi 7 heures du matin le 1er Janvier 1917
Tout en fumant cette agréable cigarette je pensais au beau jour que devrait être cette journée si j’étais près de ceux que j’aime mais hélas quelle distance nous sépare et pourtant si grand soit elle ma pensée ne vous quittera pas aujourd’hui et malgré tout cela me rend un [peu] triste mais je vais combattre cette tristesse puisque je te sais toi ma chérie heureuse auprès de notre chère enfant et parmis ma famille. C’est bien pénible quand même et j’ai envie de pleurer.
Hier soir après la soupe J. Mercier et G. Royer sont venu me trouver et tout en causant nous avons bù deux bouteilles de vin ce qui nous a couté 7.50. Il n’y a donc pas lieu d’aller trop vite car tu vois ce que c’est qu’une pauvre pièce de cinq francs. J’espère bien les revoir dans la matinée car nous sommes tout proche l’un de l’autre. Après leur départ des amis voulurent me faire jouer aux cartes j’y consenti assez volontiers car je n’étais pas disposé à dormir. La partie se poursuivit jusqu’à minuit et je me retirais du jeu avec cinq francs de bénéfice. C’est insensé la chance que j’ai au jeu depuis quelques temps.
Aujourd’hui je dois te parler de ravitaillement ce sera bien vite fait car il n’y a rien de compliqué. En ligne un seul repas par vingt quatre heure composé de rata ou de macaroni de la viande quelquefois du fromage le pain n’arrive pas chaque jour. Au repos comme ici deux repas mais ce serait toujours le pain qui ferait le plus défaut et on en trouve pas à acheter. J’espère que cela ne continuera pas ainsi. Sur ta lettre de 28 tu me dis que peut être j’ai déjà eu faim non pourtant mais j’aurais pù mieux manger c’est d’ailleurs un petit détail car bien souvent cela est arrivé. Certes des colis me feraient plaisir mais pourtant il ne faudrait pas en abuser car ma chérie je n’ignore pas ce qu’il te coûte aussi je m’en voudrais de te gêner ne t’inquiète pas je tacherai bien de me debrouiller. Ce que je te demande surtout un peu de tabac de temps à autres.
Je ne sais pas encore pour combien de jours je suis au repos mais je crois pouvoir te dire que quand tu recevras cette lettre je serai remonté. Il y a de quoi s’épouvanter car la pluie tombe chaque jour aussi tu pense ce qu’il doit y avoir d’eau dans les boyaux.
Je n’ai pas encore depuis que je suis descendu pû nettoyer ma capote tant elle est mouillée. J’espère que tu es maintenant en bonne santé ainsi que mon petit homme j’aurai bientôt de ses nouvelles ainsi que de ma famille.
Je te quitte donc en parfaite santé et souhaitant que cette année qui commence nous réunisse tous bientôt. De bons baisers à tous.
Ton petit mari qui adore sa chère femme et son fils.
Je n’ai pas eû le temps de t’écrire hier tu sais que je t’ai parlé que j’étais très sâle j’ai donc tenu de me nettoyer un peu avant de remonter. A part les heures de mon service j’ai frotté toute la journée et je t’assure à l’heure actuelle ne pas être propre il faudrait pouvoir laver ses effets malheureusement on est trop mal installé pour cela et il y a à peine de l’eau pour se laver la figure.
Georges Renaud, Mercredi 11 heures le 3 janvier 1917
Je recois assez régulièrement tes lettres et j’en suis très heureux j’attend avec impatience la distribution pour avoir des nouvelles de mon petit Dédé car voila une semaine que je n’en ai pas eû aussi le temps commence de me durer. J’ai recu également ton colis de boulettes lequel m’a fait bien plaisir elles étaient d’ailleurs excellentes aussi j’en ai fait bon profit. Les ayant recues le soir du jour de l’an je devais justement aller souper avec Pétavy le notaire et un de ses frères alors tous nous nous sommes bien régalés.
Pardonne moi d’être resté pendant trois jours sans t’écrire tu sais que je t’avais fait comprendre que je remontais en ligne. Je me plaignais la première fois j’avais tort car ce n’était pas a comparer à ces derniers jours la meilleure preuve c’est que nous sommes descendus de ce matin bien fatigués mouillés jusqu’aux os la pluie tombait à flot et au moins autant de boue sinon davantage. Enfin je vais pouvoir me reposer convenablement pendant un certain temps nous allons je crois au grand repos mais nous marcherons à pied et pendant plusieurs jours ne t’inquiète donc pas si tu n’as pas de nouvelles je ne suis plus en danger.
Georges Renaud, Le 8 janvier 1917 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53
Comme je te l’annoncais hier sur ma lettre j’ai fais aujourd’hui une marche de vingt deux kilomètres naturellement je suis très fatigué car mon sac était très lourd et puis j’ai eu comme une indigestion dans la nuit et pour cause j’ai fais la releve par une pluie battante et glaciale à un point que pendant toute la journée d’hier et même la nuit je ne pû me réchauffer aussi à minuit je me suis relevé pour vomir et comme j’étais déchaussé j’ai marché dans la boue sur mes chausettes et comme nous partions ce matin j’ai dû les jeter tant elles étaient sâles. Vois ma chérie quelle triste vie il faut passer et combien j’estime que tu as raison lorsque tu me dis (quand donc finira cette guerre.
Georges Renaud, Mardi 7 heures du soir le 9 janvier 1917
Ainsi tu vois ce soir quoique très fatigué je veux te faire un mot avant de me coucher je suis d’ailleurs dans un petit établissement en train de boire un café. Demain nous partons un peu plutôt et je crois que l’étape sera plus longue et pendant quatre jours il en sera ainsi.
Malgré l’heure tardive je viens à l’instant de finir ma distribution de lettres et par conséquent de prendre connaissance de la mienne. Pense un peu dans quel état de tristesse elle me plonge savoir mon père et ma mère dans le lit sans personne que toi si éloignée d’eux pour les soigner cela me met hors de moi. Certes je sais parfaitement bien que tu feras tout ton possible pour leur venir en aide mais je comprend que tu ne peux risquer la vie de notre cher petit. Qu’il m’est donc pénible de vivre ainsi constamment dans l’ennui et pendant des périodes si difficiles enfin j’espère que tout ira pour le mieux et que tu ne me laissera pas trop sans nouvelle.
Georges Renaud, Samedi 8 heures ½ du soir le 13-1er 1917 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 54
Comme je te le disais tout à l’heure me voici donc au repos depuis hier soir cinq heures. Après de si longues marches ce matin je me permis de faire la grâce matinée il était près de neuf heures lorsque je me suis levé et encore de toute la journée je n’ai pas eû beaucoup de courage je n’ai fais que mettre à jour mes comptes il est vrai que j’avais du travail car depuis une dizaine de jours je n’avais rien d’inscrits ce qui n’empêchait pas au courrier de me parvenir mais je ne pouvais pas marcher et travailler enfin je pense pouvoir tout terminer demain et être tranquille pendant quelques temps. Je n’en pleurerai pas je t’assure. J’ai donc recu en même temps que ta lettre le colis de linge et le paquet de tabac. Pour le linge rien ne me pressait trop car il me reste encore à l’heure actuelle une chemise propre dans mon sac et pour cause il était bien peu facile de changer tant que nous étions dans ce sâle pays sauf cependant les chaussettes il en aurait fallut une paire à l’heure. Je passerai donc à ce sujet une inspection à fond de mon sac et te signalerai ce dont j’aurais besoin.
Si le besoin de linge ne se faisait pas sentir il n’en était pas de même pour le tabac les deux paquets du dernier colis étaient presque fumés c’est te dire que celui d’aujourd’hui est arrivé à point et il n’est toujours guère possible de s’en procurer en raison du mauvais pays ou je me trouve. La neige est tombée pas mal la nuit dernière et malgré la terre humide il en reste encore une bonne couche aussi il ne fait pas très chaud mais au moins j’ai la consolation d’avoir un bon feu pour la nuit car nous sommes dans un pays très boisé.
Dès que tu recevras cette lettre et que tu devras me récrire tu changeras désormais le N° du secteur qui est à datter de ce jour le Secteur postal 54. N’oublies pas ma chérie pour ne pas retarder mes lettres.
J’ai vais te faire cette petite lettre en tout hâte car je suis assez pressé. Hier toute ma journée fut employée à un commencement de nettoyage tu dois comprendre que j’en avais grand besoin et malgré un travail assidu je suis loin d’être propre. Aujourd’hui nous avons revue sur revue le motif est simple demain nous reprenons la route et toujours à pieds je crois vingt cinq kilomètres environs. Je ne sais donc pas combien nous aurons de jours de marche ni de quel côté nous nous dirigeons est-ce le repos ou bien pour remonter aux tranchées je suis absolument ignorant de tout. Dans tous les cas je suis bien fatigué d’être trimbalé dans ces sâles pays ou il n’est pas possible de rien trouver.
Georges Renaud, Le 15 janvier 1917
Je ne regretterai donc pas mon cantonnement actuel. Petit hameau absolument perdu à travers bois la population se compose de quinze habitants espèce de sauvages à qui il ne fait bon rien demander. En revanche si les habitants font défaut les chiens sont beaucoup plus nombreux et font plus mauvaise figure que leur maître. Non rien ici pour faire oublier les fatigues morales et surtout physique qu’il fallut endurer là haut. Donc de ce fait toutes sortes de bruits circulent parmis nous chacun dit la sienne et personne ne sait rien. Nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve. Tu ne seras pas surprise si je ne t’écris pas demain car il est fort probable que je n’en aurai pas le temps. Jamais je n’avais vû autant de deplacements que depuis que je suis rentré de permission je me demande si toujours et jusqu’à la fin il en sera ainsi.
J’ai donc recu hier soir ta lettre me faisant part de l’entretient soit disant de mon oncle avec notre nouveau commandant. Je ne comprend pas du tout comment cela à bien pût se faire je crains même bien qu’il est fait erreur car ayant obtenu quelques renseignements ce matin à ce sujet je doute que le Cdt se trouve actuellement en permission dans nos contrées. Je te demanderai de faire ton possible pour éclaircir cette question auprès de mon oncle car vois-tu cela ne pourrait pas me nuire si je pouvais entrer en relation avec le Cdt mais je n’ose pas espèrer j’ai trop peu de chance. Je suis toujours très inquiet au sujet de la santé de mes parents n’ayant pas eû de leurs nouvelles hier je suppose cependant que si cela allait plus mal tu me l’aurais fais savoir. Mais voila pour compléter le tableau tu m’annonce que mon Dédé a mal aux oreilles il est donc écrit que désormais je ne serai plus une seule journée tranquille. Combien la vie devient pénible pour moi si cela continue j’en deviendrai fou. La fin non j’en ris de rage quand par hasard je jette les yeux sur un journal.
Hier soir j’ai recu une petite lettre de ton frère il est en parfaite santé mais il me fait part de ses craintes d’être versé dans un régiment il me laisse cependant entendre que le major lui a donné l’espoir qu’il irait dans une ambulance. Tout cela est bien ennuyeux.
Depuis trois jours je ne t’ai pas écris je ne sais trop ce que je deviens je suis en tous cas bien decouragé d’après tant de mauvaises nouvelles dont tu me fais part. Mon père1 arrivé à un très bas dégré de sa maladie je comprend maintenant qu’il n’y a plus aucun espoir et pour completer le malhêur ma mère également dans son lit et par conséquent ne pouvant lui porter secours quelle misere lorsqu’il faut avoir recours à des étrangers et encore heureusement que cette brave servante se prête de bonne grâce à lui faire quelques petites visites autrement je ne m’explique pas trop comment cela irait.
[1]Jean Alfred Renaud décédera le 18 mai 1917. Georges Renaud, Vendredi 3 heures le 19 janvier 1917
Je vois en effet ma chérie que tu passe toi aussi une bien triste vie car tout cela doit bien t’inquiéter et en plus il te faut sentir souffrir notre cher enfant constamment si il n’a pas une chose il en a une autre. Je me demande ce que j’ai pû faire au Bon Dieu pour qu’il me punisse ainsi car pour moi peu m’importe de souffrir plus ou moins voir même être malheureux mais vous savoir tous malades me décourage je suis hors de moi je voudrais pouvoir tout souffrir pour vous mais au moins que vous soyez heureux. Je vois hélas qu’il ne peut en etre ainsi j’en suis si affligé que par moment je me laisserais volontiers aller au découragement.
Je t’avais donc parlé la veille de notre derniere marche que j’avais mal aux reins. J’ai beaucoup souffert car il fallait faire vingt six kilomètres. Parti comme à l’ordinaire je ne devais pas allé loin malgré toute la bonne volonté le mal fut plus fort que moi car à la deuxième pose c’est à dire après avoir fait huit kilomètres je devais rester à l’arrière. Pour la première fois depuis bientôt deux ans que pareille chose m’arrive mal m’en prit. Le médecin du bataillon me reconnut bien incapable de marcher il n’en fut pas de même du medecin chef car ce dernier ne voulut pas me laisser monter en voiture me disant que la marche me déraidirait.
Je suivis donc les convois à ces cotes pendant 2 heures mais à ce moment la douleur était devenu si forte que je dû me laisser tomber sur la route c’est alors que quatres hommes me chargèrent sur un chariot parmis les sacs individuels. La temperature était glaciale malgré tout je dû finir l’étape ainsi. [...] La nuit était donc complètement tombée lorsque j’arrivais au cantonnement.
Le lendemain il me fut impossible de me lever tu sais d’ailleurs dans quel état j’étais lors de ma dernière permission. J’avais beaucoup de fièvre et par conséquent très soif mais pas moyen de trouver quoique ce soit dans ce maudit pays je résolu donc d’aller à deux kilomètres pour me désalterer. Là j’ai rencontré G. Royer. Après avoir bû deux litres de vin chaud avec mes camarades je resolu de rentrer mais j’avais compter sans la neige et surtout le froid aussi hier je devais payer cher cette sortie. Impossible de me lever le major fut même obligé de venir me faire une visite dans ma grange. Un heure après on me collait des ventouses aujourd’hui de même si bien que pour le moment je suis bien soulagé heureusement car demain il faut repartir mais cette fois par le train. Ou irons nous je l’ignore mais je doute fort que ce soit dans le departement que tu me signale et crois plutôt que ce sera le secteur que j’occupais en novembre l’année dernière enfin nous verrons bien.
Me voici donc une fois encore transporter dans un nouveau secteur et mes prévisions ne m’ont point tromper car je me trouve bien actuellement à l’endroit que je t’ai signalé sur ma dernière lettre.
Georges Renaud, Lundi 2 heures le 22 janvier 1917
Le voyage fut très pénible en raison de la température si froide. Parti du cantonnement à dix heures du matin nous avions environ une heure de marche je pensais donc embarquer presque de suite pas du tout il fallut rester cinq heures consécutives sur le terrain et les pieds dans la neige. Je t’assure que pour mon compte j’avais bien froid et il est à peu près certain que tout le monde était de même enfin à la nuit tombante nous partions.
Comme toujours serrés autant des harengs et pourtant il ne fut pas possible de se réchauffer durant toute la nuit de même que de dormir c’est donc grelotant que je descendais du train et ce n’était pas fini encore. Il était environ dix heures du matin le lendemain lorsque cela se passait nous avions heureusement peu de chemin à faire à pieds car nous étions chargés comme de vrais ânes quatres kilomètres environs j’en étais très satisfaits attendu que je me sentais fatigué.
Arrivés au cantonnement je pensais me reposer pas du tout car le régiment que nous remplacions n’était pas encore parti à nouveau il fallut recommencer à naviguer dans la neige jusqu’à sept heures du soir.
Je ne puis continuer ma lettre tant il y a de remu ménage. Le Cdt vient d’arriver je suis en bonne santé mais naturellement je n’ai pas de nouvelle.
Tout d’abord je suis cantonné dans un barraquement malgré cependant n’étant pas très eloigné des lignes. Ces barraquements sont munient du dernier confort tel qu’il est possible de l’aménager en pareille circonstances. Certes je n’en ai jamais vû de semblables et cependant Dieu marie il me semble avoir bien roulé depuis de si longs mois.
Georges Renaud, Le 26 janvier 1917 1 heure
Vû de l’extérieur ces espèces de maisons n’ont rien de surprenant semblables à toutes les autres mais l’interieur diffère beaucoup. Au milieu un grand corridor partage ce bâtiment en deux sur toute sa longueur. Chacune de ces deux parties est a son tour distribuer en petites chambres où peuvent coucher huit hommes. Mais de vraies chambres avec des lits en grillage bien entendu peu importe on les préfère encore à la paille une petite table permettant de faire la correspondance. Le tout bien planchoyer empêchant le froid de pénétrer mais surtout très propre.
Nous avons a deux sergents une charmante petite chambre dans le meme genre que toutes les autres mais beaucoup plus coquette car elle est tapissée non pas avec du papier de luxe non ce serait plutôt ridicule mais simplement avec du papier ondulé et ma fois je t’assure que cela lui donne beaucoup de cachet. Une petite fenetre nous donne suffissamment de lumière devant cette fenêtre est installé un petit bureau sur lequel je suis en train de t’écrire. Les lits sont les mêmes partout.
En arrivant dans ce petit logement je me trouvais très heureux et pourtant il me manquait quelque chose c’était du feu mais les poëles sont assez rares il fallut donc s’ingenier à en fabriquer un ce n’était pas très facile. Un village est assez proche et naturellement un peu endommagé et portant j’ai toujours remarqué que de ces ruines on pouvait tirer profit. En effet après avoir cherché longtemps je fini par decouvrir une espèce de tôle renforcée j’en conclu que je pourrais en faire le corps de ce poele mais il manquait le principal le fond et le dessus car j’avais encore trouvé un tuyau non percé et c’est plutôt rare. Je commencais à me decourager ne voyant plus comment faire. Mon camarade eut alors une fameuse idée à laquelle je n’aurais jamais pensé. Prenant un cercle de tonneau se mit en tâche de fabriquer une grille au moyen de gros fils de fer. Nous commencions donc a progresser dans notre travail mais c’était toujours ce dessus et surtout un coude. Il fallut à nouveau chercher dans le village et nous finimes par trouver ce qui nous manquait certes tu ne devinerais jamais où ni quoi je prefère te le dire de suite. C’est dans un cabinet d’aisance que ce trouvait cet objet si précieux pour terminer notre idée ingénieuse. Oui c’était simplement une cuvette en fonte avec le coude une vieille assiette fut destinée à servir de couvercle.
L’installation terminée nous étions heureux de notre idée mais nous avions compter sans la fumée. A force de chercher la cause du mal je fini par découvrir que les tuyaux nous manquaient que faire ; finalement un bidon à pétrole fit notre affaire ou du moins je le crû car j’ai oh avec beaucoup de peines fabriquer comme un coude. Non cela ne devait pas suffire encore alors à bout de courage et de patiente ne sachant plus que faire à tout hasard nous avons fabriqués des tuyaux en papier ondulé plutôt histoire de nous amuser et loin de penser que cela pourrait servir. Il fallut cependant se rendre à l’évidence car peu d’instants après la pose de ces tuyaux impropres nous étions mon ami et moi completement debarrassés de la fumée. Depuis deux jours le tout est là et marche presqu’à merveille. Ce n’est pas luxueux mais peu importe le principal est que nous ayons bien chaud. Voila pour mon installation tu vois que pour le moment je ne suis pas trop à plaindre car d’autres sont plus mal que moi. Reste la question du ravitaillement c’est assez compliqué car il faut agir par ruse à ses risques et périles. Nous avons chaque jour une bouteille de Bordeaux à 2.50 pour deux et c’est tout le tabac c’est plus difficile encore je crois cependant en avoir ce soir.
Je suis persuadé ma cherie que mon recit te feras bien rire et cependant c’est tel que je te le raconte sans rien exagerer. Demain je te dirai comment nous vivons.
Cette gentille petite lettre me fit certainement bien plaisir puisque tu m’affirme qu’il y a du mieux chez mes parents. Pour ma mère je n’étais pas par trop inquiet je connais si bien son état de santé et je sais dans quel état d’abattement la plonge une simple griffe je me rendais bien compte que seul le repos pouvait amener de l’amélioration. Mais comment y parvenir puisque mon père obligé de garder à peu près constamment le lit devait demander beaucoup de soins. Voilà ce qui m’inquietait car plus je cherchais moins je trouvais de solution et j’avais peur.
Georges Renaud, Samedi 6 heures du soir le 27-1-1917
Pour la maladie de mon père depuis déjà bien longtemps je me suis fais une raison attendu que je sais très bien qu’il n’y a aucun remède pour une pauvre victime de l’alcool et pourtant malgré qu’il n’est jamais été bon pour moi je serais content de le voir vivre longtemps encore et qu’il voit un jour rentré son poilu. Il serait malgré tout j’en suis sur très fier.
Je suis heureux que mon pauvre père compte déjà quand je retournerai en permission. Je ne sais comment il compte mais je souhaite qu’il ne se trompe pas. En tous cas elles sont suspendues pour le moment mais n’en parle pas à mes parents.
Je t’ai promis hier de te dire comment je vivais je vais donc m’en acquitter sur le champ tout d’abord pour le moment la compagnie se trouve partagée en deux c’est à dire que chaque peloton se trouve placé à une grande distance l’un de l’autre. Donc de là le ravitaillement au moyen des cuisines roulantes devient absolument impossible. Alors il fut décidé que les cuisines iraient avec la première et deuxième section. Je fais moi partie de cette dernière en temps ordinaire mais pour le moment je remplace un permissionnaire à la 4°. Il fut donc décidé que nous ferions la cuisine par ½ section. J’en suis très heureux car j’ai un cuisinier fameux et je préfère manger ainsi qu’à la roulante c’est même bien dommage qu’il ne puisse en être toujours ainsi car on trouve autrement mieux son compte. J’avais oublié de te dire que nous ne faisons plus popote et que jamais pour mon compte je ne recommencerai car certains soit disant camarades se sont moqués de nous d’un facon trop méchante.
Pour le moment je ne m’occupe pas des lettres car j’aurais à faire vingt six kilomètres par jour et faire travailler serait trop pénible. Ce sera mon tour d’y aller demain toute la journée jusqu’à minuit. Ne t’inquiète donc pas ma chérie si un instant je me suis senti decouragé pour le moment il me semble revenir à la vie. Mais vois tu tous ces deplacement toujours si penibles m’avaient completement abattu. Et puis je pense qu’il y a déjà près de trois mois que je suis allé en permission mon tour revient donc chaque jour il faudra pourtant attendre encore longtemps car désormais au lieu de se basser comme autrefois sur la datte de départ ce sera sur la datte de rentrée ce qui me retarde d’une quinzaine.
[...] Je te parle ainsi ma chérie certes tu vas me sentir exigeant et tu auras raison je dois te l’avouer je souffre quand je suis sans nouvelle et pourtant je n’ai pas lieu de me plaindre car cela ne m’arrive que rarement ou alors si je me plains que devras tu dire moi qui suis parfois plusieurs jours sans t’adresser même une carte il est vrai que depuis des mois il m’est arrivé bien souvent avec toute la bonne volonté possible de ne pouvoir le faire. Aussi combien je maudi ce vat et vient ce changement qui me plonge toujours dans l’inconnu. Quel soupir de soulagement je pousserai le jour ou tout cela sera finit. Mais attendons encore ce n’est certainement pas demain la veille.
Georges Renaud, Lundi 1 heure le 29 janvier 1917
Depuis que je suis dans cette petite chambre je me suis très bien habitué me faisant un genre de vie spéciale volontiers je finirais la guerre dans ce coin sans plus de commodités sans jamais de repos. Pourtant cela touche à sa fin car je recommencerai le prochain mois en ligne pour y rester au moins le double de temps qu’ici cela m’inquiete un peu car si ce froid persiste ainsi longtemps je me demande comment je ferai pour resister toute cette période. Combien je regretterai ma petite chambre avec son bon lit mais surtout le poële de mon invention qui m’a rendu de si bons services enfin je dois comprendre que je ne puis je ne dois pas rester là constamment et de tout je prefererais mon cher petit ménage ou j’ai vécu de si beaux jours comblé de joie entouré de votre affection.
Tout irait bien si j’avais un peu moins froid mais je crois que c’est encore pis que d’habitude Je vous embrasse du fond du coeur.
Georges Renaud, Le 5-2-1917
[...] Je montais donc en ligne le premier de ce mois et il était convenu avec le Cdt de compagnie que dès que mes collègues seraient rentrés de permission je reprendrais mon service de vaguemestre. En effet tout en arrivant je recevais l’ordre de rester en réserve j’en fus tout dabord très heureux me sentant moins en danger malgré que n’étant pas très bien logé devant rester jour et nuit dans un abri ou il y avait certainement un mètre de glace plusieurs fois j’ai essayé de faire du feu mais ce fut en vain j’étais trop mal outillé pour cela. J’avais donc à souffrir énormement de ce maudit froid et pourtant j’aurais été très heureux de pouvoir continuer ce séjour ou je n’avais que peu de responsabilité mais c’était trop beau cela ne pouvait durer longtemps surtout avec un officier aussi peu scrupuleux. Donc le sixième jour un sergent de ma section était évacué justement celui si bien trompé par sa femme pendant notre repos de Barbonville. Le soir je dû donc monter en première ligne pour le remplacer pas content du tout que j’étais car quoi de plus enervant que d’être huit jours dans une section et six jours dans une autre à changer constamment de service. Une fois encore ce chef que j’estime si peu me promit que je reprendrais mon service en descendant mais dans ma colère je l’ai envoyé promener avec ses lettres lui disant ne pas admettre que l’on se moque de moi de telle facon et je lui ai demandé en même temps de vouloir bien me donner le commandement d’une ½ section comme c’est mon droit il le fit sur le champ et j’espère que cette fois je ne changerai plus.
Georges Renaud, Lundi midi le 12 Fevrier 1917
Ces cinq jours furent donc les plus pénibles étant seul sergent dans cette fraction et n’ayant à ma disposition que deux caporaux le service était donc très dur aussi j’étais debout presque jour et nuit n’ayant guère que deux heures de repos le jour et autant la nuit mais c’est toujours du froid que je devais le plus souffrir et pour comble il me fallut rester en ligne vingt quatre heures de plus que les autres pour passer les consignes enfin la prochaine fois ce sera le tour d’un camarade.
Me voila donc en réserve on y est très bien dans de bons abris ne craignant pas certainement un gros bombardement on peu y faire du feu jour et nuit pense ma chérie comme on est heureux de pouvoir se chauffer dès que l’on a froid? Mon lit laisse bien à desirer mais comme je dois rester là quelques jours je vais pouvoir le reparer j’ai sous la main tout ce qu’il me faut pour le faire. Mais ce qui te surprendras le plus c’est que je suis eclairé à l’électricité de quatre a onze heures du soir c’est à ce moment très pratique il n’en est pas de même la journée il faut des bougies et c’est très difficile de s’en procurer comme tout le reste d’ailleurs aussi je t’assure que je suis bien obligé de faire des économies forcées c’est vrai.
Comme je ne pense pas remonter en ligne dans le courant du mois je pourrai ma chérie reprendre régulièrement ma correspondance et repondre à tes lettres comme par le passé en un mot revivre un peu car tu ne peux savoir combien je m’ennuie cette année je voudrais pouvoir cracher à la figure de celui qui me fait de la peine tout ce que je pense et dont je te ferai part lors de ma prochaine permission.
Je te disais ma chérie avoir beaucoup souffert du froid c’est à un point que je crois bien avoir le petit doigt de la main gauche gelé légèrement hélas trop légèrement enfin je n’en souffre presque pas.
J’étais hier de jour je n’ai donc pû te faire une lettre j’avais à faire de corvées à plusieurs reprises il me fallut monter en ligne fort tard même dans la soirée et je t’assure que la dernière il faisait noir. Heureusement l’adjt ayant pû se ravitailler de deux bouteilles de bon vin m’en offrit un quart à mon retour ceci me fit beaucoup de bien car je n’avais pas chaud et puis je l’ai trouvé fort bon pense donc que depuis une quinzaine je me contente de celui de l’ordinaire.
Georges Renaud, Mercredi 1 heure le 14-2-1917
Comme j’étais très fatigué je me suis levé très tard pour manger la soupe seulement tu me diras que je suis bien paresseux ma fois tant pis mais j’étais si en retard de sommeil que j’ai tenu d’en profiter. Le repas si peu succulent fut hélas bien vite pris enfin c’est la guerre ensuite je me suis lavé cela fait tant de bien lorsqu’on peu le faire et me voila frais et dispos en train de faire une lettre à mon tresor de petite femme.
En effet tu as raison ma chérie il y a fort longtemps que je ne fais pas exactement reponse à tes lettres comme autrefois par exemple. Mais je sais maintenant que tu connais la raison pourquoi aussi combien je me sens heureux de n’avoir pas été grondé par toi. Car malgré que ne remplissant pas journellement ce devoir sacré soit certaine que j’en souffrirais beaucoup. Te souviens tu mon amour qu’elle joie j’éprouvais de m’entretenir avec toi par mes longues lettres ou je mettais tout mon coeur rends toi compte alors ce que je trouvais pénibles mes heures de quart faisant les cent pas d’une sentinelle à l’autre ayant l’oeil et l’oreille partout et pourtant livré à tant de reflexions mais hélas je grelottais de froid et je devais voir ma volonté se plier devant ce mal puisqu’il me rendait incapable de tenir un crayon enfin j’espère que le plus fort de l’hiver est desormais passé et que je n’aurai plus cette année du moins a supporter ce que j’ai souffert.
Tu m’as parlé ma chérie a plusieurs reprises du manque de travail et si je ne t’ai pas fais reponse n’empêche que j’en étais tres affecté car si cela dure encore longtemps je me demande mon amour ce que vous allez devenir comment veux tu qu’on arrive pas à se faire du mauvais sang.
N’ayant aujourd’hui encore aucun service à assurer j’ai mangé la soupe au lait et m’étant levé pour demander quelques renseignements j’ai constaté qu’il ne faisait pas très chaud. Donc malgré l’heure tardive et une soleil superbe je suis obligé d’ecrire sur mon lit à la lueur d’une bougie le soleil n’étant pas suffisamment chaud pour me permettre de m’installer dehors. C’est bien dommage car il y a de jolies petites terrasses avec abri contre la chaleur avec sous lesquels bancs et tables pour faire la correspondance. Je vois que dans ce coin on a fait tout le nécessaire pour donner le plus de bien être aux chers poilus. Mais je me trouve à y passer en très mauvaise saison je ne puis donc pas en profiter même je ne puis tout t’expliquer ce serait trop long et peut être tu ne pourrais pas le comprendre je préfère donc te le detailler lors de ma prochaine permission.
Georges Renaud, Jeudi midi le 15-2-1917
En parlant de permission cela me fait penser que ce matin on est venu me dire à proximativement quel numéro j’avais pour partir ceci t’étonnera certainement ; tout d’abord on se sert actuellement à la compagnie de la datte de rentrée pour se basser sur le prochain départ tandis que jusqu’ici on s’était servi du départ. Ceci fait j’avais cru un moment me voir gagner une quinzaine de jours mais pas du tout puisque pendant cette période aucun homme n’est parti. En plus la citation m’ayant donné droit à deux jours supplémentaires lors de ma dernière permission et m’obligeant par là à rentrer deux jours plutard me repousse fatalement puisque pendant ce laps de temps d’autres sont rentrés avant moi et pourtant ceci n’est rien encore. Ce qui me fait le plus rager c’est que quinze hommes arrivés du depot depuis quelques jours seulement et rentrant de permission repartiront avant moi.
[...] Voici des ordres je vais te quitter en bonne santé j’espère qu’il en sera de même pour vous. En attendant que je puisse vous les porter moi même recevez mes baisers les plus affectueux. Celui qui vous aime pour la vie.
Je n’ai donc pas grand-chose à te signaler la vie est ici chaque jour la même sans varier de quoique ce soit jamais la moindre nouvelle puisqu’il n’y a pas de journaux on ne sait donc que très vaguement ce qui se passe impossible de se faire apporter la moindre chose heureusement j’avais monté dix paquets de tabac autrement je me serais vû obligé de me passer de fumer et tu sais combien c’est pénible pour moi. Les provisions commencent à baisser mais si nous allons au repos d’ici quelques jours je pourrai peut être me ravitailler et pourtant un bruit circule que nous devons remonter en ligne j’en serais fort surpris mais il faut dans ce métier s’attendre à tout j’en serais malgré tout très ennuyé car un si long séjour dans les bois comme des loups sans jamais voir personne me devient pénible presque insupportable.
Georges Renaud, Vendredi 1 heure le 16 Février 1917
[...] Il fait aujourd’hui un temps superbe le soleil commence même à rechauffer l’atmosphère aussi la neige d’ici deux ou trois jours sera complètement disparue mais il ne fait pas bon marcher car les routes sont très glissantes et pourtant on est je t’assure heureux ma chérie de prendre un bain de lézard et j’espère que cette fois nous n’aurons plus à souffrir du froid comme le mois dernier malgré que de mauvaises journées se presenterons encore.
Etant de jour hier je ne t’ai pas écris et pour cause je n’ai pas eû une minute à moi je t’assure en avoir fait du chemin dans ma journée aussi j’étais très fatigué en rentrant vers dix heures. Rendant compte de mon travail à mon chef de peloton au lieu de me laisser aller me reposer il me fit jouer aux cartes jusqu’à deux heures du matin en partant je gagnais cinq francs c’est plutôt rare pour moi. Peut etre aujourd’hui pourras-tu faire une petite promenade jusque chez mes parents car ici la temperature est beaucoup plus douce je suppose qu’il en est de même là bas seulement le degèle rendra sans doute les chemins fort mauvais car nous nous avons de la boue par dessus la chaussure il est vrai que sur la route on s’en tire plus facilement que dans ces terres battuent par les obus. Donc moi aussi je vais faire une promenade et malgré que la tienne ne sera pas très agréable la mienne le sera moins encore car elle sera tout dabord nocturne et tu sais mon amour ce que les nuits sont noires heureusement nous n’avons que deux heures de marche nous n’allons donc pas loin et cette fois pour le repos. Car sur ta lettre d’hier tu pensais que j’y étais non mon amour j’étais qu’à quelques centaines de mètres des lignes. Je vais tacher par ce moyen de gagner la fin du mois puis vivement l’autre période de tranchée et je crois que je serai proche de partir en permission quelle joie pour nous.
Georges Renaud, Dimanche midi le 18 Février 1917
Je vais aller faire préparer mes hommes car ils ne sont jamais prêts lorsqu’il faut partir et je ne tiens pas du tout de me faire attrapper par mon cher officier.
A part cela pas grand-chose de nouveau mon doigt me fait toujours bien mal autrement je suis en bonne santé un peu de rhume c’est tout.
Je suis si tranquille ce soir que j’en profite pour faire ma lettre car je dois demain retourner au travail seulement les deux jours suivants je serai de repos. Je te dis donc être calme pour la bonne raison c’est que je suis seul tous mes collègues étant dans un barraquements voisin en train de chanter ils sont si turbulents tous ces jeunes gens que par moment je crains qu’ils finissent par me faire perdre la tête aussi tu pense si je respire dès l’instant que je suis seul je me lève alors tout à ma pensée et je suppose ne pas avoir besoin de te dire ou elle s’envole mais comme je serais heureux de te l’exprimer non mon amour ce serait vraiment trop long à écrire je t’assure qu’il m’en passe des idées dans ma pauvre tête.
Georges Renaud, Mardi 9 heures soir le 20 Février 1917
Je suis donc au repos depuis plusieurs jours même déjà exactement à moitié pris. Je t’ai dis à peu près dans quelles conditions je me trouvais mais ce que je ne t’ai pas dis c’est que je suis absolument isolé du plus petit village et par conséquent très difficile d’avoir la moindre chose je te dirai même trouver le temps bien long à travers ces bois je ne dois donc revoir des civils que lors de ma prochaine permission mais peu m’importe j’aurai au moins ce jour là la joie de voir ma petite femme chérie.
Georges Renaud, Vendredi 1 heure le 23 Février 1917
Un instant mon amour je t’avais donné espoir que j’arriverais au quinze mars mais deux jours après je te faisais savoir qu’il était question de ne plus en partir. Ce n’était pas tout à fait véridique mais depuis le nombre est bien restreint un seulement par jour c’est bien peu en raison de ce que je t’avais annoncé et pourtant que dirais tu aujourd’hui si je te disais être le vingt et un à partir vois tu ma chérie encore un peu de patience et ce sera mon tour. Combien maintenant je l’attend ce tour il me semble que les jours deviennent des semaines.
Tu me dis sur ta lettre entendre le fracas formidable du canon mais je suppose que ce n’est pas le même que moi c’est vraiment trop loin. Aujourd’hui encore il continue de plus bel.
Hier soir nous avons eû un charmant petit concert donné par les artistes de ma Ce la majeure partie était même de mes collègues. Les intrepides comme je les appelle. Il nous ont fait passer de bonnes heures au moyen de leurs chansons comiques et pour terminer la soirée une jolie petite pièce en un acte. La Recommandation jouée par l’adjt, le notaire du Creusot et un musicien que je ne connais pas. Après nous être bien amusé pendant environ deux heures il fallut rentré dans notre petit logement ou le Ct venait quelques instants plus tard nous offrir deux bouteilles de Champagne qui n’avaient rien de desagréables.
Le temps est superbe on croirait même à une journée de printemps tant le soleil rechauffe mes vieilles douleurs. Les oiseaux commencent de gazouiller et cela rend un peu triste en pensant que l’on serait si heureux parmis ceux que l’on aime.
Comme je te l’ai annoncé sur ma lettre d’hier je suis parti travailler ce matin à sept heures avec une corvée de trente hommes ce n’est pas très loin donc pas trop fatigant aussi tout en surveillant mes hommes je te trace ces quelques lignes accroupi au fond de la tranchée que je fais réparer. Je t’ecris à tout hasard car je ne sais pas si je serai rentré avant le depart des lettres.
Georges Renaud, Samedi 2 heures le 24 Février 1917
Il fait aujourd’hui certainement bien moins beau qu’hier le temps est sombre et il semble que la pluie est proche et pourtant on s’en passerait volontiers car le dégèle nous donne pas mal de travail dans les boyaux. Malgré cela la temperature est douce à tel point qu’ayant quitté mon tricot depuis plusieurs jours je ne l’ai pas remis. J’ai été obligé de le quitter tant il y avait de pous dedans. Ce matin pour la première fois j’ai entendu chanter l’alouette aussi tu pense si cela fait plaisir mais je voudrais l’entendre chanter chez moi.
Il n’est pas parti de permissionnaire aujourd’hui mon N° n’a donc pas changé.
J’ai donc passé la nuit blanche mais complétement sans pouvoir m’assoir un quart d’heure de même qu’une grande partie de la matinée la soupe mangée vers onze heure je m’étais étendu sur mon grillage et fatalement je me suis endormi pour ne m‘éveiller qu’à cinq heures par conséquent il n’était guère possible que j’écrive. Cette nuit encore je n’aurai que trois heures de repos pour attendre le jour.
Georges Renaud, Mercredi 7 heures du soir le 28-2-1917
Je ne suis pas trop mal installé dans mon nouveau local malgré qu’à aucun point de vue il ne ressemble à celui que je viens de quitter mais surtout au point de vue ravitaillement car malgré que restreint comme tu pourras en juger par la photo que je t’ai expédiée hier nous avons pû faire rapporter quelques bouteilles de Champagne et à mon avis j’estime qu’on a raison d’en profiter quand l’occasion se présente car on le paye largement de retour.
L’heure de mon tour de service approche je vais donc te quitter avec un fameux cafard mais en parfaite santé.
Tu me surprend nullement en me signalant que plusieurs de mes lettres on été ouvertes je m’y attendais bien un peu et crois tu que j’ai raison de ne jamais faire allusion à rien. Cette enquête est sans doute faite pour tous ceux qui ont fait comme G. Royer je ne vois que cette raison.
Georges Renaud, Vendredi 8 heures du soir le 2 Mars 1917
Je suis très heureux que tu sois allée à Labergement dimanche de cette facon j’ai des nouvelles de mes parents qui sont à ce que je vois assez bonnes mais ce à quoi je m’attendais peu c’était d’en recevoir de chez mon oncle à qui en effet je n’ai pas écris depuis fort longtemps et justement pour la raison qu’ils se plaignent de moi. Enfin puisqu’il en est ainsi nous ferons notre possible pour leur rendre visite lors de ma prochaine permission.
Je comprend que mon père a été heureux de les voir surtout si depuis si longtemps il les attendait tant mieux si cela lui a permit de passer une bonne journée aussi combien je me rend compte combien il serait content de me voir arriver en permission mais diable que c’est long lorsqu’il faut attendre.
Tu me répète à nouveau d’adresser chaque semaine un mot à mes parents je l’ai fait la semaine dernière pour leur annoncer ma prochaine permission ils ont recu je crois cette lettre lundi mais puisque tu me dis que mon père me réclame tant et oblige même ma mère à surveiller l’arrivée du facteur je tâcherai de leur écrire une petite lettre le plus souvent possible.
Je t’ai fais part en sont temps d’avoir eû à conduire un détachement assez loin en cours de route ayant fait la rencontre d’un grand officier me trouvant en arrière je ne fus par personne prevenu de son arrivée et trop tard lorsque l’ayant appercu pour rendre les honneurs comme j’aurais dû le faire. Un rapport arriva quelques jours après et je m’attend fatalement à être puni. Il aura fallut cinq ans de service dont trois ans de guerre pour que cela m’arrive mais en tout il y a commencement. En tous cas je ne m’inquiète pas car je suppose que la punition sera minime sans doute quinze jours d’arrêt c’est à dire suppression de solde pendant ce temps ce qui m’ennuierait le plus ce serait de voir retarder ma permission. Malgré tout ne parle de rien à mes parents de peur de les inquieter car en somme je ne sais pas si je serai puni.
Je te quitte il va être neuf heures et je prend le quart dans la tranchée jusqu’à minuit. Je suis en bonne santé j’espère que vous êtes tous de même.
Je te remercie donc infiniment de ce colis qui me fit si plaisir une petite chose m’a frapper c’est l’adresse j’ai cru comprendre qu’une autre main l’avait mise tu me diras si je me suis trompé.
Georges Renaud, Dimanche 7 heures du soir le 4 Mars 1917
En parlant de colis cela me fait penser que jamais je ne t’ai parlé de l’avant dernier malgré que m’en ayant fait la remarque et pourtant celui la aussi m’a fait plaisir et j’aurais du te remercier de suite. Nous faisions étant au repos une petite popote à huit que nous étions et justement le jour que je l’ai recu le menu était plutôt très maigre vue la difficulté de nous ravitailler. Ce colis fut donc le bienvenu et tous nous nous sommes bien régalés car j’avais pû faire préparer une bonne sauce par notre cuistot et ma fois nous avions je t’assure un petit plat bien succulent dont tous mes collègues m’ont chargé de te remercier.
A midi on m’annoncait que j’avais a rejoindre ma section à ma grande joie du reste je suis plus tranquille aves les hommes que je connais
Je t’avais écris il y a quelques jours craindre être puni en effet la punition est revenue ce matin mais beaucoup moins sévère que je ne l’aurais pensé quatre jours d’arrêt simple c’est insignifiant et cela ne peut en aucune facon me retarder ma permission.
Pour ce qui concerne les permissions je te dirai qu’elles marchent toujours très lentement même plus lentement que jamais ainsi hier il n’en est pas parti aujourd’hui un seul ce qui fait que résultat net j’ai le N°13 combien c’est long quand il faut attendre ainsi il semble que son tour n’arrivera jamais. Enfin c’est facile à calculer maintenant depuis il y à quinze jours aujourd’hui 13 seulement sont partis si cela demande autant de temps pour arriver à mon tour tu pourras te rendre compte quand j’arriverai. Et dire que si tout au contraire on augmentait le pour centage je partirais d’ici quelques jours. Enfin prenons patience.
La temperature c’est refroidie de beaucoup depuis quelques jours je dirai que je trouve la nuit les heures de quart fort longues.
Tu ne t’es point trompée du tout cette photo fut prise à minuit le soir d’une fête d’un de nos collègue et ma fois je t’avouerai qu’en effet nous n’avions pas envie de pleurer non seulement l’effet était produit par la présence des bouteilles sur la table mais c’était surtout de ce qu’elles avaient contenu. Oui nous souffrons suffisamment certaines périodes pour que cela nous permette de l’oublier dès que l’occasion se présente à nous. C’est peu souvent du reste.
Georges Renaud, Lundi 8 heures du soir le 5-3-1917
Toujours à peu près le même refrain elles marchent toujours avec la même lenteur. Puis autre chose j’ai entendu ce matin qu’à nouveau on prendrait la datte de départ pour base de ce systême je me trouverais retardé des quelques tours que j’ai gagné toutes fois je ne te confirme rien car en somme cela me semble invraisemblable et je te tiendrai au courant. Mon N° n’a pas changé depuis hier.
Georges Renaud, Vendredi 1 heure le 9-3-1917
Contrairement à ce que je te signalais hier je n’ai pû t’ecrire pendant la nuit et pour cause c’est que j’ai eu beaucoup moins de repos que je ne pensais enfin cela n’a pas d’importance car ma lettre sera [finie] certainement avant le départ du vaguemestre donc même au contraire ce sera pour toi des nouvelles plus fraiches d’au moins douze heures ce qui est très appréciable en tranchée car il en faut bien moins pour se faire moucher.
Georges Renaud, Samedi 1 heure le 10 Mars 1917
[...] Je n’ai pas autrement ma chérie grand-chose à te signaler la vie étant ici toujours la même le temperature les choses les faits rien ne change rien pour adoucir le regard rien que le bruit du canon pour egayé les sons pas un oiseau sauf plusieurs fois par jours quelques passages de grues ou bien d’oies sauvages poussant des cris aigüs lorsque sur elles la fusillade se declenche. Enfin voyant ces oiseaux se diriger au Nord cela me pousse à croire que le printemps approche. Quand donc nous ne souffrirons plus de ce maudit froid.
[...] J’aurais voulu continuer mon gribouillage hier mais je ne sû pas le faire car j’ai vraiment souffert non pas de ma blessure mais figure toi après mon pansement on me fit une piqure antitétanique au coté gauche du bas ventre ce qui m’occasionna une grande fièvre je n’avais plus ni bras ni jambes et je du conserver le lit toute la journée je l’appelle lit j’ai grand tort car ce n’est qu’une vulgaire litière de paille mais comme on le trouve doux ce lit d’occasion quand on a couché plusieurs semaines sur la terre. Je te raconte tout cela j’ai grand tort car c’est plutôt pour t’épouvanter mais je t’en prie ma chère petite femme ne te fais pas de mauvais sang je ne souffre pas du tout de ma blessure et je serai bien vite guéri trop vite même.
Georges Renaud, Lundi 14 M[ai] 9h1/2 du matin
Mon trésor je suis donc à Chonville dépôt déclopés c’est une commune qui me parrait être assez populeuse en temps de paix mais à l’heure actuelle il y a pas mal d’évacué comme tout le long du front d’ailleurs. Je n’ai pas pu en faire l’examen tout entier car malgré tout je marche assez difficilement mais de ma fenètre je vois des collines superbes ou je me promets d’aller faire une promenade dès que je le pourrai car on peut s’absenter du territoire sans permission mais les gens ne sont pas plus aimables qu’ailleurs ainsi hier comme je n’avais pas d’appétit j’envoyai un de mes camarades me faire faire deux œufs sur le plat sais tu combien cinquante centimes je crois que c’est bien vendu ou alors je n’y connais rien le vin est à peu près abordable douze sous le litre mais c’est très difficultueux pour en trouver enfin faute de vin on boit de l’eau mais ce n’est point du tout la même chose.
Je vais donc profiter de ce que je suis là pour un certain temps pour faire laver et raccomoder tout mon linge car mon pantalon est déjà tout decoussu et toutes mes chemises et chaussettes sont sâles une chaussette j’en ai perdu une après avoir été blessé j’ai fait dire que l’on me la garde je pense que cela sera fait.
Donc à part cette privation de correspondance mon état de santé est excellent et je ne souffre pas du tout de ma blessure seulement je t’assure qu’il n’y à rien d’épatant comme table d’hôte c’est loin de valoir la compagnie mais toujours obligé de se contenter naturellement. J’ai été faire un petit tour hier après midi bien petit environ un kilomètre allé et retour mais je dû rentrer car je me sentais fatigué en rentrant je voulu changer de linge et cela pour la deuxième fois depuis mon arrivée à Chonville mais quelle stupeur mon amour en enlevant ma flanelle j’aurais pù compter les poux par centaines tu penses si je l’ai envoyée promener dehors et aujourd’hui je vais la porter faire bouillir avec mes chemises car maintenant tout mon linge est sàle et si je reprend des poux je n’aurai plus rien pour me changer.
Georges Renaud, Mercredi 16 Mai 9h1/2 du matin
Louisette chérie tu me parles bien rarement du temps qu’il fait là bas j’ai entendu dire hier qu’il faisait des orages presque tous les jours si ces orages ne sont pas trop mauvais tu dois avoir un jardin superbe ce que j’aurais été heureux de manger des petits pois cette année plantés par ta main ils auraient été pour moi succulents mais le destin n’a pas tourné pour j’espère toutefois mangé de tes haricots et d’ici peu.
Que deviens donc cette petite crapule de Dédé et il bien sage au moins ne se fait il pas trop grondé j’en doute fort il est si polisson a-t-il bonne langue maintenant et bon appétit comment va son asme toutes ces petites choses me feront bien plaisir de les connaître.
Monsieur ayez donc la bonté suprème de vouloir bien me donner réponse par retour du courrier de me dire voir si Léon Dupont au 27eme de ligne 11eme Compagnie voir si il est encore bien a sa compagnie.
Lucie Marnot, Aix en Othe le 29 juillet 1917
Je n’ais pas eus de noûvelles depuis 15 jours comme parents je suis inquiette je vous récompenserai de suite. Votre toute dévouée.