Chapitre final de la volumineuse correspondance de notre arrière-grand-père durant le premier conflit mondial.
Léon Renaud dit Georges (1885 † 1919)
Mathilde Valentine Renaud dite Louise (1892 † 1971)
André Louis Renaud dit Dédé ou la grosse cocotte (1913 † 1981)
Avant hier on a commencé de serrer mes plaies ce fut assez douloureux sur le moment en revanche je me trouvais beaucoup mieux par la suite. Je m’attends aujourd’hui à être recousu (mes plaies) et probablement je vais pouvoir chanter tout à mon aise. Que veux tu il faut y passer.
Georges Renaud, Le 20-11-1918
Tu mes demandais ces jours derniers si j’avais touché ma solde je te repondrai donc que non tant que je serai à l’hopital rien ne me sera payé. Ce n’est que quand je partirai en convalescence que je toucherai la solde d’intérieur.
Ce soir encore je suis absolument seul mes camarades sont en promenade déjà depuis deux heures et ne rentreront certainement pas avant la soupe. Comme il fait un temps superbe à Paris pas besoin de te dire combien ils sont heureux de pouvoir sortir et d’en profiter tout à leur aise car il faut compter que d’ici peu l’hiver se mettra de la partie alors il n’y aura plus moyen de mettre le nez dehors. Très probablement c’est à ce moment que je commencerai de me lever donc pas de promenade pour moi ce qui ne me dérange pas beaucoup puisque je ne connais point la ville et que je n’ai pas à compter sur personne pour me rien faire visiter. Tous sont des ingrats!
Georges Renaud, 15 heures Le 22 Novembre 1918
Depuis bientôt vingt jours que je suis à Paris je n’ai pas encore eût l’idée de te dire dans quel quartier je me trouvais cependant je suis convaincu que cela doit te faire plaisir. Pour mon compte personnel ça me rememore de bien doux souvenirs. Je ne suis pas à plus de deux cents mètres de la Porte Maillot. Te souviens tu ma chérie de la soirée que nous y sommes descendu de taxi pour la première fois sous une pluie battante et le cœur remplit d’émotion pourtant nous étions heureux.
Comme je t’ai promis de te tenir au courant de ce que la plaque radiographique rapporterait je vais le faire sans rien te cacher ni de ce qu’elle représente ni de ce que les médecins en pensent. C’est hier dans l’après midi que la gravure me fut présentée. J’ai donc pû constater par moi-même que la guérison marchait normalement l’os est déjà bien soudé mais cependant pas assez pour me permettre de me lever car ce n’est pas solide. Il se trouve légèrement déplacé en avant environ un centimètre c’est pourquoi il faut si longtemps mais j’ai absolument confiance. Je demanderai au docteur de bien vouloir me remettre une des plaques car il y en a cinq et je te l’enverrai pour que tu puisse juger par toi-même.
De peur de me tromper j’ai demandé ce matin au médecin traitant qu’il veuille bien me dire ce qu’il en pensait et cela sans rien me cacher. De bonne grâce il s’est prêté à ce que je voulais savoir. Il m’affirme que je me servirai de mon bras dès la guerison complète mais que mon bras n’aura vraiment retrouvé sa force que dans deux ans.
D’après le docteur je dois compter encore une quinzaine de jours à rester au lit puis un mois après pour la guerison des plaies et enfin faire faire de l’exercice à mon bras au moyen de l’electricité pendant combien de temps je n’en sais rien. Dans tous les cas je ne serai pas à la maison en admettant que tout aille pour le mieux avant le mois de février. Nous avons encore le temps d’attendre.
Georges Renaud, Le 26 novembre 1918
Viroley n’étant que légèrement blessé je ne suis pas surpris qu’il soit déjà chez lui mais il me semble que sa convalescence est bien longue si ce qu’il dit est vrai moi j’aurai bien au moins six mois. Pour une fois il n’a pas trop menti au sujet de notre rencontre. C’était à une faible distance du poste de secours je marchais le premier et lui venait par derrière c’est donc lui qui m’a reconnu chemin faisant il m’a offert un peu d’alcool car j’étais très faible et rongé par la fièvre puis je souffrais beaucoup.
Dans ta lettre du 24 tu me dis être très heureuse d’avoir des détails complets sur l’état de mon bras seulement je crois m’être assez mal exprimé car mes blessures suivent leur cours mais il n’est nullement question de guérison pour l’instant du moins ma lettre de ce matin te le fera du reste comprendre.
Georges Renaud, 13 heures Le 26 Novembre 1918
En te disant que je me servirais de mon bras ne crois pas que je pourrai travailler non ce ne sera que beaucoup plus tard mais l’essentiel pour moi est de ne pas le perdre. Certes je suis heureux que tu en prenne ton parti comme toi j’ai déjà pensé que si je ne travaillais pas à l’usine je me ferais une situation ailleurs si possible. Donc je ne me fais pas de mauvais sang seulement que de temps de perdu et que nous ne rattrapperons pas.
Ce soir comme à l’ordinaire je suis seul mes camarades sortent chaque jour mais je trouve le temps moins long qu’au début. Aujourd’hui moins que jamais car il y [a] beaucoup de blessés qui arrivent venant d’un autre hopital sans doute evacué il n’y aura malgré tout rien de changé dans ma chambre étant toujours présent tous les trois.
[…] l’on vient de commencer de me faire des massages et pour la première fois j’ai trouvé que c’était très douloureux je me demande un peu ce que ce sera quand mon bras ira bien.
Georges Renaud, Le 27
J’ai enfin ce matin à peu près éclairci le mystère de ma blessure car jusqu’ici je ne m’étais rendu compte de rien mais à force de questionner on finit toujours par savoir. Je sais donc avoir été blessé par balle explosive dans le genre du Gêne seulement j’ai la chance de ne pas avoir l’os trop abime en revanche les muscles et les nerfs y sont beaucoup. Il reste également de nombreux éclats de la balle dans mon bras et je crains qu’ils me nuisent un jour et que j’aie de la peine de me servir de ce pauvre bras malgré tout ce que l’on me dise.
Tu me demandais sur cette lettre conseil sur ce que tu devais faire. Ayant de grandes journées devant moi pour réfléchir je ne cacherai pas y avoir déjà pensé il m’aie donc facile de te donner mon avis. Ce que tu te propose de faire serait merveilleux et me rendrait très heureux mais je crois qu’il est nécessaire de penser à l’avenir. Si tu compte venir me voir il te faut envisager de grandes dépenses car la vie est à ce qu’il parrait horriblement chère à Paris même en admettant que Marcelle te pilote et te vienne en aide ne t’embarque pas sans biscuits. Je crois aussi qu’il faut tes bons de pain. D’autre part tu sais que je ne touche pas de solde et que tu devras me faire une avance de fonds tant que je serai à l’hopital. Si je l’appelle avance c’est parce dès que je serai sorti je pourrai te rembourser très avantageusement du moins je le crois.
Georges Renaud, 1 heure Le 28 Novembre 1918
Je crains bien en effet que tout ce qui est parti à destination de ma Cie après le 22 Octobre ne soit perdu car jusqu’ici rien ne m’est parvenu. J’ai donc depuis quelques jours déjà recris au chef lui demandant de m’envoyer au moins mon rasoir j’y tiens énormement et tu sais toi la raison pourquoi. Je ne pourrai certainement plus m’en servir ayant des trous et des bosses tout à travers la gorge mais ce serait pour moi un precieux souvenir.
Georges Renaud, 3 heures Le 30 Novembre 1918
Croirais tu mon amour que je ne me sois pas rendu compte de l’importance de cette maudite grippe si depuis longtemps je savais qu’elle faisait de grands ravages malgré toutes les précautions que pouvaient prendre ceux qui en étaient atteint j’ai eu tant depreuves sous les yeux un peu partout où je suis passé que je suis bien fixé. Ne voulant pas trop t’effrayer j’ai pensé qu’il serait bon de te laisser supposer que je n’y attachais pas trop d’importance mais tu ne peux savoir ce que j’ai été inquiet à ton sujet (je devrais dire à votre sujet) et combien j’ai eu peur jusqu’à ce qu’enfin tu m’assure que vous étiez hors de danger.
[…] Voila la masseuse qui arrive dans la chambre mon tour n’est donc pas loin et je voudrais bien que la seance soit terminée car c’est quelques minutes de grandes souffrances.
Georges Renaud, 9 heures Le 4 Décembre 1918
Je souffre aujourd’hui beaucoup car mon pansement ayant été fait à fond je ne suis pas encore habitué. Puis je ne sais si l’os se soudait dans de mauvaises conditions mais le Dr l’a cassé à nouveau si bien que je ne suis pas plus avancé que le premier jour. Je t’assure que c’est très douloureux et qu’il faut avoir du courage pour ne pas crier.
Georges Renaud, 5-12-1918
Je te remercie de m’avoir fais parvenir l’article du Progrès au sujet de la citation du Regt. Pour mes camarades j’en suis heureux et très fier quand à moi je reste absolument indifférent puisque je ne participerai à rien de ce qui leur est réservé. Puis je ne te cacherai pas que je m’attendais à avoir une très belle citation personne n’en a rien fait aussi j’en suis navré mais je n’aurai pas a dire merci. C’est tout ce que je vois à te dire pour ce matin à part mon bras je suis en parfaite santé et j’espère que tous vous serez de même.
Georges Renaud, 9 heures Le 7 Décembre 1918
Le Docteur qui avait commencé de me soigner au début était absent depuis un certain temps pour cause de maladie il ne pût donc pas suivre la guérison de ma blessure aussi qu’elle ne fût pas sa stupéfaction de me retrouver toujours au lit il ne m’a même pas caché qu’il ne comprenait pas.
Georges Renaud, 9 heures Le 10 Décembre 1918
Après m’avoir examiner fort longtemps il fut décidé que j’irais à la salle de radio. A deux heures mon bras était détaché et on me hissait sur le chariot. Pendant une heure mon pauvre bras n’etant plus soutenu me fit terriblement souffrir et c’est très fatigué que je rentrais dans mon lit.
Aujourd’hui je ne souffre presque pas aussi j’en suis très heureux je compte connaître cet après midi le resultat dès que je serai fixé je t’en ferai part mais j’espère que tout va pour le mieux c’est long voila tout.
Comme elle me l’avait promi Marcelle est venu me voir dimanche mais tres tard il était près de quatre heures lorsqu’elle est arrivée j’en étais malgré tout très heureux. Nous avons parlé de toi la majeure partie du temps et surtout au sujet de ton voyage. Si tu pars samedi matin elle t’attendra en gare vers sept heures du soir. Il est egalement convenu que tu coucheras avec elle je crois même qu’elle se prepare à te faire profiter de ton séjour à Paris. J’espère que comme je te l’avais recommandé tu te seras entendu avec elle.
Je vais aujourd’hui demander un certificat te permettant de voyager à tarif réduit et te le faire parvenir demain.
Tout mon après midi d’hier fut employé a écrire aussi j’étais très fatigué le soir. D’abord une petite lettre à ma mère à qui je le promettais depuis longtemps pauvre femme elle sera bien heureuse d’avoir de mes nouvelles directement. Ensuite à ton frère de qui j’ai recu une lettre il y a plusieurs jours et je n’avais pas encore fait réponse. Le camarade qui devait faire venir les caoutchoux m’a adressé un mandat de 18 Fr je lui ai accussé reception. Enfin pour terminer j’ai touché un mandat de 13 Fr de mon régiment reglement de ma solde jusqu’au 26 Octobre. C’était donc encore une lettre à faire à l’Officier. Il me reste encore à écrire au Depot de Dijon pour qu’il puisse me solder mais je ne suis pas encore très fixé à ce sujet et avant d’agir je dois réfléchir nous en parlerons du reste quand tu seras ici.
Georges Renaud, 9 heures Le 11 Décembre 1918
Avant ton depart tu m’as si bien recommandé de ne pas manquer de t’écrire. Je n’ai malgré tout grand-chose à te dire.
Georges Renaud, 1 heure Le 23 Décembre 1918
Hier soir aussitôt ton depart le Docteur à fait mon pansement car tu sais combien je souffrais. Rien de surprenant le bras était en sang. Sur le moment je me sentais beaucoup mieux mais cela ne devait pas durer longtemps tant j’étais fatigué. A neuf heures je souffrais au moins autant que dans l’après midi il en fut ainsi jusqu’à ce matin onze heures car par crainte de deplacer l’os comme les plaies vont bien le docteur ne voulait pas faire mon pansement. Fatigué de souffrir je le fis dimanche et ai tant insisté que je fus soigné. Mon bras a beaucoup saigné mais je me sens beaucoup mieux pour le moment malgré que ce ne soit pas comme dans les debuts.
Et toi ma chérie auras tu fais bon voyage je l’espère je voudrais déjà le savoir ainsi que comment mon gros Dédé et maman auront fété ton retour.
Comme je te l’avais annoncé je suis venu hier soir avec Msieur Normand chez la memere et Dédé était heureux de me voir arriver il paraît qu’il avait trouver la journée longue il me reclamait mais ce matin il etait eveillé [de] bon heure il avait hate de savoir ce que le petit Jesus lui avait apporté enfin il était très heureux de toute les gourmandises qu’il avait et il faut que je te dise comment il a trouve mon manteau. Il ma dit il est bien ton manteau ho madame elle se fait fiere on voit qu’elle a de la bourse ecoute il na jamais fini ses reflexions il ya de quoi rire de l’entendre enfin je crois que cette fois il seront camarade eux d’eux Marcelle il ne dit plus qu’elle est bete. Je viens de lui faire un mot je n’avais pas encore eu le temps de lui ecrire.
Louise Renaud, Labergement le 25 Décembre 1918
Tu sais combien je souffrais le soir que tu es partie et que j’avais été obligé de demander au docteur de me faire un pansement provisoire. Ceci fait je me trouvais un peu soulagé et pensais pouvoir dormir convenablement mais non le mal était trop fort. Toute la journée de lundi se passait dans les mêmes conditions mais le mal devenait insupportable sur le soir impossible à moi de dormir de toute la nuit. Le mardi matin tant bien que mal je resistai jusqu’à onze heures ma temperature était montée à 39° n’y tenant plus à nouveau je fis demander le docteur. Il était je crois grand temps car si tu avais vû mon pauvre bras ma chérie il était presque en complet état de putréfaction en le voyant ma première impression tant je le trouvais affreux fut qu’on devait pour me sauver me couper le bras immédiatement ce n’était heureusement qu’une illusion puisqu’il en est rien.
Georges Renaud, 3 heures Le 26 Décembre 1918
Aujourd’hui malgré que tout le bras ne forme plus qu’une seule blessure je ne sens beaucoup mieux je souffre peu et n’ai plus de fièvre l’appetit semble même revenir. J’espère que cela continuera. Mais le docteur toujours inquiet et ne sachant trop que penser fit demander le Directeur à mon sujet. Il est passé ce matin et lui au contraire est très rassuré.
Le Directeur m’a donné sa parole qu’il repondait de mon bras mais à une condition que je ne perde pas courage c’est je crois beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Enfin si je ne souffre pas trop je tacherai.
C’est pour la cinquième fois que je me vois obligé de me servir de ce principe pour t’exprimer mes vœux et souhaits à l’occasion de la nouvelle. Un instant j’avais cependant espéré que pour cette année il en serait tout autrement. Tu sais malheureusement à quel point je me suis trompé. Neanmoins ce sera la dernière fois et dans le courant de l’année nous jouirons de tout le bonheur dont nous sommes en retard.
Georges Renaud, 1 heure Le 30 Décembre 1918
Donc ma chérie à l’occasion de la nouvelle année je fais pour toi et mon cher enfant les vœux les plus chers. Que vous soyez en parfaite santé car vous avez payé largement cette année. Que ton petit mari te soit rendu bientôt pas trop abimé et qu’enfin une fois et cela pour toujours nous soyons reunis pour profiter d’un vrai bonheur dont tu es si digne chère petite femme.
La journée semble vouloir se passer bien tristement pour moi de toute la guerre je ne me suis point trouvé aussi seul c’est donc presque mausade que je t’écris.
Georges Renaud, 2 heures Le 1er Janvier 1919
Ces années dernières au premier de l’an même quand nous étions aux tranchées et que le boche maudit nous envoyait quelques colis je recevais les souhaits de tous les camarades et cela me faisait plaisir. Si au contraire nous etions au repos en plus des souhaits nous tâchions toujours d’arroser cette journée de quelques bonnes bouteilles de facon à mieux nous en souvenir. Ainsi je me rappelle surtout de l’année dernière mais je m’abstiendrai de t’en remémorer le souvenir car peut être me disputerais tu encore.
Ici rien de tout cela ni souhaits d’aucune facon ni la moindre marque d’amitié ce qui produit un drole d’effet. A part mes deux camarades personne autre et encore on sentait que c’était obligatoire mais que rien ne sortait du coeur. Ce sont là de petites détails qui cependant touchent enormement quelqu’un qui souffre !
J’ai eu cependant ce matin un instant d’agréable joie en recevant tes souhaits mais bien vite eteinte en pensant que sans cette maudite blessure je serais à la maison et alors vraiment heureux.
On vient de me faire mon pansement à l’instant et je crois pouvoir te dire sans crainte de me tromper qu’il y a certainement du mieux mais bien peu hélas car mon bras dès qu’il est détaché navigue de tous les côtés. Malgré tout quand le docteur fait pression dessus pour constater si oui ou non il se soude je sens fort bien que le bras offre une légère resistance ce qui me fait bien plaisir.
Georges Renaud, 9 heures Le 4 Janvier 1919
C’est très long c’est vrai mais voyant cela j’ai plus de confiance plus de courage et je patienterai très volontier même si je dois attendre encore un mois.
Hier encore je suis passé à la radio je n’ai pas à l’heure qu’il est vù le diagnostic mais le docteur était près de moi il y a quelques instants je lui ai donc demandé ce qu’il en était. Il me repond alors être très content car il avait la certitude que l’os repoussait mais que c’était très long. Je voulais alors connaitre la cause de cette lenteur exposant comme raison que tous mes camarades (sauf un qui est dans mon genre) avaient gueri beaucoup plus vite. Naturellement la reponse est courte et simple (je ne sais pas) Je m’y attendais bien un peu ce n’est pas la première fois que je l’entend néanmoins je fus presque vexé et posant d’autres questions dont les reponses furent au moins aussi négatives. Parlant alors de la fameuse balle j’ai dù très probablement eveiller quelques soupcons chez le docteur il veut maintenant la voir à tous prix. Il faudrait donc que tu me la renvoie et si cela ne te dérange pas trop le plus tot possible.
Georges Renaud, 2 heures Le 6 Janvier 1919
Maintenant chez nous la maison est bien animée la langue de ton Dédé n’arrete pas souvent. Hier soir le voila qui ma dit ma mémère doit s’ennuyer elle doit dire je voudrais bien que mon Dédé soit vers moi vois tu il se croit un personnage important que l’on trouve le temps long sans lui et je lui ai raconté que son oncle Henri allait bientôt revenir mais il ma dit je serai bien content de le voir mais sa n’est pas tout sa que je voudrais c’est que je vois mon papa enfin il serait tres heureux de pouvoir te voir et le voila maintenant qui me reproche que je ne l’ai pas emmené a Paris.
Louise Renaud, Longchamp le 6 Janvier 1919
Si hier j’ai recu trois lettres il n’en est pas de même aujourd’hui mais je ne m’inquiete pas car je me suis laisse dire que le service postal fonctionnait d’une facon deplorable.
Georges Renaud, 2 heures Le 9 Janvier 1919
Certainement la soudure se fait j’en ai la preuve par la dernière plaque de radio mais il y en a si peu que ce n’est presque pas la peine d’en parler seulement des l’instant qu’il y a un commencement je voudrais pouvoir espérer que tout marchera très vite.
Tu me demande ce que je pense du règlement tout simplement que c’est ignoble de la part de nos chers Maitres et que ceux qui se laissent faire ainsi sont des endouilles. Ils veulent faire sentir que l’ouvrier doit reprendre sa place mais souviens toi que trop tirer la corde casse très probablement le même sort les guette de la part de quelques uns tout au moins. Je voudrais déjà être rentré pour savoir ce qu’il me sera proposé mais je serais presque d’avis que si lors de ma convalescence je trouve chaussure à mon pied de ne rien leur demander car plus que jamais j’ai la certitude que mon bras sera très faible du reste le Docteur ne cherche plus du tout à me prouver le contraire.
Dimanche tu as donc eù la visite de ma mère te ramenant mon gros Dédé très heureux je crois d’être de retour. Tu me dis que ma mère voudrait me savoir guéri. Pauvre maman je comprend fort bien son inquiétude car il y a déjà quatre mois qu’elle ne m’a pas vu et hélas il lui faudra encore attendre. Enfin puisque je vais à peu près bien qu’elle aussi prenne patience et quand je rentrerai ce sera pour toujours.
Tu me dis toujours à son sujet [Dédé] que lui ayant fais part de la rentrée de son oncle il en est tres satisfait mais qu’il preferait me voir. Puis il te reproche de ne pas l’avoir amené à Paris. La raison est bonne mais sache lui faire comprendre que ce n’était pas possible. Toutes ces reflexions me font bien plaisir et cependant me donnent envie de pleurer car moi aussi j’aurais voulu pouvoir lui donner de gros baisers. Puis je puis t’affirmer qu’un instant j’avais crains qu’il se soit detaché de moi et qu’il m’aime moins que par le passé mais toutes ces petites histoires me rassure et me prouve qu’au contraire le cher petit s’interesse bien à moi.
Georges Renaud, 6h30 Soir Le 12 Janvier 1919
Je vois que tu trouves le reglement ignoble tu as vraiment raison car c’est ce moquer un peu trop de l’ouvrier au lieu de parler de faire un reglement tout en rentrant ils serait prèferables qu’ils parlent un peu d’augmentation et tu pretends que trop tirer la corde casse oui souvent cela arrive mais ça il n’en sera pas ainsi car le monde est trop bete il y en a qui se contenteront d’aller travailler pour un morceau de pain et les patrons ne l’ignore pas l’ouvrier se fait son tort. Et tu me dis que tu voudrais etre rentré pour savoir ce qui te sera proposé mais je puis te dire de ne pas t’attendre a quelque chose de bien bon car il n’on égard a personne et comme tu pretends que ton bras sera tres faible que tu pourras trouver ton affaire et si tu peux trouver quelque chose qui te convienne que tu puisses gagner ta vie tu auras tout avantage de le prendre.
Louise Renaud, Longchamp le 12 Janvier 1919
Hier matin qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque le docteur venant faire mon pansement de me voir détaché. Je ne savais trop car mon bras n’est nullement solide. C’était tout simplement pour me le placer dans un appareil qui est helas très lourd et bien encombrant. Plus que jamais je suis gené pour ecrire.
Georges Renaud, 11 heures Le 17 janvier 1919
Je suis donc debout mais sans force hier il me fut impossible de poser les pieds par terre. Aujourd’hui je commence de marcher avec grande difficulté. Allons courage esperons que cette fois je vais du bon côté.
Voici donc ce qui s’est passé à proximativement jeudi matin. J’avais horriblement souffert toute la nuit au moins autant que le jour que tu me quittais. A l’heure du pansement j’en rends compte au docteur loin cependant de m’attendre à ce qui devait m’arriver. Mon bras était encore très malade et toujours rapport à cette maudite colle qu’il ne m’était plus possible de supporter. Alors pour ressouder le tout il fut decidé que je serais decroché le soir même. Je n’en pouvais croire mes oreilles ayant la certitude que mon bras n’était pas solide je me demandais comment je m’en tirerais. C’est alors que vint la question de l’appareil.
Georges Renaud, 7h 30 Paris le 22 janvier 1919
Mais il y avait encore une autre raison et celle là plus importante que tout le reste c’est que sans m’en rendre compte je suis tombé dans un grand etat de faiblesse tant et si bien que je ne devait plus pouvoir garder le lit. C’était un peu forcé puisque j’en etais arrivé à ne plus manger. Pour bien te le prouver cet après midi le docteur s’est vu obligé de me tirer un tube de sang pour le faire analyser. Dés que j’en connaitrai le resultat je te tiendrai au courant.
Donc le jeudi ne me sentant pas fort je n’osais pas me lever mais vers une heure je devais m’y resigner. Il ne me fut pas possible de mettre les pieds par terre alors je me vis installé à mon grand regret installé dans une petite voiture comme un bébé et tout l’après midi on me promenait ainsi. Tu pourras le raconter à mon gros Dédé de la facon à le faire rire du malheur du papa.
Oh ! Ma chérie tu ne peux savoir ce que j’ai souffert et même ce que je souffre encore. Mes jambes sont sans forces et me font horriblement mal mes dois de pieds ne veulent pas plier quand je marche. Je me demande si cette etat devra durer longtemps mais je t’assure que c’est pénible.
Le major trouvant que mes forces ne reviennent pas assez vite veut absolument que je sorte et cet après midi pour la première fois je me promenais dans les rues de Paris. J’aurais trop voulu que tu me vois deambuler en boitant des deux jambes et ne sachant comment faire pour marcher. Enfin j’ai trouvé moyen tout de même de me faire taillé les cheveux et raser il parrait même que je suis joli comme tout. Mais il faisait très froid je fus donc obligé de rentrer bien vite.
Quand à mon bras ma chérie toujours la même chose ni mieux ni plus mal mais je voudrais bien savoir si reellement il resoudera. Si je dois être opéré je prefererais que ce soit tout de suite.
Tu commence par me dire que je dois te delaisser car depuis que je me leve je ne t’ecris pas régulièrement et surtout pas très longuement. Je comprends parfaitement bien ta raison aussi je ne chercherai pas à me disculpé et je vais te dire franchement ce qu’il en est. Je me lève le matin vers huit heures quelques fois plus tard surtout par ces journées très froides après quoi je dois attendre le docteur car j’ai toujours pansement chaque matin seulement ce n’est jamais bien fixe souvent j’attends jusqu’à dix heures. Le temps de me laver et ma matinée est depensée.
Georges Renaud, 19h 30 Le 25 janvier 1919
L’après midi le docteur m’oblige à sortir soit disant pour me donner des forces. J’eprouve de grandes difficultés pour m’habiller car il n’y a plus que des Francais debout et tous ne sont pas beaucoup plus valides que moi. Ainsi pour me mettre mon pantalon ils doivent se mettre à deux. Enfin vers une heure je suis prêts et je sors pour me promener jusqu’à deux heures et demi. Je monte jusqu’à l’Etoile et redescents à Maillot pour assister au cinéma. C’est tout ce qu’il m’est possible de faire pour l’instant et encore je suis très fatigué lorsque je rentre car je te le repete tu ne peux savoir combien j’ai de peines pour marcher et je ne trouve pas de mieux.
Le soir après la soupe je vais bien à la salle de jeux mais je n’y suis pas toujours le premier et je dois attendre que les camarades est ecris pour le faire moi meme quand toutes fois je puis prendre la place. Mes deux camarades de chambres ne sont plus là ou presque. Le petit est en perm et l’aviateur ne rentre plus guère.
Le Docteur m’a fait demander hier et je ne te cacherai pas que je suis absolument navré depuis ce moment. Je lui avais dis le matin de me montrer la radio mais il ne veut rien faire. Alors j’ai pû je crois savoir la verité car depuis bientôt quatre mois j’en entends de toutes les couleurs. Ma fracture est tres mauvaise l’os se trouve divise en quatre éclats formant etoile et entre chacun d’eux il y a un projectil. Les esquilles semblent vouloir se souder entre elle ce qui rend mon operation impossible pour le moment au risque de me perdre le bras qui parrait-il je dois m’estimer heureux d’avoir conservé jusqu’à ce jour. On espère continuer de le sauver jusqu’au bout.
Georges Renaud, Le 7 - 2 – 1919
Tu me dis que le patron est de retour à l’usine et que tu espère que vous obtiendrez quelques avantages pour moi je n’attend rien d’eux de cette facon je n’aurai pas besoin de dire merci.
Georges Renaud, Le 9 - 2 – 1919
Tous mes camarades rentrent à tour de rôle j’en suis tres heureux pour eux mais cela me fait gros mal au coeur car je me demande quand j’en arriverai là. Je fini par croire que ce ne sera plus possible. Dis bien des choses de ma part à ceux qui s’interesse à moi.
[…] Les salles sont à peine chauffées aussi constamment je grelotte sans parvenir à m’echauffer. C’est penible d’etre blessé et de souffrir du froid.
Me voici donc installé dans mon nouveau logement mais je crains regretter l’ancien sur quelques points.
Georges Renaud, Hopital Canadien N°25, 12 heures Le 12 - 2 – 1919
Je suis parti comme je te l’avais annoncé mercredi vers dix heures ½ par la voiture ambulance malgré que le voyage ne fut pas long j’ai horriblement souffert car la route était tres mauvaise. J’arrivais vers quatre heures le temps de changer d’effets et j’etais conduit dans ma chambre. Ce qui m’ennui j’ai dû laisser mon pantalon et ma veste rien ne sera perdu seulement tout va se froisser. L’ambulance est tres bien ce sont des barraquements en planches montés il y a peu de temps. Les chambres sont de cinquante deux lits ; chauffées par radiateur mais par ces temps de neige on ne s’en appercois pas et je ne te cacherai pas que je souffre plutot du froid de jour seulement car la nuit je suis tres bien couvert.
La nourriture sans être meilleure est plus appetissante aussi je mange bien mieux depuis deux jours. J’espere donc que je ne serai point malheureux.
Pour mon bras toujours rien de nouveau. Ce matin je suis passé à la radio et je pense que je serai opéré lundi matin le docteur etant bien surpris que les eclats ne sont pas retirés mais je crains qu’il y est d’autres complications car mon bras est plus vilain que jamais.
Je vais écrire au depot de Dijon pour le certificat de presence au Corps.
Tu voudrais savoir combien il me faut de temps pour aller à Paris. C’est un grand plaisir pour moi de satisfaire ta curiosité. Par chemin de fer une petite ½ heure et je descend à la Bastille. Par le tramway vingt minutes et je suis à la porte de Vincennes. Après quoi j’ai tout les moyens de transport possible. Tu vois ma chérie que c’est facile mais assez coûteux d’aller à Paris.
Georges Renaud, Joinville le Pont Le 15 - 2 – 19
J’ai voulu ce matin montrer mon bras au Docteur. La réponse qu’il m’a faite ne change pas beaucoup avec les précédentes. Ne pas m’inquiéter voila tout avec le temps je guérirai. Quelques petites esquilles semblent vouloir sortir seules dans peu de jours. Puis dès que le bras se consolidera je serai probablement opéré. De tout cela je suis fatigué.
Je serais tu peux le croire bien heureux de guérir bien vite et de rentrer près de vous mais je ne puis rien faire pour si ce n’est que de prendre le temps comme il vient et ne pas trop me decourager. Aujourd’hui encore j’ai changé de Docteur ce qui ne m’inquiète pas puisque l’ancien n’a jamais rien fait pour moi. Il avait une bonne renommé c’est tout ce que je sais.
Georges Renaud, Joinville le Pont Le 19 - 2 – 19
Tu me reclame toujours le certificat te permettant de toucher ton rappel. Sais tu qu’il n’y a rien de ma faute. Une première fois j’ai écris au Depot jamais je n’ai recu de nouvelle. Suivant ton conseil je me suis adressé à l’hopital mais que veux tu les Canadiens ne sont pas pressés pour cette question. Tout à l’heure j’etais aller voir au bureau francais mais je n’ai trouvé personne j’espère que dans la soirée je finirai par decouvrir un gradé quelconque.
Comment peux tu croire que je n’ai donné signe de vie à ma Cie si je t’assure il y a quelques jours encore j’ai écris au chef. Mais quand à cette lettre que tu as recue elle vient tout simplement du depot et non du secteur. J’aurais dû les recevoir si j’avais reclamé au depot mais comme je les sais très négligeants je n’en ai rien fait. Ainsi je n’ai toujours pas touché ma solde je t’avourai que je n’en suis nullement inquiet puis je n’ai pas besoin d’argent pour l’instant.
Je t’avais egalement parlé que je changerais de Docteur donc hier je voyais le nouveau pour la premiere fois. Comme tous ses collègues il est surpris que je sois toujours dans le même état et naturellement il me promet de faire beucoup mieux après avoir bien étendu mon bras.
Georges Renaud, Joinville Le 23 - 2 – 19
J’ai enfin ce matin à peu près éclairci le mystère de ma blessure car jusqu’ici je ne m’étais rendu compte de rien mais à force de questionner on finit toujours par savoir. Je sais donc avoir été blessé par balle explosive dans le genre du Gêne seulement j’ai la chance de ne pas avoir l’os trop abime en revanche les muscles et les nerfs y sont beaucoup. Il reste également de nombreux éclats de la balle dans mon bras et je crains qu’ils me nuisent un jour et que j’aie de la peine de me servir de ce pauvre bras malgré tout ce que l’on me dise. Ce matin on ne devait faire mon pansement qu’en sa présence mais malgré l’heure avancée (il est 12H) j’attends toujours. Il y a de grandes chances pour que la visite soit remise à demain. Cependant je suis bien fatigué de porter mon appareil.
J’ai eu le plaisir de reçevoir ce matin ta lettre du 21 et comme je l’avais bien prèvu tu as ete faire une promenade jeudi en compagnie de Victor tu lui donneras également le bonjour de ma part. Je vois qu’il ne m’oublie pas tu me dis que tu as ete te promener sur le bord de la Marne et que tu as ete a Nogent je remarque que tu en garde une bonne impression et je croirais volontiers que ce doit etre superbe et qu’il fairait bon y vivre en ete il y a des chances que ce soit plus agreable que Longchamp car de ce moment c’est vraiment triste la pluie tous les jours et des chemins epouvantables il y a moyen de s’effrayer quand il faut sortir et je vois que tu te plains (sic) a te promener dans ces endroits la qu’a Paris cependant Paris na rien de désagreable et comme tu dis naturellement en y respire mieux a la campagne.
Louise Renaud, Longchamp le 23 Février 1919
Je vois que tu attendais des details sur la mort de la petite Odette et je ne t’en ai rien dit c’etait pour ne pas t’effrayer mais puisque tu veux savoir je suis forcée de te le dire elle est morte du croup
Je joins à ma lettre les quelques lignes de ton fils voila longtemps qu’il me reclame des crayons de couleur pour s’amuser à faire des dessins et comme il n’y en à pas ici et que je ne sors pas je ne peux pas lui donner satisfaction alors quand tu iras à Paris tu pourrais lui en acheter et lui expedier tu penses il en serait heureux mais il na pas bon espoir il me dit (mon papa je peux toujours lui demander quelque chose il ne se pressera pas de me les envoyer) mais enfin j’espère que tu contenteras ton Dédé.
Mon petit papa cheri je voudrais bien que tu m’envoie une boite de crayon de couleur pour dessiner ton petit Dede qui t aime et t embrasseLouise Renaud, Longchamp le 25 Février 1919
Une fois encore il est donc question d’operation et toujours pour le motif qu’invoquaient les Américains c’est-à-dire pour enlever le muscle qui se trouve coince dans fracture. Heureusement même que je n’ai pas été opéré plutôt car ces Mes profiteront de l’occasion pour m’extraire et les éclats ainsi que les esquilles. Ce sera beaucoup plus long que je ne l’avais pensé tout d’abord mais je n’ai rien a redouter car je dois être operé par un grand specialiste.
Georges Renaud, Joinville Le 25 - 2 – 19
Ce sera d’après ce que j’ai compris tout à l’heure pour jeudi matin et justement je devais aller dejeuner chez Blandin. Je vais les prevenir à l’instant de ne pas m’attendre. Ne t’inquiète donc pas je t’écrirai dès qu’il me sera possible de le faire.
Le Maire de Longchamp certifie que Mme Renaud n’a d’autres ressources que son allocation militaire et prie Monsieur le chef de gare de lui délivrer un billet à ¼ de place pour aller voir son mari malade à Joinville-le-Pont.
Lebrun, Longchamp, le 1er Mars 1919
J’ai l’honneur, en réponse à votre lettre du 14 courant, de vous faire connaître que les vêtements désignés par votre lettre seront remis avec les objets composant la succession du sergent RENAUD, à l’exception de la vareuse qui porte un cachet de réception militaire et appartient de ce fait à l’armée.
E. Bochet, Joinville-le-Pont, le 19 Mars 1919
Agréez, Madame, l’assurance de ma considération distinguée.