Georges dans les tranchées

Mille et un jours...

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Tarot - chapitre 7/11

Nous retrouverons dans les pages qui suivent de larges extraits de la volumineuse correspondance de notre arrière-grand-père durant le premier conflit mondial.

Les protagonistes

Léon Renaud dit Georges (1885 † 1919)
Mathilde Valentine Renaud dite Louise (1892 † 1971)
André Louis Renaud dit Dédé ou la grosse cocotte (1913 † 1981)

Citation

Le vol me servira d’une bonne leçon quoique je prenais depuis longtemps mes précautions et si je n’avais pas été malade cela ne serait pas arrivé. J’aurais je crois retrouvé le coupable mais il a déjà deux cas de conseil de guerre cette fois le signalant il y repassait et était certainement fusillé non mon amour pour 20 fr. je ne ferai jamais fusiller un homme je préfère les perdre que d’avoir un remord car je suis certain que cela ne lui portera pas chance. J’ai reçu hier également le mandat carte mais je ne serai payé que le trois c’est-à-dire dimanche mais cela ne me presse pas beaucoup pour le moment étant en ligne je n’ai pas besoin d’argent ce qui me presse le plus c’est de pouvoir rembourser mes camarades qui cependant ne me presse pas mais sais tu ma chérie que l’on ne prévoit pas ce qui peut arriver donc le plutôt débarrasser sera pour moi le meilleur. Il me reste maintenant à te remercier mille de ta gentillesse certes c’est ennuyeux de lâcher de l’argent dans de si tristes conditions et je ne pouvais cependant pas faire différemment je suis trop honnête pour cela.

Georges Renaud, Vendredi 9 heures du matin le 1er septembre 1916

Couché hier soir de très bonne heure il était à peine nuit je pensais bien me reposer je fu je t’assure trompé de belle facon voici comment, étendu sur mon lit en fils de fer je fumais ma cigarette comme j’ai pour habitude de le faire chaque soir espérant ainsi m’endormir très vite mais j’avais compté sans mes animaux. Tout d’abord je suis envahi par les rats mais de telle façon que l’on peut les compter par centaines donc sitôt la bougie éteinte ils commencent par me danser sur le ventre me passer et repasser sur la figure c’est je t’assure bien énervant alors je jure je tempête non rien n’y fait mais le comble c’est que pareille collection de rats est remplie de puces te dire combien moi j’en ai sur le corps est impossible car certainement la quantité doit en être incalculable alors je me gratte d’un côté de l’autre je fais ½ tour à droite à gauche puis les poux arrivent à leur tour et font fatalement triste ménage avec le reste je me trouve alors dans un état d’énervement complet et je souffre tant que je ne puis dormir à onze heure je me lève allume la bougie que faire je vais écrire je viens donc de faire une longue lettre à mon oncle comme je prends le quart à trois heures et que je suis certain ne pas pouvoir dormir voilà pourquoi je t’écris à cette heure sans doute tu vas te demander si je ne suis pas fou non pas le moins du monde mais je te jure que c’est une bien grande souffrance de vivre étant rongé par tant de vermine sans pouvoir rien faire pour se nettoyer. Mais quand donc enfin cette guerre finira pour être enfin débarrassé de cette saleté.

Georges Renaud, Dimanche 1 heure du matin le 3 septembre 1916

Je t’adresse aujourd’hui un colis comme le dernier il sera inutile de me retourner le calecon tout de suite pour les chaussettes je n’en porte pas pour le moment heureusement car je ne possède que celles que j’ai reçu avant hier les sales qui me reste seront renvoyées le plutôt possible.

Georges Renaud, Le 7 septembre 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je constate que mes patrons eux ont au moins de la chance me trouvant en permission avec un en décembre j’ai la surprise de le savoir retourner pour la troisième fois moi je resterai bien ici me faire casser la figure j’en conclu donc qu’il est toujours utile d’être à une cinquantaine de kms à l’arrière pour obtenir certains avantages.
Pour quand à mon Dédé je remarque qu’il étonne et fait la joie de tous combien je serais fier de pouvoir le présenter le faire bavarder en un mot surprendre son monde non je n’aurai pas cette joie je ne jouirai jamais de ce bonheur puisque je suis condamné à vivre seul comme un vieux sanglier solitaire vit au fond de sa tanière voir même peut être obligé d’y mourir et cela sans revoir encore une fois ceux que j’aime.Oh maudite soit la guerre car chaque journée devient pour moi plus longue et plus pénible la nuit y est plus encore puisque la majeure partie du temps de mon repos il ne m’est pas possible de dormir attendu que je suis mangé par la vermine il n’y a que quand je suis dompté par la fatigue que j’arrive à m’endormir quelques heures. Et pourtant malgré tant de souffrances la situation actuelle nous oblige à avoir confiance il faut donc souhaiter que cela finisse le plus promptement possible et que Dieu me permettre d’assister à la fin.
J’ai reçu hier soir mon diplôme de citation je vais essayer d’en faire un colis et te l’adresser.

Georges Renaud, Vendredi 8 heures le 8 septembre 1916

Il est environ huit heures du soir tous les hommes de ma section sont occupés de part et d’autre n’ayant pour le moment aucun service de surveillance je me trouve seul mais absolument seul en tant que personnage car je ne dois pas oublié que si je ne puis m’entretenir avec un être humain je n’en suis pas moins ennuyé par tout un monde d’animaux ; commençant par les plus gros je vois les rats danser une pantomime presque entre mes jambes ils sont je t’assure de superbe taille et certainement moins sauvages que les boches. Bien ensuite les pous quoique beaucoup plus petits sont pour moi beaucoup plus gênants surtout bien plus nombreux car chaque soir je fais au moins une centaine de victimes jamais non jamais je n’en ai tant eû même pas en Champagne où j’avais largement ma part la nuit c’est une souffrance atroce impossible à moi de dormir car le corps me brûle comme si j’avais des milliers de pointes de feu pour quand aux puces elles ont probablement fait très mauvais ménage avec ses sales bestioles de pous depuis quelques jours je n’en sens plus heureusement pour moi mais en revanche mes camarades sont mangés. Ce n’est pas tout il reste encore les moustics l’abri en est tout noir ceux-là alors tu les connais.

Georges Renaud, Vendredi le 8 septembre 1916

Je suis vacciné et obligé de rester couché car j’ai de fièvre je t’écrirai plus longuement demain.

Georges Renaud, Le 11 septembre 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Descendu au repos depuis quelques jours je pensais pouvoir mettre à jour toute ma correspondance dont je suis si en retard puisque je ne pouvais pas écrire en ligne. Donc dimanche matin après avoir pris un peu de repos bien gagné j’avais passé la nuit je me mis en grand nettoyage j’étais si sâle bien m’en pris je n’ai pû faire la moindre chose depuis. Dans l’après-midi du même jour vaccination et naturellement j’étais du nombre si j’avais eu sû je crois que j’aurais préféré passer en Conseil de guerre.
Tu te souviens qu’étant au dépôt j’avais chaque fois souffert mais jamais de la même façon que ce dernier coup quand je pense que je dû rester pendant près de trois jours étendu sur ce pauvre lit de grillage sans pouvoir faire un mouvement une fièvre qui me rongeait la gorge desséchée par la soif et la bouche empoisonnée par l’éther et rien pour me soulager même pas une goutte de lait. Oh chérie combien dans ces moments on pleure sa petite femme. Enfin hier me sentant si faible je voulais aller manger un peu pas même moyen de descendre l’échelle mais un homme fit son possible pour me trouver une bouteille de limonade ce qui n’empêche pas que je n’ai toujours rien mangé j’essayerai de gagner la popote ce soir y prendre un peu de bouillon.
Je ne sais pourquoi après avoir tant souffert en ligne il faut descendre au repos pour souffrir davantage encore tandis que c’est l’instant où nous pourrions nous remonter. Tu penseras sans doute que mes camarades auraient sans doute pû me secourir certainement mais le comble tous étaient malades moins peut-être mais n’en gardaient pas moins le lit et comme ils ont des chambres ils pouvaient mieux se reposer.

Georges Renaud, Mercredi 5 heures le 13 septembre 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Puis comment pourrais je ne pas être satisfait quand tu m'explique avec quelle fierté mon cher petit homme parle de la citation et de la croix de guerre du petit papa pauvre trésor il a raison d’en être fier mais il y serait plus encore si sa petite tête blonde pouvait comprendre au prix de quels dangers ce simple ruban et cette feuille de papier sont accordés que de souffrances ils représentent sache mon amour si un jour je dois vous manquer sache bien le lui faire comprendre. Pour toi j’estime que ce sera un précieux souvenir c’est pourquoi je me suis empressé de te l’envoyer dès quelle fut en ma possession. J’aurais même voulut t’expédier la croix mais je ne l’ai pas encore touchée je ne sais comment cela se fait.
Tu me parlais ensuite de mon linge évidemment c’est bien ennuyeux et surtout très coûteux de te l’envoyer chaque fois j’avais pensé moi aussi le faire laver par ici et certainement j’aurais trouvé mais de quelle façon ce linge est blanchit jamais bouillit trempé une ou deux fois dans l’eau froide un coup brosse en voilà pour six sous les pous te sont rendu […] Tu trouve ma chérie que ce linge est très sale et que je dois le porter très longtemps non ne le crois pas ainsi la chemise avait été portée exactement huit jours et les chaussettes deux journées seulement mais souviens toi plutôt combien je me plaignais de l’eau je les avais même mise dans le paquet tout simplement pour voir ce que tu en penserais.
Crois tu que j’avais tort de te dire que j’avais de l’eau aux genoux tu en auras eu la preuve sous les yeux.

Georges Renaud, Vendredi 2 heures le 15 septembre 1916
Ordre du Régiment n°247
Ordre du Régiment n°247
Collection privée

Je commencerai donc ma chérie par te parler de mon installation qui pour une fois est au-dessus de toute espérance tu vas d’ailleurs pouvoir en juger moi-même je ne puis le croire. En cours de route nous avions l’adjudant et moi décidés de logé ensemble lorsqu’en arrivant en ligne un changement s’étant opéré subitement je me trouvais tout à coup logé à la belle étoile ce n’était pas réjouissant du tout je dû donc sur le champ faire demi-tour et tacher de me caser parmis les hommes ce n’était pas chose facile car soit que les hommes est été trop nombreux soit que les abris étaient trop étroits je n’y parvins pas je trafiquais de côté et d’autre depuis au moins une heure toujours avec mon sac sur le dos exténué suant maugréant tout seul quand soudain passant devant le Cdt de Compagnie il m’interrogea et me tira enfin de mon embarras me disant que lui-même m’avait réservé une place comment pouvait-il se faire que je n’en étais pas prévenu je ne pouvais en croire mes oreilles car il n’a pas pour habitude de tenir pareil langage à mon égard peu m’importais et sans chercher à comprendre me faisant indiquer l’endroit je m’y rendi bien péniblement car les boyaux sont trompeurs. En arrivant je crû à une moquerie mais pas du tout car en effet ma place était réservée. Un abri très solide ancien de Cdt de Compagnie très propre surtout étant garnis de planches partout et en conséquence très sec ce qui est plutôt rare dans cette contrée à l’intérieur six superbes lits sont installés très larges garnis de grillage neuf je vais y dormir comme un roi une grande table avec une belle toile cirée sur laquelle je me trouve bien à mon aise pour t’écrire de grands rayons sont à notre disposition pour déposer tout notre matériel et enfin au milieu de la pièce est accrochée une suspension faite en fil de fer avec abat jour en journal mais le tout fabriqué de fort bon coup. Encore une idée si ingénieuse d’un de nos chers poilus chaque jour en apporte de nouvelles. Crois tu ma chérie que je ne sois pas cette fois logé comme un prince les rats les puces sont bien toujours en nombre incalculable de la partie mais peu importe on y est si habitué. Je sais donc à l’avance que je regretterai ce charmant abri dont hélas je ne profiterai pas longtemps.

Georges Renaud, Samedi 10 heures du soir le 16 septembre 1916

Contrairement à ce que je t’annoncais hier je vais pouvoir te faire une petite lettre l’étape fut moins longue que je ne pensais et par conséquent moins fatigante ce qui ne m’empêche pas d’avoir bien mal aux pieds.
[...] j’espère que cette lettre te fournira suffisamment de renseignements que tu comprenne ce que je fais en ce moment malgré que cette dernière n’est pas très explicite je voudrais pouvoir tant dire davantage mais tu sais que c’est défendu et j’estime que c’est assez juste car malheureusement nos ennemis sont toujours trop bien renseignés.
En arrivant une petite désillusion m’attendais nous avions tu le sais pour habitude de faire popote même quand nous nous déplacons mais aujourd’hui par un effet du hasard il n’y avait pas de local disponible il fallut chercher et chercher mais toujours rien si bien que me trouve à ne rien avoir à manger ce matin car je suis revenu au cantonnement trop tard et évidemment personne ne m’avait rien gardé si seulement je pouvais acheter quelque chose mais non il ne faut pas y songer non plus enfin je mangerai mieux ce soir et j’espère que nous serons un peu mieux installés ce qui ne sera pas luxe.

Georges Renaud, Vendredi 11 heures ½ le 22 septembre 1916

Je ne puis aujourd’hui t’écrire bien longuement comme la dernière fois je prévois que le temps me manquera souvent car je suis déjà prévenu qu’il me faudra marcher comme tout le monde ce qui m’importe peu je préfère profiter de l’instruction au moins si un jour je dois m’en servir je ne serai pas embarrasser. Déjà j’ai changé de plan très peu une centaine de mètres c’est dommage j’étais si bien dans des abris en planches où il n’y avait pas de pous maintenant je suis dans une grange avec de la paille bien fraîche assez bien installé mais je trouve que les nuits sont déjà très froides. À part cela tout va bien je suis en bonne santé et la popote remarche mais nous sommes un peu moins libre. Je vous embrasse tous bien fort et vous souhaite bonne santé.

Georges Renaud, Le 23 septembre 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Malgré aujourd’hui dimanche depuis cinq heures du matin je n’ai pas encore pû trouver un instant de liberté pour te faire une petite lettre et encore me faut-il la faire à la hâte car dans un instant je devrai passer en revue qui sera la quatrième de la journée tu vois que nous n’avons pas le temps de nous amuser demain sera sans doute moins monotone car je suppose que nous partirons à l’exercice de très bonne heure et je préfère attendu que rien ne m’énerve comme ces maudites revues.
Comme je te l’avais annoncé César est venu me rejoindre hier matin et évidemment je me suis de suite rendu près de lui et nous avons causés longuement de qui tu le sais puis une chose nous tenait au cœur à tous les deux ayant bien discutés bien cherchés hélas aucune combinaison ne se présentait. Certes nous aurions été très heureux de vous voir et nous avions je crois le temps de le faire mais comment il n’y a rien pour vous recevoir et c’est très difficultueux pour arriver jusqu’ici j’ai de mes amis qui se sont trop pressés leur famille est la prise en défaut en court de route certainement procès sera dressé des papiers saisis et demain matin à sept heures ces personnes seront rembarquées par les soins de la gendarmerie après avoir été obligés de passer une nuit dehors. Crois tu que ce soit agréable parreil voyage pour n’être vers l’aimé qu’une journée.
Il est parti aujourd’hui 9 permissionnaires de la Cie cela avance mon tour mais jamais il n’en partira assez pour me permettre d’y aller 75 exactement à partir avant moi.

Georges Renaud, Dimanche 3 heures le 24 septembre 1916

Nous avons été tranquilles pendant trois jours mais naturellement c’était trop beau et cela ne pouvait durer pendant tout notre séjour ici aussi hier matin il fallait partir à l’exercice à 8 heures pour ne rentrer qu’à dix je pensais donc avoir le temps d’écrire dans l’après-midi pas du tout nous nous mettions à table que des ordres arrivaient. Rassemblement à une heure pour aller sur le terrain car le Général décorait notre drapeau de la croix de guerre une récompense de nos derniers exploits c’est la première fois depuis le début de la campagne.
Le temps était superbe même choisit pour pareille occasion il faisait trop chaud pour nous qui avions à travailler. La cérémonie fut très belle très touchante car le Général nous parla en des termes qui n’étaient que félicitations. Le drapeau décoré il fallut défiler ceci était moins amusant en raison de la chaleur et comme cela se passait en plein champ c’était plutôt difficile à marcher aussi ma chemise était trempée dans mon dos. À cinq heures tout était terminé et à six nous étions rentrés au cantonnement nous avions gagnés quart de vin supplémentaire.
Mais figure toi que moi aussi j’ai touché ma croix de guerre et hier pour la première fois à l’occasion de cette cérémonie je la portais et ma fois je t’avouerai franchement que j’en étais très fier. Un instant me trouvant placé tout à côté du Commandant Dufour il me fit de chaleureuses félicitations s’excusant même de ne l’avoir pas fait plutôt pour la bonne raison que jusqu’à ce jour il ignorait complètement ma citation. J’aurais voulu t’envoyer ce souvenir puis réflexion faite je te demanderai de la porter jusqu’à ma permission j’espère que tu ne sauras me le refuser.
Aujourd’hui je n’ai pas marché au risque de me faire pincer ma fois tant pis il faut tout de même que je t’écrive et tu pourras remarquer que j’en profite. Ce n’est donc qu’en rentrant hier soir que j’ai eu des nouvelles et encore après avoir fait la distribution car pendant mon absence personne ne s’était occupé des lettres. Ta lettre vint donc en fin de journée compléter ma joie mais pourquoi je te retrouve toujours avec cette crainte par pitié soit plus forte puisque rien n’est certain et que personne ne peut dire ce qui se passera seul l’avenir nous l’apprendra et puis qu’importe le danger n’est il pas le même partout j’espère qu’à l’avenir je te sentirai plus forte quand tu me sauras moi-même très ferme faisant mépris du plus grand danger pourquoi parce que j’ai confiance en Dieu et que je sais qu’il me protégera partout et toujours.

Georges Renaud, Mardi 8 heures du matin le 26 septembre 1916

J’avais en effet vû Clave mais si peu de temps qu’il ne m’avait pas fait part de son intention de faire venir sa femme je ne savais d’ailleurs pas pour combien de temps nous serions à l’endroit désigné par lui ma première lettre ici te fourniras des renseignements. Je n’ai pas revu le César je ne sais donc pas ce qu’il fera mais de mon côté après avoir bien cherché je n’ai rien trouvé de potable je suis donc bien embarrassé je serais très heureux de te voir et n’ayant rien pour te recevoir je ne puis te conseiller de t’embarquer je crains même que ce soit déjà fait. Que la vie est donc pénible et combien il faut souffrir.

Georges Renaud, Mercredi 8 heures le 27 septembre 16

Tu sais que je t’avais parlé que coûte que coûte je n’allais pas à l’exercice je devais me faire finalement prendre. Donc avant hier je reste couché comme à l’ordinaire jusqu’à huit heures je travail après mon fourbi qui n’était pas très propre lorsque vers neuf heures le Commandant de compagnie me fit demander. De suite je me suis douté de quoi il s’agissait et sans m’émouvoir je me rendis près de lui je ne m’étais pas trompé il s’agissait bien de l’exercice naturellement il commence par m’engueuler et me demande pourquoi je n’avais pas marché le matin. Je répond que d’après ce que lui-même m’avait dit je comprenais qu’il pouvait se passer de moi et c’est vrai mais dans l’état d’esprit ou nous vivons l’un et l’autre fatalement j’avais tort de n’importe qu’elle facon. Après discussion j’étais prié de me retirer ce que je fis sans me le faire répéter et toujours sans me faire de mauvais sang là j’avais tort car j’ignorais ce qui m’attendait. Environ une ½ heure après cette discussion je recevais une note me convoquant pour midi en tenue de campagne sac au dos je devais faire faire l’exercice tout l’après-midi à trois hommes et distribuer mes lettres à cinq heures. La première journée tout alla bien mais hier était jour de repos pour les régiments et moi je devais sous une pluie batante continué mon service jusqu’au soir. Tu peux croire que j’étais furieux et si j’avais osé je ne sais ce que j’aurais fais mais ayant fait la boulette je devais avaler la pilule n’empêche que bientôt quand il faudra se montrer je saurai parfaitement prendre ma revanche et je suis persuadé quelle sera bonne peut-être outragente pour celui qui m’a puni si stupidement.

Georges Renaud, Samedi 3 heures le 30 septembre 16

Taro

Depuis dimanche dernier que je t’ai signalé le nombre d’hommes à partir avant moi croirais tu que cinq seulement sont parti donc si cela continue ainsi jusqu’à mon tour il te sera facile de faire le compte maintenant Il est très probable qu’elles soient arrêtées avant autre chose j’ai entendu dire ce matin même que le pourcentage devait augmenter dans une grande proportion dans ce cas j’aurais peut-être de la chance de partir avant les coup de chien mais si tu savais que j’ai peu d’espoir et que je n’ai même pas confiance dans ce dernier bobard et pourtant je serais si content d’aller vous embrasser une fois encore deux tournées si dures coup sur coup seront si pénibles. Le journal relatait également ces jours derniers qu’en date du 1er 8bre les poilus du front auraient droit à une permission de sept jours tous les quatre mois ceci serait merveilleux mais je n’en vois toujours pas la possibilité attendu qu’ayant droit auparavant à six jours tous les trois mois nous n’arrivions à partir que tous les sept mois. Enfin à la volonté de Dieu.
[…] Puis je suis plus triste encore qu’à l’ordinaire car la femme d’un de mes amis vient d’arriver arrêtée en cours de route depuis hier soir il reste maintenant à savoir comment ils vont couchés je pense donc que moi aussi j’aurais pû éprouver ce bonheur mais le voyage est si pénible si difficultueux que je n’ai pas osé te faire embarquer et puis le séjour ici serais si coûteux. Enfin c’est trop tard pour cette fois.

Georges Renaud, Dimanche 2 heures le 1er octobre 1916

Aujourd’hui il fait un temps superbe et justement c’est jour de repos une grande quantité de mes amis ont obtenu une permission de la journée pour aller dans la ville la plus proche comme tous sont garcon tu penses quelle bombe ils vont faire et je les approuve car il est fort certain c’est la dernière que quelques-uns feront car je prévois qu’il en tombera beaucoup d’entre nous. Moi n’ayant pas à aller avec eux j’avais demandé une permission pour tacher de rejoindre Henri mais ce me fut refusé sous prétexte qu’on accordait pas de permission pour cette localité je crois plutôt que le Commandant de compagnie l’a fait exprès nous sommes d’ailleurs deux dans le même cas et tous les deux nous ne sommes pas aimés de lui donc plus que jamais je me réserve une bonne revanche qui d’ici peu sera facile à trouver je t’assure qu’il faudra qu’il marche son chemin droit autrement je saurai le remettre à l’évidence mais quand même avoue que c’est pour moi bien pénible être à quinze kilomètres de Henri et ne pas pouvoir l’embrasser.
J’avais donc raison de te dire que Clave n’avais pas indiqué à sa famille l’endroit où nous irions pour la bonne raison c’est que lui pas plus que les autres n’en était certain oui comme toujours quand nous avons changés de secteur toute sorte de bruits ont courus ainsi pour le moment on parle de l’endroit que tu préfèrais. Pour mon compte personnel je m’en moque peu m’importe l’endroit car je suis persuadé que si je dois rentrer je traverserai les plus grands dangers de même que si je dois mourir dès l’instant que mon heure sera sonnée il faudra succombé serais-je au repos cela arrivera si c’est écris mais non c’est la le moindre de mes soucis.
Si j’aurais été très heureux de te serrer dans mes bras je te le répète c’était si difficultueux pour arriver jusqu’à moi que je n’ai pas crû devoir te faire embarquer puis je te sais si violente que je redoutais pour celui qui tous près de moi aurait voulu te barer le passage oui il faudra désormais attendre ma permission mais combien je devrais souffrir encore avant.

Georges Renaud, Mercredi 9 heures le 4 octobre 1916

Je ne t’ai pas demandé de papier à lettre pensant pouvoir en acheter ici mais j’ai attendu au dernier moment si bien que je n’en ai plus du tout je viens même d’être obligé de voler cette carte à un de mes amis si seulement une femme passait cet après-midi je pourrais me fournir.
Hier matin étant à l’exercice et courant comme un fou car je me trouvais en retard donc pas à ma place je fis une chute terrible vite je me relève sans m’apercevoir de rien mais à la pose quelques instants plutard je n’avais plus de lorgnon ce qui me gêne énormément. Je vous embrasse bien fort.

Georges Renaud, Samedi 1 heure le 7 octobre 1916

Je suis toujours sans papier à lettre impossible de voir passer une marchande il me faut donc avoir recours à une carte ce qui ne te plaît pas beaucoup j’espère pourtant que tu ne m’en voudras pas à ce sujet. Je suis allé ce matin voir le major pour toucher des lorgnons mais je ne sais pas trop quand ils seront venu j’ai donc le temps de souffrir il faudra même peut-être que tu me fasses parvenir les miens car attendre sera bien long. Je ne suis plus bien riche non plus car notre séjour fut plus long que je ne le pensais. Bons baisers à toute la famille.

Georges Renaud, Le 9 octobre 1916 27e d’Inft, 11ème compagnie, Secteur 53

Je viens un instant de lire ta lettre du 6 courant quoique très courte elle me fit bien plaisir attendu que vous êtes tous en bonne santé puis tu me fais part de l’intention de Mr le Curé j’en suis très flatté et je m’en sens plus fier encore qu’auparavant aussi je te demanderai de bien le remercier pour moi malgré que je crois que cette citation soit déjà de trop longtemps pour parraître au journal enfin si je me trouve assez décidé un beau matin j’adresserai tout de même une carte à ce bon Prêtre qui certainement sera très heureux.

Georges Renaud, Lundi 2h½ le 9 octobre 1916

Je viens à l’un instant de recevoir ta lettre de dimanche elle me fit bien plaisir puisque tu me donne de bonnes nouvelles de toute la famille mais je trouve bien mécontente de ce que je ne t’écris pas régulièrement et cependant ce n’est pas de ma faute tu sais que quand je ne suis pas à l’exercice c’est tout simplement parce que je me suis caché ce qui n’est toujours facile puisque par la pluie comme par beau temps il faut marcher il est possible que mes camarades écrivent plus que moi leur bataillon est loin de peiner comme le nôtre surtout celui de J Mercier.
Tu me dis sur ta lettre que sans doute tu iras à Auxonne dimanche faire tes achats pour la saison d’hiver certes je me rend bien compte à peu près de ce que peut-être le prix de la marchandise aussi je vois d’ici quelle tête il te faudra faire pour ouvrir ton porte-monnaie pauvre chérie je suis bien méchants à ton égard puisque je veux te plaisanter.
Pour nous notre collection est déjà faite nous avons hier touché chandail je le crois assez bon mais moins que celui de l’année dernière enfin si je dois te demander l’autre je t’en reparlerai. Aujourd’hui deux chemises neuves deux calecons également neuf il y avait aussi cache-nez gants chaussettes mais c’était si peu de chose que je n’en ai pas pris. Puis je m’épouvante à l’avance car mon sac est absolument au complet et sans doute les kilomètres seront longs heureusement encore que nous n’avons pas touché la couverture et la peau de mouton cette fois alors je ne sais si j’aurais pû porter ce maudit sac qui me paraissait si léger au début et qui est maintenant si lourd quand donc enfin finira cette maudite guerre je me le demande.
Je t’avais parlé du mauvais ménage que devait être celui de mon camarade ainsi ce matin son mari partait à l’exercice comme nous à sept heures et un instant après un autre le remplacait justement le sergent de jour ayant vû n’hésita pas à lui confier son inquiétude que se passera-t-il je me le demande en tous cas je t’en reparlerai prochainement. Cette personne m’avait promis de te faire une visite je n’y tiens absolument pas car je l’estime trop peu ayant moi-même remarqué ce que c’était. J’oubliais de te parler de mes lorgnons hier en ayant demandé des nouvelles on me fit la réponse suivante dans trois mois peut-être vous aurez satisfaction je crois donc que j’aurai meilleur compte que tu m’envoie les miens.

Georges Renaud, Mercredi 3 heures le 11 octobre 16

Un petit changement vient de s’opérer subitement dans ma vie normale dont je suis très enchanté autant qu’étonné car je suis si peu habitué à avoir quelque chose qui me fasse plaisir qu’à l’heure actuelle j’ai encore peine à le croire. Hier en soupant nous prenions comme chaque soir du reste connaissance du service pour le lendemain j’appris donc que le vaguemestre n’irait plus à l’exercice le matin et devait remplir les fonctions de sergent de jour jusqu’à midi pense qu’elle fut ma joie de suite j’ai compris que je pourrais de cette façon écrire régulièrement à ma petite femme chérie ce dont certainement tu ne seras pas fâchée car depuis un certain temps tu avais bien peu de nouvelles et toujours fait à la hâte parfois même je ne savais pas ce que j’écrivais. Je vais donc ce matin faire une longue lettre pour te dédommager du retard que tu as pû avoir malgré que ceci me soit bien pénible car tu sais combien je souffre quand je n’ai pas de verre.
Tu me dis avoir lu ma citation au Bien Public j’aurais été très heureux que tu me decoupe l’article et que tu le mette dans une lettre de cette façon j’aurais pû remercier l’auteur mais maintenant il est bien probable qu’il est trop tard j’attendrai cependant ta réponse avant d’agir. Si tu as montré ma citation à Mr le Curé il aurait dû comprendre que je n’avais qu’une étoile car pour avoir droit à la palme il faut être cité à l’armée ce qui n’est pas du tout la même chose car pour la gagner il faut un haut fait d’arme dont je ne me crois pas capable enfin Mr le Curé ne sait peut-être pas.
Tu sais ce que je t’avais dit au sujet de la femme de mon ami fatalement une petite comédie c’est jouée pas très amusante pour nous. Ayant voulu se rendre compte par lui même il était hier resté au cantonnement mais pas débrouillard qu’il est il ne trouvera rien de mieux que de se jeter dans les pattes de l’entremetteur de la rien de fait l’amant de la belle était prévenu. Enfin dans l’après-midi usant de notre témoignage lui braquant une arme sous le nez il lui fit tout avouer jamais je n’ai vu une femme avoir tant d’audace c’est à croire qu’elle a joué un drame toute la vie dans un théâtre l’aveux fait naturellement elle tombe en syncope mais d’une façon merveilleuse tous nous supposions la réalité quand ce n’était que simultané l’outragé profitant de ce moment de surprise fit venir l’amoureux en question. Oh celui-là alors était pis encore poltron comme pas un tremblant de tous ses membres ne fit que charger la femme l’accusant l’insultant et enfin finit par dire qu’elle avait tout fait pour leur entrevue et que lui avait agit comme un innocent aussi qu’il se mettait bien dans la situation du mari et qu’à sa place il ferait de même. À ce moment j’eu le geste de le broyer heureusement mes amis m’en empêchèrent car il est impossible d’être si lâche à vingt ans. Voilà ma chérie la vie d’une femme mariée depuis trois mois et venant voir celui qui lui a donné un nom car elle n’en avait pas que celui de Irène.

Georges Renaud, Vendredi 8 heures le 13 octobre 1916
Le Bien Public 09 octobre 1916
Le Bien Public 09 octobre 1916 « Source gallica.bnf.fr / BnF »

J’ai reçu en même temps que ta lettre le petit colis de papier avec la boîte contenant mes lorgnons ce fut une bien grande joie pour moi et bien vite ils furent ajustés quel soulagement tout de même il me semble vivre dans un autre monde. En effet je n’ai pas retrouvé l’autre paire malgré de vaines recherches que veux dans de telles friches il n’y avait pas grand espoir attendu que l’herbe me montait jusqu’à mi corps. Je te remercie donc de ta charmante idée car tu as pris le devant de mes désirs comme tu pourras en juger par ma correspondance je reconnais bien là ma Louisette chérie faisant tout son possible pour éviter le moindre ennui à son petit mari.
Sur ma lettre hier je te faisais part de mon désir de voir l’article du journal au sujet de ma citation une fois encore tu as deviné que cela me ferait plaisir puisque j’ai trouvé le coupon de journal dans ta lettre et coïncidence bizarre moi qui ne regarde jamais les journaux de la région hier jetant un coup d’œil sur le Progrès j’eu la surprise de lire cette citation mais je remarque que l’auteur m’assome un peu car je n’étais nullement titulaire de la croix de guerre attendu que c’est la première fois que je suis cité pour moi cela a bien peu d’importance mais il n’en est pas de même pour ceux qui me connaissent et qui auront vu le journal.
Hier soir nous avions parmis nous quelques invités à souper tout alla bien pendant le repas mais après le café une grande tristesse s’empara de moi j’avais commencé de pleurer pourtant la société était très gaie à neuf heures je dû aller me coucher mais impossible de dormir seulement sur le matin je m’assoupi et je n’ai fait que rêver à l’argent sans doute parce que je suis absolument fauché je ne toucherai le prêt que d’ici quelques jours.

Georges Renaud, Samedi 9 heures le 14 octobre 1916

Je n’ai pas écris hier et pourquoi je ne le sais trop car en somme rien ne pouvait m’en empêcher il n’y avait aucun exercice puisque nous avions repos complet mais j’étais très triste c’est que presque tous mes camarades étaient parti dans un village voisin pour si amuser ceci n’étant plus de mon âge je ne pouvais les suivre. Alors comme nous restions trois et justement des joueurs de taro nous avons fais une partie mais une bonne jusqu’à la soupe du soir nous ne pouvions guère faire que cela car la pluie tombait à flots enfin la partie terminée je gagnais environ quatre francs je n’avais donc pas perdu mon temps je ne devais hélas rien empocher attendu que c’était pour jouer sur parole car tous mes amis sont pour l’instant aussi pauvres que moi toutes fois je rentrerai dans mes fonds par la suite.
J’ai donc reçu hier ton aimable lettre ainsi que ton mandat le tout fut le bienvenu surtout le mandat car j’avais été obligé d’emprunter de l’argent il suffit donc juste à payer ce que je devais déjà bien heureux et ce soir j’ai touché mon prêt qui me permettra de passer quelques temps encore. Je te remercie donc mon amour de mettre venue en aide.
Je viens de voir Dufour il y a quelques instants il m’a laissé à comprendre que nous serions là encore plusieurs jours je ne sais plus quoi penser moi qui pensais partir bientôt même si ce que je t’avais dis c’était réalisé nous devrions être partis mais loin de m’en plaindre j’en suis fort heureux car c’est toujours autant de pris quel dommage que le repos coûte trop cher.

Georges Renaud, Lundi 1 heure le 16 octobre 1916

Ma journée fut assez bien employée on nous a changé les effets de drap et j’ai dû remplacer un camarade malade et quand il faut habiller une demie section des pieds à la tête ce n’est pas petite affaire j’en avais mal à la tête tant tous ces gaillards m’avaient énervé toute la journée. Naturellement je me suis fait habiller aussi mais je n’ai pas eû beaucoup de chance car tous les effets me sont trop grands et je devrai pour pouvoir les mettre les faire retailler ce qui me coûtera encore de l’argent. C’est malheureux tout de même qu’il faut payer pour s’habiller.
Hier César est revenu me voir et ayant reçu un colis il m’emmena faire quatre heure avec lui alors à titre de revanche je l’ai fait souper avec moi puis nous avons joués une partie de taro jusqu’à neuf et ensuite aller couché dans la paille je dois t’avouer qu’il commence de ne pas faire chaud il y a de quoi s’épouvanter pour cette année encore mais quand donc tout cela finira.

Georges Renaud, Mercredi 8 heures le 18 octobre 1916

[…] Voilà dans quel état d’esprit il faut vivre tandis qu’hélas nous devrions être si heureux en travaillant c’est certain mais avec quel courage car voyant grandir notre Cher fils si gentil si intelligent aurait-il put en être autrement et quoi maintenant même si j’ai le bonheur de rentrer pourrai-je comme jadis travailler avec autant d’ardeur non je ne le crois pas car je suis sans force vieilli de plus de dix ans et rempli de rhumatismes qui me font horriblement souffrir. C’est effrayant qu’une guerre doive arriver à de tels résultat qu’elle soit maudite à jamais car jamais je ne serai plus capable à grand-chose malgré tous les bons soins que pourra me prodiguer ma petite femme.
je ne pense pas malgré tout avoir la chance d’aller en permission et il me semble que ce serait bien mon tour car tu ne sais combien je suis furieux quand je vois des hommes qui n’ont que très peu de tranchées et qui sont rentrés qu’elle mauvaise organisation il y a évidemment ce n’est pas facile de faire plaisir à tous à la fois mais je crois qu’il serait possible de donner satisfaction aux plus vieux poilus car hélas ils ne sont pas malheureusement si nombreux.

Georges Renaud, Jeudi 8 heures le 19 octobre 1916

Vous êtes partis me dis tu par le premier train en gare de Collonges mais ce que tu ne me dis pas c’est si vous avez fait le voyage à pieds dans ce cas je comprend que Dédé devait trouver pénible de se lever de si bonne heure mais ce que je ne m’explique pas c’est si ce cher petit homme à marcher tout le temps.
Le retour fut moins agréable vous avez tout d’abord descendu à Genlis pensant pouvoir vous faire emmener en voiture mais si vous n’avez pas prévenu Normand cela ne m’étonne pas de lui surtout si le monde affluait pour prendre place dans sa voiture.
Hier à 10 heures on venait me prévenir que quelqu’un me demandait je sors c’était le César en effet qui m’attendait avec un litre de vin blanc et un paté que sa femme lui avait envoyé je me suis bien régalé car le tout n’avais rien d’ignoble. L’après-midi fut affreux la pluie tombait à flot donc pas moyen de sortir dehors alors comme César était revenu nous avons conclus de faire une partie de cartes je ne m’en repent pas ma fois car j’ai gagné quatre francs et avant hier cinq cela ne m’a pas fait de mal ma fois.
Aujourd’hui le temps est superbe mais il fait très froid ainsi ce matin j’ai été obligé de mettre mon chandail tant je grelottais j’ai déjà ma veste arrangée reste mon pantalon je voudrais bien qu’il soit fait car celui de coutil que je porte commence de ne plus me garantir.

Georges Renaud, Vendredi 9 heures le 20 octobre 1916

Nous avons été obligés de chasser la femme de mon ami tant elle est peu de chose elle aurait fini par faire fermer notre popote. Je la compare à une chienne un après-midi j’ai compté neuf hommes lui faire la cour. C’était à notre grand regret pour notre pauvre ami car c’est un charmant garçon mais nous étions pour notre sécurité obligés d’agir ainsi comme je lui disais hier encore il a eût de la chance de tomber avec des amis aussi sincères car autrement je me demande ce qui se serait passé. Pourquoi donc il y a des êtres aussi immonde sur la terre je suis persuadé que si elle avait été mienne depuis longtemps elle aurait perdu le goût du pain car elle ne mérite rien autre mais ce pauvre garçon est trop bon.

Georges Renaud, Lundi 9 heures le 23 octobre 1916

J’ai reçu avant hier une lettre de Eugène lettre qui me fit bien plaisir car depuis bien longtemps j’étais sans nouvelles de lui. Il est en parfaite santé et ne semble pas se faire trop de mauvais sang mais malgré tout je crois comprendre qu’il trouve le temps bien long. Enfin me recommande d’avoir du courage et de la patience de facon à ce que nous puissions au retour boire de bonnes bouteilles en faisant d’agréables parties de pêche. Oui c’est bien joli à dire mais moins facile à faire des mois des années passent et toujours la même chose si seulement on était certain de se sortir de ce mauvais pas mais c’est bien douteux.

Georges Renaud, Mercredi 10 heures le 25 octobre 1916

D’après ce que tu me dis Clave en effet a de la chance de repartir si tôt mais rien ne m’étonne attendu que chez nous cela se passe absolument de la même façon pour les officiers. Ainsi mon Commandant de Cie qui était parti plus d’un mois après moi est à nouveau reparti tout à l’heure. Je voudrais savoir une fois pour toute pourquoi entre officiers et homme de troupe il y a une si grande différence. C’est bien malheureux tout de même quand je pense que voilà bientôt cinq mois que je n’ai pas eù le bonheur de vous embrasser et quoi quand ce jour là viendra-t-il.
Les permissions marchent bien ainsi aujourd’hui il en part onze à la Cie mais malgré tout comme ce n’est que tant % il faudra attendre qu’ils rentrent avant d’en faire repartir. Attendons toujours.

Georges Renaud, Vendredi 1 heures le 27 octobre 1916

Troisième permission

Hier je n’ai pû t’écrire non pas par mauvaise volonté mais tout simplement parce que je suis allé en marche départ six heures du matin retour midi heureusement nous n’avons pas eût de pluie. Pendant une quinzaine de kilomètres tout alla bien attendu que nous marchions sur une grande route mais tout à coup je ne sais ce qui passa par la tête du Commandant il nous lançat travers champ peu importe la pluie tombant presque journellement la terre fraîchement remuée pour semer les blés formaient un vrai mortier nous enfoncions jusqu’à mi-jambe ainsi sur un parcours de cinq kilomètres puis pour finir marche sous bois. C’était le comble cette forêt exploitée depuis une dizaine d’année était très épaisse et me trouvant en tête du bataillon tu peux croire que j’en ai juré ce qui ne faisait pas avancé plus vite. Je suis donc rentré très fatigué et comme je souffre toujours de mes rhumatismes je n’ai pas fermé les yeux de la nuit tant j’avais mal aux jambes.
Mon travail étant fini et comme il fait à peu près bon je vais aller faire un petit tour avant la nuit. La vie est si monotone que l’on ne sait quoi devenir pour un jour de repos.

Georges Renaud, Dimanche 1 heures le 29 octobre 1916

La journée d’hier fut donc pour moi bien triste malgré que c’était dimanche je crois même que c’est pour cette raison que j’étais si morose puis comme je te l’ai déjà dis je n’avais pas de nouvelle alors comme c’était repos la majeure partie de mes camarades étaient allés faire la bombe dans le voisinage je ne pouvais les suivre mon âge n’étant plus en rapport avec le leur car moi je pense à ma femme.
Ordinairement après le repas du soir nous avons à trois que nous sommes l’habitude de faire une partie de taro mais ces Mrs ayant pas mal absorbé de boisson dans la journée devaient allés se coucher et moi de même pour ne m’endormir que très tard dans la nuit.

Georges Renaud, Lundi 8 heures le 30 octobre 1916

C’est donc aujourd’hui jour de Toussaint journée bien triste hélas qui sait pour combien de familles ayant perdu quelques-uns des leurs pendant ces deux années terribles. À cette occasion nous avions repos complet ce matin mais tantôt tout le monde est parti à l’exercice aussi en ce moment le village se trouve plongé dans une morne tristesse seulement de temps à autre passe une femme en deuil se rendant à l’église ou au cimetière.
J’étais donc tout à l’heure plongé dans une de ces rêveries si coutumière chez moi et ou était ma pensée chère petite femme sinon près de toi te rendant toi aussi comme tant de fidèles épouses faire une prière pour ceux qui ne sont plus et une enfin pour ceux qui loin de vous souffre pour vous défendre contre les teutons.

Georges Renaud, Mercredi 2 heures le 1er novembre 1916

J’ai entendu dire ce matin que les permissions étaient augmentées de trois pour cent mais cela ne peut m’avantager du moins pour le moment car il y a vingt six hommes absents et pas un ne doit rentrer d’ici plusieurs jours aussi deux seulement partirons cette semaine mais en revanche la semaine prochaine plus nombreux seront les partants. Donc de lundi en huit je verrai à quelques jours près à quel moment je pourrai partir toujours à une condition c’est que rien de fâcheux n’arrive. Il faut bien espérer que tout ira bien.

Georges Renaud, Vendredi 2 heures le 3 novembre 1916

Me voici donc à nouveau réintégrer parmis la bande joyeuse et turbulente de mes jeunes collègues tous furent très heureux de me revoir et naturellement les colibets ne manquèrent pas durant toute la journée ce à quoi je m’attendais du reste je n’en fut donc qu’à demi effrayé.
Mon voyage s’effectua dans d’assez bonnes conditions seul le temps était défectueux aussi je fatiguais beaucoup car tu sais avec qu’elle difficulté je marchais enfin arrivé à Labergement mes parents m’attendaient pour manger mais ce fut vite fait j’ai si peu d’appétit. Puis voyant l’heure avancé et toujours pas de voiture je parti à pied presque à moitié chemin de la gare là il fallut attendre le train ayant pas mal de retard mais je ne me sentais nullement pressé de partir pour un rien j’aurais fait demi tour avec les voitures et je m’apercois trop tard hélas que j’aurais eû raison. [...] Retrouvant tout mon monde je quittais Dijon vers 2 h dans un compartiment de 3e serrés comme des harengts.
À la gare régulatrice je pensais avoir plusieurs heures d’arrêt pas du tout 20 minutes seulement juste le temps de timbrer ma permission et je remontais en seconde espérant pouvoir dormir non il faisait trop chaud et j’étais trop énervé c’est donc bien rêveur que j’accomplis ce reste de voyage.
Enfin arrivé à destination à 2h½ du matin je fis mes adieux à Louis et me dirigé vers la sortie la pluie tombait à flot pas une seule maison ouverte que faire je ne pouvais m’embarquer la nuit sur une route par un temps pareille on nous entassa donc dans un barraquement pour attendre le jour mais il faisait très froid et les planches mal jointes laissaient passer la pluie qui tombait toujours avec rage. Enfin le jour vint et quoique fatigué je résolu de me mettre en route à 7 h j’étais vers J Mercier le pauvre n’était pas levé à mon arrivée après avoir causer un brin je me fis conduire vers Georges. Mais à ce moment il me restait six kilomètres à faire et je n’arrivais qu’à 9 h exténué de fatigue.

Georges Renaud, Lundi 9 heures le 20 novembre 1916

J’avais suposé qu’à mon retour je reprendrais mon service comme à l’ordinaire et même en étant si certain dimanche je ne m’en suis pas préoccuper j’étais d’ailleurs très fatigué et puis il me fallait rentrer en possession de mon matériel mais j’avais compté sans mon cher camarade quoique bien souffrant il n’oublie pas ses rancunes. Donc hier matin je reprenais mes anciennes habitudes ne sachant rien encore mais cela ne devait pas durer longtemps car à midi j’étais prévenu que j’aurais à prendre le commandement de la ½ section de l’ami qui m’a écrit et qui se trouve actuellement en permission. Je mis prêter de fort bonne grâce ce que j’avais de mieux à faire et hier après-midi je partais à l’exercice. N’étant pas habitué aux formations forcément j’avais de la peine à commander et quelques abattages me tombèrent sur le dos mais je m’en inquiétais peu car le plus embêtant pour moi la manœuvre était très pénible et comme j’ai toujours très mal aux reins je fatiguais beaucoup et moment je fus même obligé de rester à l’arrière car je ne pouvais plus souffler. Enfin à quatre heure je rentrais. Je supose que cela ne durera que le temps que mon camarade sera absent je prends donc patience j’aurais même pû me faire porter malade mais j’ai crains que cela produise mauvais effet je préfère souffrir pendant quelques jours.

Georges Renaud, Mardi 9 heures le 21 novembre 16

Mes collègues sont rentrés de ce matin mais naturellement ne marcherons pas cet après-midi je ne sais donc pas si je reprendrai ma place mais selon ce que j’ai entendu dire il est fort probable que non je n’en suis pas étonné je ne m’attendais pas à autre chose d’un tel chef en raison de la rancune avec laquelle l’un et l’autre nous vivions toutefois je ne m’en fais pas trop de mauvais sang car je n’avais davantages qu’au repos puisque je dois marcher comme tout le monde. La seule chose qui m’ennuie pour le moment c’est de ne pas être au courant des exercices en cours et j’ai un peu de peine à commander j’aurai vite fais en travaillant un peu de me mettre à jour. Je ne connais pas les raisons de cette nouvelle décision mais pour rien au monde je ne voudrais demander une explication à plus forte raison me soumettre à cette oiseau de mauvaise augure.

Georges Renaud, Jeudi 10 heures le 23 novembre 1916

Je commencerai donc par reprendre à peu près ou j’en suis resté. Dimanche j’aurais pû écrire mais j’étais si ennuyé de ce départ que je n’en eu pas le courage puis il parraît que les lettres ne partaient plus.
Je partais donc le soir de ce jour à dix heures il faisait très bon marcher car le sol était gelé puis nous n’avions que 8 kilomètres à faire pour nous rendre à la gare mais là il fallut attendre sur le terrain étant arrivé à minuit jusqu’à 2 heures du matin jamais je crois je n’avais eu aussi froid mes pieds étaient comme de la glace.
Une fois en vagon je pensais pouvoir me réchauffer non pas moyen car c’était trop mal installé obligé de s’assoir par terre entassés comme des harengs et le voyage devait être très long. Après avoir touché les vivres pour le voyage vers les six heures du matin le train ce mettait enfin en marche comme j’avais passé la nuit je voulu essayé de dormir mais cela me fut impossible tant j’avais froid. Enfin la journée se passa pour le mieux sans marcher à une très vive allure nous n’avions presque pas eu d’arrêt. Dans la nuit nous étions à Paris.
Une nuit dans le train par un tel brouillard pense un peu si on trouve le temps long. J’avais faim je ne pouvais pas manger j’ai fini pourtant par m’endormir ce n’est que dans une gare ou du café bien chaud nous fut distribué que je m’éveillai il était environ sept heures du matin nous avions fait à ce moment au moins trois cents kilomètres et pourtant nous ne devions descendre de ce train que tard dans l’après-midi.
Je me réjouissais donc à l’avance espérant pouvoir passer une bonne nuit pas du tout car une demi heure avant l’arrêt on m’annoncait que j’aurais à prendre le service à l’arrivée avec tous mes hommes ceci m’inquiétais un peu car c’était la première fois mais je m’en suis fort bien tirer mais combien j’étais fatigué car cela faisait trois jours et autant de nuits pour ainsi dire sans dormir.

Georges Renaud, Samedi 4 heures le 2-12-1916
carte photo le 27°RI en manœuvre
27°RI en manœuvre
CPA - Collection privée

Tout en arrivant dans ce pays je me sentis mal à mon aise allongé sur un parcours d’au moins 1 km 500 toutes les maisons se ressemblent d’une part les pauvres en bois et torchi composé de terre et paille puis couvertes en ardoise ont je t’assure un bien triste aspect. Puis enfin les maisons bourgeoises celles-ci couvertes de la même façon que les premières mais construites en briques. De temps à autres un paysan à sa fenêtre nous regardait passés mais si rare qu’un moment je le crû évacué pas du tout la population est la même que chez mon père ce village se trouve dans l’Oise à une cinquantaine de kilomètres de la mer et c’est sans doute pourquoi il fait si froid.
Je ne devais connaître mon cantonnement que le lendemain soir de mon arrivée puisque en débarquant je pris la garde au poste de police.
Le logement est très simple ancien pigeonnier construit très légèrement et comme il est très ancien ce n’est pas du plus solide et tous les matins pour notre propre sécurité je dois faire placer des étais de crainte de passer à travers le plancher. Un tout petit peu de paille nous sert de couchette et encore elle est remplie de pous aussi il ne fait pas chaud la nuit.
Nous avons pû malgré tout reformer notre popote mais elle n’est pas mieux installée que le reste il nous a fallut faire des bancs des tables enfin cela marche tout de même et si nous sommes ici comme on le dit un certain temps nous tâcherons de nous organiser petit à petit.
Notre genre de vie n’a pas changé beaucoup comme toujours à l’arrivée nettoyage du village et à fond je t’assure puis dès qu’il fut fini et bien en route pour l’exercice. Je pense à ce sujet tu n’avais pas compris ma chérie pour ce qui concerne l’emploi de vaguemestre je suis tout simplement définitivement relevé mais je t’assure que je ne demanderai aucune explication.

Georges Renaud, Dimanche 3 heures le 3-12-1916

J’ai donc eu l’agréable surprise de recevoir notre photo même beaucoup plutôt que je ne l’attendais puisqu’à ce moment je me trouvais encore à Barbonville inutile de te dire combien ma joie fut grande car nous sommes très bien réussit toi seule se trouve un peu blanche il aurait fallut pour bien faire que tu te trouve à ma place. Mais ne crois pas comme le prétend ma chère belle-sœur que ma petite femme défrise le tableau. Ce dont je me repent maintenant c’est de n’avoir fait prendre qu’une seule pose et d’avoir oublié ma croix de guerre enfin sans doute une autre fois nous aurons plus de chance car franchement ce jour là tout était contre nous.

Georges Renaud, Mardi 2 heures le 5 décembre 1916

J’ai reçu hier deux lettres 2 et 3 courant je suis désolé que tu ne reçoive pas de nouvelle mais j’y suis plus encore de savoir mon Dédé malade au lit je voudrais déjà savoir ce qui se passe mais les lettres ne sont pas encore arrivées. Pauvre chéri pourquoi donc réclame-t-il le petit Jésus de cette façon tu ne sais pas ma chérie combien je suis inquiet tout cela me fait peur.

Georges Renaud, Mercredi 5 heures le 6 décembre 1916

Aujourd’hui j’ai donc reçu ta lettre du quatre j’en étais très heureux puisque j’en étais privé hier mais moi qui croyais lire que mon Dédé serait guérit au lieu d’être rassuré tu me parle de faire venir le docteur. Jamais on est donc tranquille pourvu que cela ne s’aggrave pas trop car je serais bien inquiet.

Georges Renaud, Jeudi 4 heures le 7 décembre 1916

Hier je me trouvais à être de jour c’est-à-dire de service pour communiquer les ordres aux hommes et m’assurer de l’exécution de ces ordres le plus ennuyeux dans ce service c’est de s’occuper des prisonniers pour un rien il faut courir les chercher puis les reconduire ensuite au poste de police qui se trouve à plus d’un kilomètre et cela plusieurs fois par jour si bien que le soir on est exténué. Je ne fus donc libre qu’après avoir rendu mon appel il était près de neuf heures quand je rentrais la pluie n’avais pas cessé de la journée.

Georges Renaud, Dimanche 4 heures le 10-12-1916

Malgré que tu me dis ma chérie avoir conduit Dédé au docteur je me trouve moins inquiet c’est bien entendu très ennuyeux de le savoir sans appétit mais j’espère que d’ici quelques jours tu m’écriras le contraire je serai alors le plus heureux des poilus.
Je ne t’ai pas menti en parlant de la photo car je n’ai écris que ce que mon cœur me dictait pourquoi faire semblant de te donner satisfaction il vaut mieux je crois parler franchement. Certes moi aussi je suis absolument de ton avis ce travail coûte si cher que je n’ai pas l’intention de recommencer tout de suite plutard si j’ai le bonheur de rentrer nous verrons ce que nous devrons faire.

Georges Renaud, Lundi 5 heures le 11-12-1916

Je te parlais sur ma lettre du 13 que notre ancien Commandant devait nous rassembler pour nous faire ses adieux. En effet il n’y a pas manqué hier matin. Après nous avoir parlé pendant environ une ½ heure en des termes très touchant car lui-même pleurait il tient à remercier son bataillon pour sa bonne tenue au feu et sa discipline dans les cantonnement de repos. Puis il a continué par nous souhaiter bonne chance pour les prochaines opérations et que comme à V. son ancien bataillon contribuerait pour beaucoup à une nouvelle citation ce qui nous permettrait de porter la fouragère alors que ce jour là il payerait le Champagne à tous les officiers. Enfin nous recommandant de nous conduire avec son successeur comme nous l’avions fais avec lui il traversa nos rangs en serrant la main à chacun de nous sans oublier personne. Ce fut tout le meilleur et le plus capable de nos officiers venait de nous quitter pour toujours. Il est parti commander un régiment de méridionnaux et je me suis laisser dire ce matin qu’il n’était pas charmé du tout d’avoir à commander de tels hommes tandis qu’il pouvait si bien compter sur nous.

Georges Renaud, Vendredi 3 heures le 15 décembre 1916

Je vais d’ailleurs te raconter de mon mieux ce qui s’est passé sans cependant te préciser de datte car je ne m’en rappelle plus. Je n’ai plus du tout de mémoire.
Je commencerai donc de l’endroit d’où César est parti en permission. Nous étions prévenu de notre départ quarante huit heures avant l’embarquement. Mais ces deux jours furent pour moi bien employés. Le premier j’étais chef de poste à la garde de police malgré que j’y étais déjà en arrivant dans ce village et que régulièrement je n’aurais dû prendre que beaucoup plus tard attendu que nous sommes actuellement quatorze sous-officiers à la compagnie. Mais le Lt ayant fait des modifications je fus désigné par le sort. J’eu ce jour là bien de la peine car j’avais une vingtaine de prisonniers à garder et à la veille d’un départ ce n’était pas possible de les tenir enfin je m’en suis tiré sans punition j’en étais très heureux car très peu de mes collègues s’en sauve sans récolter quatre jours d’arrêt à cause de ces sâles moineaux.
Le lendemain pour me consoler j’étais encore de jour et tu pense en pareille moment il y a des ordres et des contres ordres j’ai mangé en courant aussi j’étais très fatigué le soir à l’appel et pour terminer je devais encore conduire une patrouille pour faire rentrer les retardataires et les ivrognes à cause du départ le lendemain matin.
Nous devions embarquer à sept heures du matin pour cela le réveille était à cinq j’avais ici soin de tout préparer mon fourbi avant de me coucher si bien que je n’avais qu’à mettre sac au dos et partir nous n’avions d’ailleurs que peu de chemin à faire à pieds. Voilà donc en autos serrés comme des harengs et pendant huit heures il fallait y rester. Enfin on nous débarque tout proche d’un camp dans la boue par dessus la chaussure nous avions pour abri des barraquements en planches obligés de coucher par terre sans paille et cela faisait triste effet après notre si bon repos ce n’était cependant rien encore. Déjà à cet endroit le canon faisait rage mais nous étions loin du front.
Je commençais de comprendre qu’à nouveau il allait falloir risquer sa peau. En effet après nous être reposés une nuit le lendemain nous repartions mais à pieds cette fois l’étape n’était pas longue mais nous étions chargés comme des ânes portant cinq jours de vivre par homme. Le soir nous arrivions dans le même camp que le précédent pendant trois jours nous devions y séjourner.

Georges Renaud, Samedi 9 heures le 30-12-1916

Je vais donc reprendre ma correspondance au point où je l’ai laissée hier. J’en étais je crois au soir que je suis monté en ligne. C’était le lendemain du retour de César et comme la veille nous avions bien fêtés son arrivée je ne me trouvais pas très dispos et la relève m’inquiétait un peu c’était à juste raison car je la sentais pénible. Parti la nuit vers cinq heures du cantonnement je devais avoir le sac au dos très longtemps. Après avoir suivi une route pendant sept kilomètres nous prenions le boyau hélas quelle longueur je croyais ne pas en voir la fin.
La première heure tout alla à peu près malgré que déjà on trouvait le sac lourd mais le boyau n’était pas jusque là trop mauvais donc on s’en tirait toujours. Cela ne devait pas durer longtemps car peu d’instants après ceux qui devaient nous conduire connaissant à peine le chemin s’égarèrent. La pluie tombait à flot une nuit noire on ne voyait pas à un mètre le boyau devenait mauvais l’eau montait à mi-jambe. Pendant deux heures nous fumes ainsi complètement perdu sans savoir où aller livrés à la merci des obus. Cette fois encore nous a protégés car pas un ne fut blessé. Enfin il fallut faire demi tour pour reprendre le bon chemin.
Mais on commencait d’être très fatigué et mouillé jusqu’aux os plus on avancait plus le boyau devenait mauvais à chaque instant quelques-uns restaient en route et pourtant à ce moment il restait encore au moins six kilomètres à faire et les plus pénibles.
Enfin oubliant ou plutôt cherchant à oublier la fatigue je m’efforcai de suivre ce qui restait de la colonne. On avancait toujours mais combien péniblement il y avait tant de boue qu’à chaque instant un homme restait pris dans la boue et devait attendre le lendemain pour en être tiré. Ainsi moi qui ne suis pas grand cette maudite boue entrait par mes poches vois-tu que ce n’était pas gai mais peu importe je n’aurais pas voulu resté à l’arrière.
Donc à trois du matin nous arrivions enfin à destination il était temps j’étais à bout de force. Je pû me reposer le reste de la nuit et une partie de la journée le soir seulement je recu l’ordre de reprendre mon service de vaguemestre malgré que ne connaissant pas le chemin je m’en suis bien acquitté mais combien il faisait noir. Le lendemain matin j’avais en plus des lettres à m’occuper d’un autre service assuré par trente hommes et sur une distance de trois kilomètres je devais les voir plusieurs fois par jour. C’était assez pénible en raison de la pluie qui tombait toujours et du mauvais état du boyau.

Georges Renaud, Dimanche 8 heures du matin le 31-12-16